Diversité culturelle: la ministre se fâche

Le projet de loi 16 n'a rien à voir avec les accommodements raisonnables, dit Yolande James

Laïcité — débat québécois

Robert Dutrisac - Québec -- La ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, Yolande James, est à la fois surprise et irritée de l'interprétation que font plusieurs groupes et juristes de son projet de loi 16 visant à encadrer la gestion de la diversité culturelle par l'administration publique. «Très sincèrement, je ne suis pas contente», a livré, hier, Yolande James lors d'un entretien accordé au Devoir. «Il n'est nullement question de remettre en question le principe de l'égalité homme femme.»
Yolande James estime qu'il est «irresponsable» de faire un lien entre le projet de loi 16 et des accommodements qui favoriseraient la liberté de religion au détriment de l'égalité entre les sexes, comme l'a fait la présidente du Conseil du statut de la femme (CSF), Christiane Pelchat dans nos pages hier. Mme Pelchat, une juriste et une ancienne députée libérale, donnera son appréciation du projet de loi 16 cet après-midi en commission parlementaire.
La ministre a dit déplorer le fait que Mme Pelchat «essaie de faire porter toutes les questions de conflits de religion sur le dos des immigrants.»
Yolande James a soutenu que le projet de loi 16, malgré l'avis de la présidente du CSF et des groupes appelés à comparaître en commission parlementaire, n'a rien à voir avec les accommodements raisonnables.
Le projet de loi stipule que la ministre se voit confier la mise en oeuvre d'«une politique gouvernementale et d'un plan d'action pour favoriser l'ouverture de la société à la diversité culturelle». La ministre a expliqué qu'il s'agit de «gestion de la diversité culturelle».
«Ce n'est pas parce qu'on fait le choix de s'ouvrir à la différence qu'on va faire des compromis sur les valeurs du Québec», a avancé le ministre.
Le projet de loi cherche à pourvoir l'administration publique des «outils pour gérer toutes les situations visant l'intégration de la population immigrante et des communautés culturelles», a-t-elle déclaré.
«Les accommodements raisonnables, ce n'est pas l'objet du projet de loi», a soutenu Mme James. Il ne vise pas non plus la question du port des signes religieux par les employés de l'État, a-t-elle dit.
La présidente de la CSF a donné, hier, au Devoir une tout autre interprétation du projet de loi 16. Selon Christiane Pelchat, le gouvernement met en oeuvre une recommandation du Conseil qui souhaitait que le gouvernement se dote d'une «politique de gestion de la diversité culturelle». Les syndicats des employés de l'État ont fait pareille recommandation. Mme Pelchat a dit craindre qu'en l'absence de balises et sans définition de la laïcité de l'État, la liberté de religion devienne une «pizza» et que ce droit prime celui de l'égalité entre les sexes.
Hier, la chef par intérim de l'Action démocratique du Québec, Sylvie Roy, a exigé du gouvernement qu'il se munisse d'une loi pour définir ce que représente la laïcité de l'État, une des valeurs fondamentales des Québécois, et ce, avant d'adopter le projet de loi 16. «Il faut se définir comme État laïque. Ils l'ont fait en France», a-t-elle souligné, rappelant que la commission Bouchard-Taylor avait recommandé au gouvernement de produire un livre blanc sur la laïcité. Mais Mme Roy ne veut pas débattre en même temps de la diversité culturelle et de la laïcité de l'État. «Ce serait un mélange des genres», estime-t-elle.
La question des accommodements raisonnables, le gouvernement Charest l'a réglée en confiant à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) le soin de juger au cas par cas du caractère raisonnable des accommodements. «Les accommodements raisonnables, c'est un principe juridique; on a la Charte des droits, on a un mécanisme», a signalé Mme James.
À l'Assemblée nationale, hier, la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, Carole Poirier, a demandé à la ministre responsable de la Condition féminine, Christine St-Pierre, si elle était d'accord avec l'avis de la CDPDJ, dont Le Devoir faisait état hier, qui donnait sa bénédiction à la Société d'assurance automobile du Québec (SAAQ) pour des accommodements raisonnables liés à des croyances religieuses. Des juifs hassidiques qui refusaient que ce soit une femme qui leur fasse passer leur évaluation de conduite ont eu gain de cause, tout comme les femmes musulmanes dont le mari refusait qu'un homme s'occupe de leur examen de conduite. Selon la porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine, la CDPDJ «donne préséance à une règle religieuse au détriment de la règle québécoise de l'égalité des sexes».
Mme St-Pierre ne s'est pas levée pour répondre. C'est plutôt la ministre de la Justice, Kathleen Weil, qui a répondu à sa place. Mme Weil a cité la Cour suprême qui, en matière d'accommodements raisonnables, préconise «une méthode d'équilibrage» entre deux catégories de droits en conflit. La CDPDJ a conclu qu'il n'y avait pas de conflit entre la liberté de religion et le principe de l'égalité homme femme, a fait valoir Mme Weil.


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