Cris de coeurs, pas toujours pour les bonnes ou mêmes raisons

Du pétrole libyen au pétrole québécois

Kadhafi, le guérisseur!

Tribune libre

Il en fallait un, du genre, comme lui. Lui, c’est Kadhafi, «roi des rois traditionnels d’Afrique». Le personnage, hier controversé, pend aujourd’hui sur les langues des Guillotin. «Mort ou vif!», le réclame-t-on sur toutes les tribunes. En moins de 24 heures déjà, le gouvernement Harper a mis les pendules à l’heure, gelant les avoirs de la famille Kadhafi, une première dans l’histoire nationale. Tous sens unique a un début, espérons que désormais Ottawa agira de même pour tous les «pilleurs», j’allais dire «dictateurs». Mais c’est justement là où le bas blesse. Kadhafi ne se serait pas enrichi in vitro. Au Canada, des amis à lui ont des fortunes sacrées, gagnées sous sa bénédiction ou avec sa complicité, mais demeureront dans l’ombre. Ce faisant, nous crions victoire, chantons l’hymne de la «liberté»! Ces cris et chants coûtent cher. Déjà, notre armée est réquisitionnée, disons notre frégate minoune des banquises. Chargez! Lance Harper. Obama des Usa, fait de même. Ce faisant, il parle à un autre dictateur africain, Paul Kagame, venu présenter une conférence à la prestigieuses Harvard. Pourquoi n’avoir pas dialogué avec Kadhafi, via la diplomatie, et s’empresser à amasser des obus meurtriers aux portes de Tripolis? Ce n’est certes pas pour la sauvegarde de la vie des Libyens. Deux poids deux mesures, dirait-on. Non! Il y a une nette différence entre ces deux dictateurs. Kagame a tué, Kadhafi va se faire tuer. Puissions-nous essayer virtuellement l’habit des candidats à la mort et condamnés d’office sans aucune forme de procès? C’est difficile à réussir je sais, mais juste un essai. Comment nous sentons-nous?
Je ne déteste pas Kadhafi, je ne peux non plus l’aimer. Je le pleins, d’avoir payé des armes avec le fruit du labeur des Libyens, et s’en servir en sa fin de vie pour verser leur sang. C’est horrible. Cet homme aura pourtant semé des antidotes à l’afro pessimisme, poussé les vautours de l’ombre à modérer leur ardeurs. Je consultais il y a quelques instants la liste des pays consommateurs de l’aide humanitaire, la Libye de Kadhafi n’y figure pas. Il semble, reste à vérifier, que Kadhafi aurait démocratisé l’enseignement et la santé, que «tout» Libyen est assuré d’avoir des soins de santé de qualité, sans liste d’attente ni enveloppe brune. Il a en outre démoli les prisons. Pourquoi? Ce n’est surement pas pour confisquer la liberté. En Afrique, au Rwanda par exemple, Kadhafi a financé la construction de routes, écoles et mosquées. Roi des fous, il aura rêve des États-Unis d’Afrique. Il n’est pas le seul, mais seul cohérent. Yoweri de l’Ouganda flirte avec cette idée, mais le pays d’Idi Amin est avant tout la «perle de la reine de Galles», pas un pays de visionnaire. Kadhafi fut-il visionnaire? Non, révolutionnaire, comme Che Guevara, Castro, Sankara, etc.
N’en déplaise à l’histoire réelle, dépeindre Kadhafi est ce qui est à la mode. Déjà je sens des tomates et des œufs crues s’écraser dans mes cheveux gris, pour oser nuancer ce qu’on dit de lui. Pourtant, je sais ce dont je parle. Et de raison, je l’ai déjà vécu dans une vie antérieure. Habyarimana du Rwanda, «le dictateur», fût héros en occident avant d’être peint en diable par les médias et les faiseurs d’opinion.
L’histoire de l’humanité est cruelle. L’humanisme commence selon moi avec le christianisme. Ce dernier ne nous apprend pas l’élévation de l’humain au-delà de la barbarie, plutôt l’échec d’un tel processus. Jésus est crucifié pour soi-disant sauver les enfants de Dieu, un Dieu omnipotent qui n’aurait pas eu besoin d’horreurs pour semer le bien. Dans cette triste et aveuglante tradition, nous déclarons «à mort de Kadhafi», et fermons les yeux sur les Barabbas, Kagame, Bush et consort. Ainsi, nous nous croyons saints, et humaniste. Harper retrouve subitement l’âme humaine et compatissante, pour voler au secours des concitoyens qui risquent d’être pris entre les feux de fous à l’étranger. Espérons que d’autres concitoyens comme l’Albertain Ronald Ellen Smith dans le couloir de la mort aux USA ou l’ontarien Omar Kader à Guantanamo, pourront eux-aussi être secourus. Et que le Canada, puisse renouer avec la vision et la gouvernance sensibles à la dignité de toute vie, sans exclusion aucune.

