Diviser pour mieux régner

Recensement 2011


Jocelyn Caron, Strasbourg -
La récente décision du gouvernement fédéral de rendre la complétion d'une partie du recensement optionnelle est une mesure inquiétante. Ce choix, en plus de nuire à la qualité de l'information recueillie par le recensement, confirme la tendance du gouvernement conservateur à calquer les méthodes de ses frères idéologiques du sud de la frontière.
Comme bien d'autres avant elle, cette décision est directement inspirée du manuel politique des conservateurs états-uniens. En effet, il y a de ça quelques mois, une frange du mouvement conservateur états-unien, proche de la mouvance du Tea Party, a fortement décrié le recensement américain en affirmant que c'était une «invasion de la vie privée» et que cela «augmentait le contrôle du gouvernement sur les citoyens». Certains ont même encouragé les citoyens à ne pas répondre au questionnaire.
Même lignée
Au Canada, le ministre responsable du recensement, Tony Clement, a dit vouloir «mettre fin à la coercition de l'État» et dit trouver «les questions très intrusives», version plus nuancée, mais dans la même lignée que ce que l'on entend aux États-Unis.
Il ne faut toutefois pas se leurrer, car ces belles paroles, dans les deux pays, cachent la véritable raison de la réticence au recensement. Un recensement de qualité permet d'élaborer des politiques publiques de qualité. Sans données fiables, les politiques publiques deviennent inefficaces, voir inutiles, ce qui diminue leur occurrence. Le mouvement conservateur est connu pour sa réticence quant à l'intervention de l'État: miner le recensement mine l'intervention des différents gouvernements.
Dossier qui divise
Le gouvernement conservateur, comme ses homologues états-uniens, entend utiliser ce dossier comme ce que l'on appelle chez nos voisins un «wedge issue», c'est-à-dire un dossier qui divise la population afin de rallier une courte majorité de gens et mettre l'opposition dans l'embarras.
En effet, si cette dernière réclame haut et fort le retour de l'obligation de remplir le questionnaire long, le gouvernement auras le beau jeu de se draper dans la vertu et d'accuser l'opposition de s'intéresser à des choses triviales, laissant les gros problèmes de côté. Si l'opposition ne fait rien, elle court le risque de voir la mesure rétrograde entrer définitivement en vigueur. Surtout, l'utilisation de ces tactiques permet au gouvernement d'attaquer la viabilité des politiques publiques sans les remettre en cause directement, atteignant ainsi son objectif par la porte d'en arrière.
En somme, nous sommes en face d'un gouvernement qui ne joue pas franc-jeu, selon les règles de la démocratie, et ce, au détriment de la qualité des politiques publiques élaborées à l'aide d'un recensement digne d'un pays avancé.


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