Déjà le loup !

Québec 2007 - démagogie et populisme

À des degrés divers, toutes les élections générales au Québec depuis une trentaine d'années ont revêtu un caractère plus ou moins référendaires. Encore et toujours la Constitution.

Généralement, le PLQ fait tout de même preuve d'un peu de retenue en début de campagne. C'est seulement après avoir détaillé ses engagements qu'il sort l'artillerie lourde. Après tout, le but de l'exercice est en principe de choisir un gouvernement.
La plate-forme libérale a beau ne pas être très excitante, la précipitation avec laquelle Jean Charest a ressorti les vieux épouvantails étonne. Pour un homme aussi fier de son bilan, il semble remarquablement pressé de passer à autre chose. Le pauvre n'aura jamais assez de voix pour crier au loup pendant un mois!
Sans parler de la grossièreté de ses déclarations. Qui aurait cru qu'en 2007 un chef de gouvernement s'abaisserait encore à faire du chantage aux pensions de vieillesse? À quand les larmes versées sur la perte des Rocheuses?
L'idée de «faire souffrir» les Québécois au lendemain d'un oui pour les inciter à changer d'idée n'est pas nouvelle. En mars 1995, Stéphane Dion, qui n'avait pas encore entrepris sa brillante carrière politique, avait tenu des propos sans équivoque à l'occasion d'un colloque organisé par l'Institut C.D. Howe à Toronto. «Plus ça fera mal, plus l'appui à la souveraineté baissera», avait-il déclaré. Au moins, M. Dion n'était pas premier ministre!
Il est vrai que, sous ses apparences aimables, Stephen Harper est un véritable faucon quand il s'agit d'unité canadienne. Face à un gouvernement souverainiste, il serait au moins aussi intraitable que M. Dion.
Le premier ministre canadien est cependant un partisan de la loi et de l'ordre. Or la péréquation est un principe inscrit dans la constitution canadienne. M. Charest soutient qu'un oui signifierait l'arrêt immédiat des paiements de péréquation, mais si les Québécois continuent à payer leurs impôts à Ottawa en attendant que le Québec quitte officiellement la fédération, M. Harper voudra-t-il être le premier à violer la Constitution?
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En optant pour un programme de «bon gouvernement» provincial, André Boisclair a sans doute déçu certains souverainistes, mais il a également coupé l'herbe sous le pied des libéraux.
Le «projet de pays» assorti d'un cadre financier, que le congrès de juin 2005 avait prévu inclure dans la plate-forme électorale, brille par son absence. Plutôt que de faire campagne sur la précarité des finances d'un Québec souverain, M. Charest en est donc réduit à chicaner sur la crédibilité de promesses qui coûteraient un milliard de moins que les siennes.
Contrairement au programme de 2005, la plate-forme ne contient même pas une petite phrase dont le premier ministre aurait pu déformer le sens pour accuser le PQ de vouloir utiliser les fonds publics pour faire la promotion de son option.
En revenant à la démarche ordonnée qui était prévue en 1995, alors que le programme de 2005 prévoyait une déclaration unilatérale de souveraineté dès le lendemain d'un oui, il devient également moins crédible de prétendre que le Québec plongerait dans un «trou noir», comme M. Charest se plaisait à le répéter.
Inversement, le PQ fait dans le jovialisme quand il laisse entendre que l'élection d'un gouvernement péquiste ne changera rien au petit train-train des relations fédérales-provinciales.
Comme si de rien n'était, la plate-forme péquiste prévoit qu'un gouvernement Boisclair «renégociera avec le gouvernement fédéral pour obtenir sa juste part de nos programmes de sécurité du revenu des agriculteurs». De la même façon, il «négociera pour obtenir une contribution financière du gouvernement fédéral dans le cadre d'un programme d'aide aux travailleurs âgés». Il ne faut pas rêver en couleurs: que le gouvernement fédéral soit dirigé par M. Harper ou M. Dion, le climat ne sera pas à la bonne entente.
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Après avoir été politiquement mis au monde par l'échec de l'accord du lac Meech, Mario Dumont avait commis une grave erreur en septembre 2002, quand il avait déclaré aux membres du Canadian Club de Toronto que la question constitutionnelle n'apparaissait plus sur son écran radar.
Il est certain que la mythique «troisième voie» entre la souveraineté et le statu quo des libéraux ne semblait pas une position très crédible pour un parti qui aspirait au pouvoir. Maintenant que l'ADQ s'est fixé des objectifs électoraux plus modestes, il n'y a aucun inconvénient à réclamer la réouverture du dossier constitutionnel, même si personne au Canada ne veut en entendre parler.
Rien n'autorise cependant M. Dumont à mettre en doute la loyauté de M. Charest envers le Québec. Il est vrai que le premier ministre a tout misé sur le «fédéralisme d'ouverture» de Stephen Harper, mais Robert Bourassa avait fait le même pari en misant sur Brian Mulroney, et personne ne l'accuse d'avoir été un mauvais Québécois pour autant.
La semaine dernière, un chroniqueur du National Post, David Coyne, qui est un thuriféraire d'un gouvernement central fort, se demandait même si l'élection d'un gouvernement Boisclair n'était pas ce qui pourrait arriver de mieux.
Bien sûr, tous les gouvernement provinciaux essaient d'arracher le maximum d'Ottawa, mais, à la différence des autres, un gouvernement québécois fédéraliste peut brandir la menace que représente le PQ et le mouvement nationaliste en général. Le gouvernement fédéral se sent alors obligé de lui faire des concessions, déplore Coyne. Au moins, devant un gouvernement péquiste, Ottawa peut avoir l'attitude ferme qui convient.
Quant à un éventuel référendum, Coyne voit trois possibilités: 1) le PQ le perd; 2) il n'ose pas le tenir, ce qui revient au même; 3) il le gagne, le chaos s'installe et le gouvernement péquiste s'écroule en quelques jours. Bref, pour en finir une fois pour toutes, un bon fédéraliste devrait voter PQ!
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mdavid@ledevoir.com


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