Avec son discours anti-élites et son langage rempli de sacres, Bernard Rambo Gauthier surfe sur la même vague que Donald Trump, observent des experts en politique.
«Entrer en politique en disant vouloir éviter une guerre civile, il y a quelque chose de “trumpesque” là-dedans», croit Christophe Cloutier-Roy, politologue à la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM.
Comme plusieurs autres experts consultés par Le Journal, M. Cloutier-Roy remarque que le langage peu châtié et le discours du coloré syndicaliste sortent complètement de ce qui est habituellement considéré comme politiquement correct, comme l’a fait Trump dans sa campagne.
«Un politicien qui qualifie les immigrants d’envahisseurs, je n’ai jamais entendu ça au Québec», avoue Emmanuel Choquette, de l’Université de Sherbrooke, faisant référence au discours anti-immigration de Bernard Gauthier.
Mais c’est surtout son discours anti-élites, qui mise sur l’«écœurement» du peuple envers les partis traditionnels, qui rapproche Gauthier et Trump, s’entendent pour dire les experts.
«Ce qui est fascinant, c’est que les deux hommes sont en réalité de purs produits d’une élite politique», observe Thierry Giasson, de l’Université Laval. [Tandis que Donald Trump vient de l’élite financière], Bernard Gauthier vient du milieu syndical, une des institutions qui a le plus d’influence politique au Québec après les partis. [...] Les simples citoyens ne vont pas à Tout le monde en parle et à la commission Charbonneau.»
À cela vient s’ajouter une hypermasculinité, bien que leur image soit éloignée. «Ils cultivent une apparence de tough qui peut être un peu violent. Un homme qui se pose comme le sauveur», note M. Giasson.
Pas milliardaire
Toutefois, Bernard Gauthier n’est pas milliardaire et ne dispose pas des énormes moyens qu’avait Trump pour mener sa campagne. D’autant plus que le premier s’est engagé dans un parti marginal, tandis que le second s’est présenté pour nul autre que le parti républicain, rappellent les experts.
Il est d’ailleurs trop tôt, selon eux, pour dire si une vague Rambo est possible au-delà de la Côte-Nord, fief du syndicaliste.
«On n’est pas aux États-Unis. De façon générale, les Québécois sont plus politisés que les Américains en raison de la question nationale», rappelle M. Giasson.
Citations frappantes de Rambo
«S’il faut que je me présente en politique et que je rentre, calisse, au provincial, je jure que je vais y aller, je vais aller infiltrer les lignes ennemies et on va aller passer notre crisse de message, vous pouvez être sûr de ça.» — En entrevue avec Le Journal à propos de la loi sur la mobilité de la main-d'oeuvre de la construction
«Les travailleurs(ses) de l'extérieur seront TOUJOURS les bienvenue!! Mais lorsque nous aurons une majorité des emplois disponibles et des retombées économiques pour nos entreprises et commerçants!!! Point à la ligne!!! [...] Les autres régions devrais faire de même!!» — Dans une publication sur Facebook*
«On ne laissera pas ça aller et on n’attendra pas d’être morts pour se défendre, parce que mort, tu peux pu rien faire. Il n’y a pas longtemps, on était 115 000 dans la région, là, on est rendu à 85 000, 90 000. On n’attendra pas de tomber à 10 000.» — À propos de la baisse démographique sur la Côte-Nord liée au manque de travail
«Le politique, ça a deux vitesses: lent, pis ben lent. Pendant ce temps-là, nous, on travaille pas [...]. Je veux pas que ça dégénère, mais on a des politiciens qui dorment au gaz.» — Au sujet de l'emploi sur la la Côte-Nord, lors de son passage à la commission Charbonneau
«Moi, je l'ai toujours dit : la fin justifie les moyens. Si tu veux survivre, attends pas après personne, occupe-toi de tes affaires.» — Dans sa biographie au sujet de son arrivée dans le monde de la construction
«J'en connais une crisse de gang de gens qui proviennent d'autre pays et qui sont des très bons amis! Mais eux on accepter mon pays avec ses règles et façons de vivres, sans nous écoeuré avec leurs religions et accommodements de crisse!» — Dans une publication sur Facebook *
* Nous avons reproduit les écrits facebook de Bernard Gauthier dans leur intégralité
Séduire la droite... et inciter à la violence
Plusieurs sont persuadés que même si Bernard Gauthier est issu du milieu syndical, sa candidature peut attirer des partisans de la droite, voire de l’extrême droite, et même inciter à la violence.
«Je suis convaincue que [la candidature de Bernard Gauthier] va soulever les passions à gauche comme à droite. Ça va être un hit», déclare Jessie Mc Nicoll, sympathisante du Parti conservateur du Québec. Cette militante de la droite, qui prône une réduction de l’État, ne partage pas les vues de Bernard Gauthier, qui condamne notamment les mesures d’austérité des libéraux.
«Mais même moi, son côté irrévérencieux me séduit», avoue Mme Mc Nicoll.
Division
Le discours anti-immigration de Bernard Gauthier, qui dit craindre les «envahisseurs», pourrait même alimenter l’idéologie de groupes d’extrême droite, croit Herman Deparice-Okomba, directeur du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence.
«Depuis l’élection de Trump, je lis partout des propos de plus en plus décomplexés», abonde Emmanuel Choquette, de l’Université de Sherbrooke. Cibler des communautés ou des personnes qui n’ont pas de pouvoir politique réel [...] et semer la division, c’est une stratégie qui peut être payante à court terme, mais catastrophique à long terme», s’inquiète-t-il.
Dépasser les limites
La députée péquiste de Duplessis Lorraine Richard craint d’ailleurs que le franc-parler de Gauthier «allume une poudrière» et incite à la violence malgré lui. Elle a d’ailleurs reçu des messages menaçants de la part de partisans de Rambo.
«Vous ne pouvez pas faire une conférence de presse et pratiquement appeler à la guerre civile. [...] Je sais qu’on va dépasser les limites», dit Mme Richard.
D’ailleurs, la candidature de M. Gauthier ne fait déjà pas l’unanimité, même au sein de groupes qui ont applaudi l’élection de Donald Trump.
«Personnellement, je ne voterais pas pour quelqu’un comme ça», avoue une ex-porte-parole du groupe anti-islamique Pegida Québec qui préfère taire son nom. «C’est gênant. C’est un Québécois de basse classe. Il a de la difficulté à s’exprimer et n’a aucune formation requise pour diriger un pays, alors que Trump est un homme intelligent qui a réussi dans la vie», lance-t-elle.
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