Du racisme au Canada? Pire encore qu’aux États-Unis.

Comment se fait-il que dans un pays qui se flatte d’être perçu comme tolérant et progressiste cela ne soulève pas de crise à l’échelle nationale?

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Les racines colonialistes du racisme canadien

Le bourbier racial qui englue les États-Unis est sinistre et difficile à regarder. Il est pardonnable de croire qu’au Canada, nous avons la chance d’avoir une société plus inclusive et à l’abri de drames comme ceux qui ont frappé Ferguson, au Missouri. Nous ne somme pas seuls de cet avis. Dans la dernière édition de l’Indice du progrès social, le Canada occupe le deuxième rang parmi tous les pays au chapitre de la tolérance et de l’inclusion.
La vérité, hélas, c’est que notre racisme est encore pire qu’aux États-Unis. Mais nous avons du mal à le percevoir.
Récemment, dans l’Ottawa Citizen, Terry Glavin se moquait de l’idée que les États-Unis puissent s’inspirer du Canada en matière d’harmonie raciale. À titre d’exemple, il comparait les conditions de vie de la collectivité afro-américaine à celles de nos Premières Nations. Si l’on juge une société à sa manière de traiter les plus défavorisés, nous avons du chemin à faire, selon Glavin. En témoigne le tableau ci-dessous. Presque tous les indicateurs mesurables montrent que la population autochtone du Canada est moins bien traitée et subit davantage de préjudices que la population afro-américaine. Tous ces faits prouvent que le racisme existe aussi au Canada.
Ces chiffres sont à couper le souffle. Comment se fait-il que dans un pays qui se croit tolérant et se flatte d’être perçu comme progressiste cela ne soulève pas de crise à l’échelle nationale? Pourquoi cette situation ne fait-elle pas tomber les gouvernements?
C’est peut-être parce que nos propres Ferguson sont cachés loin dans la brousse, accessibles seulement par hydravion nolisé : 49 p. 100 des membres des Premières Nations vivent dans des réserves éloignées. Ceux qui vivent dans des agglomérations urbaines sont surtout confinés à quelques villes des Prairies. Ils sont moins de 40 000 à Toronto, soit pas même un pour cent de la population globale du Grand Toronto. Nos problèmes raciaux s’étirent à l’horizon, loin des yeux et loin du cœur.
Ou bien c’est l’arbre qui nous cache la forêt. On se laisse distraire par les histoires de conseils de bande corrompus, de réserves inondées ou de femmes autochtones portées disparues. Nous sommes quelques-uns à nous morfondre et une poignée de militants à protester. Il y a bien quelques libres opinions dans les journaux mais qui passent inaperçues et peut-être un mot-clic qui subsiste quelques jours dans Twitter. Mais rien ne change. On veut bien admettre que certaines réserves sont mal administrées. Nous nous accordons peut-être à dire qu’il faudrait faire « quelque chose » au sujet de ces femmes portées disparues et assassinées. À Ottawa, des mordus de la politique en ligne s’émeuvent à propos des revendications territoriales et des pipelines. Collectivement, cependant, nous n’osons pas affirmer haut et fort que le racisme existe au Canada.

Mais alors, qui blâmer s’il n’y a pas de racisme? Notre système judiciaire incapable de former des jurys autochtones? Les administrateurs de bande qui, comme à Attawapiskat, fraudent leur population? Notre système de santé qui fait en sorte que la condition des collectivités autochtones n’atteint même pas celle des Salvadoriens? Les politiciens trop poltrons pour admettre que le système des réserves a fait son temps? Des aînés comme la chef Ava Hill qui, cette semaine, laissait cyniquement une enfant mourir d’un cancer traitable afin de promouvoir les droits ancestraux autochtones? Les Autochtones eux-mêmes qui ne se débarrassent pas de ces dirigeants qui les traitent si piètrement? La police qui n’ose pas prendre le taureau par les cornes et affronter la criminalité débridée dont celle des réseaux de trafiquants de drogue comme à Akwesasne? Les bureaucrates fédéraux qui ont échafaudé un système d’aide sociale qui coûte 7 milliards de dollars mais ne fonctionne pas? Le système scolaire dont le taux de diplomation ne touche que 42 p. 100 des jeunes des réserves? Les hommes autochtones qui ont fait grimper le taux d’homicides dans leurs milieux au-delà de celui de la Somalie? Les médias qui n’étalent pas suffisamment ou de façon persistante ces faits?
Ou sommes-nous, nous-mêmes, à blâmer? Pour nous désintéresser de la situation. Pour notre excès de confiance dans la fameuse inclusion. Pour regarder de haut ce qui se passe aux États-Unis en nous disant, par ignorance, que « jamais on ne verrait ça ici ». Pour ne pas avouer qu’il y a du racisme au Canada.
C’est malheureusement ce que nous faisons. Et il ne s’agit pas seulement des Autochtones. Les chiffres ne sont pas aussi affreux en ce qui concerne les nouveaux immigrants et la communauté noire, mais ce qu’ils révèlent est désolant.
Pour pouvoir y remédier, il faut d’abord reconnaître que tout ne tourne pas rond. Commençons par nous dire chacun pour soi mais à voix haute : « Le racisme existe au Canada ».


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