Un couple d’origine chinoise qui travaille pour un nettoyeur est plus motivé que jamais à apprendre le français, maintenant que des étudiants viennent sur leur lieu de travail pour les aider à pratiquer.
«Les gens se disent: cette femme ne sait pas vraiment faire de la couture parce qu’elle ne connaît pas les mots justes. Apprendre le français, ce sera bon pour le commerce», affirme Mao Guo Xian, arrivée à Montréal avec son mari il y a cinq ans.
Cette couturière de 36 ans est bien heureuse de faire partie des 30 participants d’un projet-pilote de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Tous commerçants ou employés d’un magasin de la Plaza Côte-des-Neiges, ils auront droit à deux heures par semaine d’accompagnement sur leur lieu de travail avec un étudiant de l’Université de Montréal.
Manque de temps
Dans ce quartier multiethnique, moins de la moitié des gens utilisent le français comme langue de travail. Paresse? Mépris de la langue de Molière? C’est plutôt par manque de temps pour suivre des cours puisqu’ils travaillent le jour et ont des obligations familiales le soir, ont expliqué les participants interrogés.
Quand il a commencé à travailler chez Nettoyeur Mauran il y a un an, Jun Huang était nerveux à l’idée de tomber sur des clients francophones. Jour après jour, il gagne en aisance, mais il estime avoir besoin d’un bon coup de pouce pour mieux servir les clients, explique-t-il dans un anglais teinté de son accent chinois.
«Avec l’aide d’un dictionnaire, je peux aider mon fils de 10 ans à faire ses devoirs le soir. Et quand les clients demandent une retouche simple, je comprends. Mais dès que les phrases sont trop longues, je ne suis plus», illustre l’homme de 41 ans, qui était médecin en Chine.
Clients fâchés
Mme Guo Xian a d’ailleurs vu certains clients s’impatienter en voyant que son époux parlait peu français. «On lui a déjà dit: pourquoi tu ne parles pas français? Tu dois apprendre, relate-t-elle. Mais si tu essaies et que tu parles lentement, les gens sont gentils et compréhensifs. Ils reconnaissent l’effort», observe-t-elle.
Reste que même elle, qui s’est rendue plus loin que son époux dans les cours de français à son arrivée, souhaite s’améliorer. «Les cours que j’ai suivis, ce n’est pas assez. Nous faisions beaucoup de grammaire, mais ce dont j’ai besoin, c’est de la pratique orale», dit-elle.
Une première en francisation au Québec
Envoyer des tuteurs sur le lieu de travail des commerçants est une approche si innovatrice qu’elle pourrait faire des petits ailleurs à Montréal.
«C’est une première au Québec. Et je n’ai jamais entendu parler d’un tel projet ailleurs en Amérique du Nord ni en Europe», indique Michel Leblanc, le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.
Le projet-pilote permet d’embaucher 20 étudiants en enseignement, traduction ou linguistique de l’Université de Montréal qui ont été formés, qui seront supervisés et payés 20 $ l’heure. Chaque semaine pendant trois mois, ils iront passer deux heures sur le lieu de travail des marchands avec qui ils sont jumelés afin de répondre à leurs besoins. Les premières rencontres avaient lieu cette semaine.
«Mieux accueillir les gens qui entrent dans le magasin, répondre au téléphone, etc. On n’a pas la prétention que ces gens soient complètement francisés à la fin du projet», explique Monique Cormier du Bureau de valorisation du français de l’Université de Montréal.
Financement public
Le projet est entièrement financé par le gouvernement du Québec au coût de 132 000 $, indique M. Leblanc. Le ministre de la Culture et des Communications, Luc Fortin, a en effet annoncé en décembre qu’un soutien financier serait offert à des organismes pour des projets de promotion du français au travail, particulièrement dans les entreprises de moins de 50 employés.
Dans trois mois, l’impact du projet-pilote sera évalué, indique M. Leblanc. «Côte-des-Neiges, c’est l’écosystème parfait pour le tester. On verra si on fait un projet de plus longue haleine ou si on s’étend à d’autres quartiers.»
Si les résultats sont concluants, il pourrait même avoir le potentiel d’être exporté dans certains pays d’Europe, suppose M. Leblanc.
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