On a l’habitude d’applaudir à la mondialisation des communications puisqu’il nous est possible de suivre ce qui se passe partout sur la planète en temps réel. Il suffit d’un peu de curiosité pour se renseigner sur les tumultes du monde.
Mais ne nous leurrons pas. Cela n’a pas que des vertus. Car le village global est une illusion technologique, et trop souvent, les informations qui nous arrivent sont décontextualisées. Neuf fois sur dix, les éléments historiques et sociologiques nous manquent pour comprendre. Cela n’empêche pas ceux qui les reçoivent de s’indigner plus souvent qu’ils ne le devraient sur les médias sociaux.
Médias
Cela dit, à bien des égards, la mondialisation est d’abord une américanisation du monde. Et cela se fait aussi sentir sur notre manière de lire la vie politique et sociale. Nous vivons de plus en plus mentalement dans une actualité qui n’est pas la nôtre.
Non pas qu’il faudrait bouder l’actualité américaine. Les États-Unis sont l’empire de notre temps et nous sommes tous affectés par ce qui s’y passe. Mais ce n’est pas une raison pour nous transposer artificiellement dans leurs frontières ou de croire que ce qui se passe chez nous n’est qu’une extension de ce qui arrive là-bas.
On le voit par exemple dans l’intérêt démesuré suscité actuellement par les primaires démocrates. Ils sont nombreux à se passionner mille fois plus pour les débats qui s’y mènent que pour notre vie nationale. Comment ne pas y voir une forme d’exil mental ?
On le voit aussi avec les émotions suscitées par la moindre déclaration polémique de Donald Trump, comme s’il était le chef du monde occidental au grand complet et que nous devions tous nous positionner par rapport à lui, comme des Américains hors frontières. Comment ne pas y voir une forme d’annexion volontaire du Québec à l’empire ?
Cette perte de contact avec la réalité nous amène aussi à confondre les sociétés.
Prenons l’exemple du suprémacisme blanc. C’est un phénomène absolument détestable, sans le moindre doute, qui révèle la part la plus sombre de la culture américaine. Mais il ne trouve aucun équivalent ici, sinon dans les marges les plus éloignées de notre vie publique.
Dans le même esprit, les tensions raciales qui minent la société américaine sont absentes au Québec et il serait absurde de plaquer ici des grilles d’analyses élaborées pour la décrypter. De même, alors que l’esclavage fut un phénomène majeur aux États-Unis, il fut périphérique dans notre histoire.
Racisme
Autre exemple : si la critique du capitalisme sauvage est nécessaire partout sur la planète, on ne saurait confondre les écarts de richesse qui plombent les États-Unis avec celles qui touchent le Québec, qui a tissé au fil des décennies un filet social remarquable.
En d’autres mots, s’il est naturel que nous nous intéressions à ce qui se passe au sud de la frontière, nous aurions tout intérêt à nous désaméricaniser mentalement.
Histoire, tout simplement, de retrouver notre propre réalité.