Monsieur Mulcair, le 7 avril dernier, vous avez appuyé le PLQ en votant libéral dans votre circonscription parce que — avez-vous confié à la télé — le candidat était un bon ami. On sait que Philippe Couillard, sans doute votre ami, aimerait bien signer la Constitution canadienne rapatriée en 1982 pour célébrer le 150e anniversaire de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867. Question : êtes-vous d’accord avec cette intention sachant que c’est sans doute aussi le désir le plus cher de Justin Trudeau, lui-même un bon ami politique à la fois du premier ministre libéral à Québec et, incidemment, de votre autre bon ami ?

Monsieur Mulcair, dans le cadre du 30e anniversaire du rapatriement de la Constitution, Le Devoir publiait, le 17 avril 2012, un texte de Pauline Marois. Vous en aurez certainement pris connaissance à l’époque ; en particulier de la critique faite à l’endroit des fédéralistes québécois, qui, devant ce coup de force, ce coup d’État contre le Québec en 1982, selon elle, ont depuis longtemps baissé pavillon. Elle ajoutait : « Si certains s’imaginent que le NPD y changera quelque chose, qu’ils demandent à Thomas Mulcair s’il a l’intention d’inscrire l’existence de la nation québécoise dans la Constitution canadienne. » Allons-y : avez-vous l’intention, si vous devenez premier ministre du Canada, de faire inscrire l’existence de la nation québécoise dans la Constitution canadienne ?

Monsieur Mulcair, en appuyant le Parti libéral du Québec ouvertement, vous vous êtes enlevé toute marge de manoeuvre sur le plan politique, surtout à la suite de votre prise de position contre la charte des valeurs, alors que vous avez suggéré de financer, comme parti, des individus qui la contesteraient juridiquement. Vous vous êtes mis à dos pour cela beaucoup de nationalistes qui appuyaient ce projet de charte et qui ont voté pour vous en 2011. Et en appuyant Philippe Couillard le 7 avril, vous vous êtes moqué encore davantage de votre électorat plus nationaliste. Question : ainsi, à la prochaine élection fédérale en 2015, devons-nous nous attendre à ce que vous teniez au Québec le même discours que Justin Trudeau et Philippe Couillard qui souhaitent la « provincialisation » définitive du Québec dans le Canada ?

Je doute que vous répondiez à ces questions. Mais dites-vous une chose : dire que le NPD est favorbale au 50 % plus une voix pour valider une victoire des indépendantistes dans l’éventualité d’un référendum ne vous permettra pas d’attirer à nouveau l’électorat nationaliste du Québec même si vous avez participé à la fête nationale le 24 juin dernier. Ce qui a été bien noté. Car cette éventualité, à la suite de la défaite du PQ, est devenue tout à fait théorique.

Par ailleurs, vouloir la reconnaissance de la nation québécoise dans la Constitution canadienne ou, encore mieux, sa coexistence avec la nation canadienne à la suite d’un accord politique quasi constitutionnel dont vous vous proposeriez d’être le maître d’oeuvre à titre, éventuellement, de premier ministre du Canada, serait pour vous, à n’en pas douter, un atout majeur pour maintenir vos appuis au Québec lors du prochain scrutin fédéral. Et qui sait, peut-être aussi un atout pour augmenter vos appuis dans le reste du pays, ce pays qui tient à deux choses en apparence contradictoires, reconnaître la nation québécoise sans ouvrir la Constitution.

Il vous faudrait annoncer vos couleurs le plus rapidement possible, profitant de l’incertitude politique actuelle au Québec et surtout de la morosité nationale ambiante. A contrario, si ce vide national est plutôt une bonne nouvelle pour vous, dites-vous que la nature ayant horreur du vide, ce qui pourra en résulter risque d’être un choc puissant qui ébranlera les colonnes du temple de la standardisation canadienne en cours dont vous êtes, jusqu’à preuve du contraire, un grand prêtre fort éloquent et intrépide à côté des Couillard, Trudeau et Harper.

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