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François Munyabagisha79 articles

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Psycho-pédagogue et économiste, diplômé de l'UQTR
(1990). Au Rwanda en 94, témoin occulaire de la tragédie de «génocides»,

depuis consultant indépendant, observateur avisé et libre penseur.





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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    16 mars 2011

    Sauf ma haine de Kadhafi actuellement (je l'avoue), et la douleur que je ressens de savoir que les gens de Benghazi n'auront aucune protection malgré leurs appels très clairs et collectifs trois semaines de suite, je salue votre courage et honnêteté qui dénonce nos propres violations des droits humains et l'appui aux autres dictateurs.
    Le Canada est un des très rares pays dans le monde qui appuyait très activement, par exemple, un blocus qui étouffait la population irakienne tout entière pendant plus de 12 années. J'ai entendu ces fonctionnaires canadiens qui justifiaient une politique aussi terroriste (lire: faisant souffrir des millions de personnes innocentes et mourir un nombre incalculable) en croyant le prétexte de « contenir » le dictateur Saddam Hussein. Or, on ne peut pas imaginer le niveau de souffrance et de désespoir que le peuple irakien endurait sous « nos » sanctions; et qui a malheureusement continué avec l'occupation. Cette histoire horrible, nous l'avons probablement déjà oubliée, mais le peuple irakien va nous le rappeler une fois qu'il sera remis.
    MAIS, LE POSITIF, c'est que nous pouvons utiliser la vague actuelle pour exiger que cesse la complicité et la tolérance envers les nombreuses autres dictatures de ce monde.
    Aussi, comme vous le dites (avec l'exemple de Guantanamo Bay), il s'agit de refuser les violations des droits humains commises par des gouvernements «amis» et entreprises (ex.: certaines pétrolières en Afrique et en Colombie; la répression constante des Palestinien.nes; l'ethnocide du Tibet; etc.). La liste est longue, mais nous, « les gens ordinaires », pourrions au 21e siècle décider de ne plus fermer les yeux et d'agir en conséquence.
    La démocratie, ici et ailleurs, on l'aura un jour.

  • Serge Charbonneau Répondre

    3 mars 2011

    Bravo Monsieur Munyabagisha (quel nom difficile à dire et même écrire... faut être Africain pour pouvoir facilement se le mettre en bouche !).
    « Déjà je sens des tomates et des œufs crues s’écraser dans mes cheveux gris, pour oser nuancer ce qu’on dit de lui.»
    Oui, nous vivons une période d'uniformité du jugement radical qui fait peur.
    Il est devenu interdit de nuancer.
    Je partage totalement votre point de vue sur ce "monstre" (sic) "sanguinaire" (sic) qu'est devenu Kadhafi dans l'esprit bien malléable des bonnes gens.
    De mon vivant je n'ai jamais vu une campagne médiatique aussi fulgurante et si bien organisée.
    Heureusement que la réalité est comme de la mauvaise herbe, elle finit toujours par refaire surface.
    On a justifié la guerre d'Irak avec un horrible mensonge. Le mensonge a été dénoncé, mais le mal fut fait.
    On a enrichi les pharmaceutiques avec la panique H1N1, la réalité nous a montré que cette Afrique trop pauvre pour ce vaccin n'a pas été décimée malgré le superbe mensonge de l'alerte 6 de l'OMS.
    Aujourd'hui on tente une sanglante guerre d'invasion. Encore une fois en organisant une monstrueuse mise en scène pour diaboliser un "déplaisant" de la fameuse «communauté internationale».
    Heureusement qu'il y a des gens qui connaissent suffisamment le monstre (sic) pour rester imperméable à ce lessivage de cerveau incroyable
    Merci,
    Serge Charbonneau
    Québec