Desjardins et les copains de Chopin

Desjardins tait les relations homosexuelles de Chopin

Tribune libre

     J’ai vu le 23 décembre à la télévision de Radio-Canada le documentaire de Richard Desjardins [1] sur le musicien d’ascendance franco-polonaise Frédéric Chopin intitulé Chip Chip : Chopin par Desjardins [2].


     C’est un opus intéressant, mais la diction laborieuse de Desjardins l’a desservi. L’homme-orchestre aurait dû limiter ses interventions et faire appel à un narrateur professionnel. Quand il s’adresse à la caméra, on le voit souvent se remémorer péniblement son texte. Ça ne coule pas de source, c’est le moins que l’on puisse dire. Les spécialistes français qui ont répondu à ses questions ont dû ne pas en revenir.


     Quant au contenu proprement dit, le réalisateur donne beaucoup d’importance à la liaison entre le grand compositeur et l’écrivaine George Sand (qui s’habillait souvent comme un homme), mais il passe curieusement sous silence les relations homosexuelles qu’il a entretenues [3]. Peut-être Desjardins craignait-il qu’on interprète mal son amour immodéré pour la musique de Chopin (j’espère que non).


     Je suis d’accord avec le critique du Devoir, Christophe Huss, qui suggère que Desjardins est peut-être passé à côté de quelque chose : « Peu importe si le 2e mouvement du 2e Concerto a été composé par Chopin en pensant à Konstancja [Gladkowska, une possible flamme] ou à Tytus [Woyciechowski, un amant]. Par contre, bien des douleurs et des tensions ressenties dans l’œuvre ou les harmonies, attribuées à la santé fragile de Chopin, sont peut-être (Nocturne, op. 48 n° 1, Nocturne en dièse mineur, opus posthume) l’expression d’une souffrance intérieure et d’un mal de vivre encore plus grand, qui n’avait, comme pour Tchaïkovski, d’autre moyen d’expression que la musique. » [4]


     Remarquez que Richard Desjardins n’est pas le seul, avec son « documenteur », à s’en tenir mordicus à l’histoire officielle. La Pologne catholique et conservatrice, qui a quasiment déifié Chopin, tient à son amoureux transi des femmes. Plus étonnant, cependant, la page de Wikipédia sur le pianiste virtuose est muette sur la question et « en semi-protection longue » [5]. La société Radio Télévision Suisse soutient que « les détails de cette relation [avec Woyciechowski], pourtant authentifiés, [y] ont été immédiatement supprimés » [6].


     Pour finir, je m’étonne que ce film ait été sélectionné par le Festival du nouveau cinéma de Montréal (édition 2023), réputé pourtant anticonformiste [7].


Sylvio Le Blanc




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