Des documents montrent les efforts d’Ottawa pour lutter contre le populisme

0a01694c715e2a4604846a7c331b8455

À la veille des élections, les stratèges libéraux comprennent enfin que le discours sur la diversité aliène les électeurs


Des documents récemment publiés montrent que des hauts fonctionnaires du gouvernement ont été avisés de « ramener l’attention sur la majorité » — plutôt que sur les valeurs de la diversité — dans les communications publiques pour contrer la menace du populisme au Canada.


Les sous-ministres d’un groupe de travail ont entendu cette idée parmi d’autres lors de réunions, l’année dernière, ayant porté sur ce que le gouvernement peut faire pour se prémunir contre une éventuelle montée de l’extrémisme et du populisme au pays.


Une note d’information préparée à l’intention des hauts fonctionnaires explique que si l’on ne tient compte que des « populations marginalisées », « les autres se sentent comme s’ils n’avaient aucune importance ».


« La cohésion sociale doit devenir une nouvelle lentille dans l’élaboration des politiques. Pour ce faire, le gouvernement doit tisser des liens par-delà les différences, favoriser une plus grande empathie et ramener l’attention sur la majorité (c’est-à-dire les groupes intermédiaires) », ont écrit des responsables dans les documents.


Les suggestions ont été formulées par un expert international invité à prendre la parole devant le groupe de travail des sous-ministres sur la diversité et l’inclusion en octobre 2018.


La Presse canadienne a obtenu une copie de la présentation et d’autres documents remis au groupe de travail en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.


Forces perturbatricesTim Dixon, cofondateur du groupe de réflexion britannique More in Common, a déclaré au groupe de travail que le Canada faisait face aux mêmes forces perturbatrices que d’autres pays, des forces susceptibles d’alimenter la polarisation et la division — même si le Canada pourrait y être plus résistant en raison de ses succès passés dans la création d’une identité nationale inclusive.


Il a ajouté que la polarisation de l’opinion peut amener certains individus à en vouloir aux groupes minoritaires perçus comme bénéficiant d’avantages spéciaux, tels que le logement ou l’assistance sociale, au détriment des autres. Ces sentiments sont plus fréquents chez une majorité de personnes appartenant à la catégorie des « groupes intermédiaires », caractérisés par des vues modérées entre les extrêmes des « cosmopolites aux valeurs ouvertes » et des « nationalistes aux valeurs fermées ».


C’est pourquoi il a été conseillé au Canada de « renforcer la solidarité sociale » en évitant de mettre en opposition les intérêts d’un groupe et ceux d’un autre dans les communications publiques. Le Canada devrait plutôt mettre en valeur un message soulignant ce qu’on a en commun plutôt qu’essayer de démontrer que les messages de division sont dans l’erreur, selon la présentation de M. Dixon.


Renforcer l’empathie et la cohésion socialeLes documents montrent qu’après la réunion, les responsables ont discuté des moyens par lesquels le gouvernement pourrait incorporer les conseils dans les politiques fédérales. Selon un résumé de la discussion entre les députés, l’une des idées avancées a été la possibilité d’utiliser le système scolaire canadien, doté d’un « pouvoir d’intégration massif », pour éduquer et connecter les gens de manière à renforcer l’empathie et la cohésion sociale.


En ce qui concerne les communications futures, les sous-ministres ont souligné la nécessité de « se concentrer sur les valeurs partagées plutôt que sur les valeurs de diversité », indique le résumé de la réunion.


Le premier ministre Justin Trudeau semble avoir pris ce conseil à cœur dans ses messages politiques en prévision des élections fédérales.


Lors d’une collecte de fonds libérale le mois dernier, M. Trudeau a insisté sur la nécessité de chercher un terrain d’entente et de trouver un compromis entre les Canadiens lorsqu’on lui a demandé comment lutter contre le sentiment populiste pendant la campagne.


« Nous avons toujours appris qu’il fallait nous écouter les uns les autres, trouver un terrain d’entente qui nous permette de faire avancer les gens », a déclaré M. Trudeau lors de l’événement du 18 juillet à Victoria, en Colombie-Britannique.


« L’idée est que nous sommes un pays de diversité, de visions variées et que nous avons pour responsabilité d’essayer d’unir ces visions dans une voie d’avenir. Nous pouvons trouver des éléments que les Canadiens verront comme étant le juste équilibre — et cela, pour moi, est le contre-pied du populisme. »


S’adressant à un groupe de manifestants contre les pipelines à l’extérieur du lieu de l’événement, M. Trudeau a expliqué en plaisantant qu’aucun d’entre eux ne portait des pancartes véhiculant des messages de compromis — une remarque qu’il a utilisée pour souligner que bon nombre des voix les plus fortes se font entendre dans les périphéries et ne reflètent pas l’opinion d’une majorité de Canadiens.


Les médias sociaux amplifient certaines de ces voix, a ajouté M. Trudeau, un autre point repris des discussions et des recherches effectuées par le groupe de travail.


La présentation de M. Dixon a mis en garde les responsables gouvernementaux sur la nécessité de prendre conscience de la manière dont les médias sociaux peuvent fausser les données.


« La majorité des gens ne sont pas impliqués dans le débat et n’aiment pas la division, mais ce sont ceux qui sont sur les médias sociaux qui s’expriment le plus et cela pourrait donner un poids démesuré à certaines questions. »





-->