Des gens raisonnables

Élection Québec 2012 - les souverainistes



Avant de rencontrer l’équipe éditoriale du Devoir hier matin, Françoise David avait lu cette lettre, publiée dans nos pages, que lui avait adressée une électrice de Gouin, qui se disait « plus déchirée que jamais ». Même si elle adhérait en grande partie aux valeurs de Québec solidaire et souhaitait qu’Amir Khadir ait de la compagnie à l’Assemblée nationale, elle avait décidé de voter PQ mardi prochain. « Dans l’intérêt de la collectivité », expliquait-elle.
Que lui répondait la coporte-parole de QS ? « L’Intérêt de la collectivité québécoise est que je sois élue », a-t-elle affirmé avec une impressionnante certitude. Tout le monde reconnaît que Mme David a offert une performance remarquable lors du débat télévisé entre les quatre chefs de parti et que sa présence à l’Assemblée nationale contribuerait à élever le niveau des débats, mais était-ce bien à elle de dire que « les gens ont découvert une femme d’État » ?
Assis à ses côtés, Amir Khadir en a remis. Bon prince, il a concédé que Nicolas Girard a été un « bon député », mais Mme David est « un leader national ». Qui plus est, une personnalité « d’envergure internationale ». Mazette !
Bon nombre de souverainistes aimeraient tout de même trouver en elle un peu moins de mère Teresa et un peu plus de Jeanne d’Arc. M. Khadir avait pourtant raison de souligner sa contribution à la promotion du projet souverainiste, qui est généralement éclipsée par son engagement social.
La marche du Pain et des roses de 1995 a marqué les esprits, mais il lui a fallu encore plus d’efforts pour convaincre la Fédération des femmes et la défunte Option citoyenne d’embrasser la cause souverainiste.
Si le chef d’Option nationale, Jean-Martin Aussant, impressionne par son aptitude à démontrer comme autant d’évidences les avantages économiques du projet souverainiste, Françoise David excelle à le présenter comme le meilleur moyen d’arriver à une société plus juste et plus humaine.
On dépeint souvent Québec solidaire comme une bande de rêveurs, mais toute révolution nécessite une part de rêve. C’est précisément ce que le PQ de Pauline Marois n’arrive plus à offrir. Du début à la fin, la campagne péquiste a nettement manqué d’inspiration. Pas étonnant qu’autant de jeunes souverainistes se tournent aujourd’hui vers ON et QS.
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Si Mme Marois se retrouve dans l’obligation de diriger un gouvernement minoritaire, le meilleur scénario serait certainement que d’autres souverainistes héritent de la balance du pouvoir. Les coporte-parole de QS se portent volontiers volontaires. L’aubaine serait inespérée.
La nouvelle première ministre devrait faire son deuil de certains éléments de sa plateforme, comme l’extension des dispositions de la Charte de la langue française au niveau collégial, ou encore la création d’une citoyenneté québécoise, dont QS ne veut pas entendre parler, mais ce serait nettement préférable aux diktats d’un front commun libéralo-caquiste.
Hier, on était bien loin des appels à la désobéissance civile et des imprécations lancées par Amir Khadir. La grande bataille contre le néolibéralisme devra faire une pause. « On va se comporter en gens responsables et raisonnables », a assuré Mme David.
Il ne serait pas question d’exiger l’instauration d’un revenu minimum garanti, ni même l’introduction d’un élément de proportionnelle dans le mode de scrutin, que QS réclame pourtant depuis sa fondation.
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Qui sait, cette collaboration permettra peut-être aux militants du PQ et de QS, qui se regardent souvent en chiens de faïence, de s’apprivoiser mutuellement. On semble toutefois bien loin de la grande alliance des forces progressistes et souverainistes que plusieurs appellent de leurs voeux.
Même si sa candidature dans Gouin était un des principaux obstacles à la conclusion d’une entente électorale entre le PQ et QS, Mme David s’est bien gardée de dire si son éventuelle victoire permettrait de relancer les négociations en prévision du prochain scrutin.
Aux élections générales de 2008, QS a recueilli 3,78 % des voix. Les 7 % dont le créditent les sondages constitueraient une intéressante progression, essentiellement aux dépens du PQ. Alors, pourquoi engager prématurément l’avenir ?


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