Falardeau: Un aboyeur de vérité

Tribune libre


Passé le choc de la nouvelle qui m'a assommé ce matin, même si je savais ses jours comptés, je veux joindre mon témoignage aux dizaines d'autres que nous entendons déjà sur les ondes de la radio d'État, où même Jean Charest a reconnu l'immense apport à la culture québécoise du talent de Pierre Falardeau. Non, mon frère, le temps des bouffons n'est pas terminé...
Comme cinéaste, Falardeau a toujours fait des films à travers lesquels son engagement profond pour son pays, le Québec, transpirait en milliards de pixels. Il faut saluer son rare courage d'être resté fidèle à ses idées dans ce monde où il aurait facilement pu devenir un bébé gâté du système des subventions... s'il avait fermé sa grande gueule. Non, il avait choisi la voie la plus difficile, celle des bâtisseurs de pays, celle des combattants de la liberté. Au yâble le confort et l'indifférence des souverainistes de salon qui s'admirent mutuellement dans les lofts d'Outremont où ils amassent des fonds pour un parti qui a fait sauter l'article Un de son programme, soit l'Indépendance.
Falardeau aimait fréquenter le vrai monde et n'avait pas peur d'être vu avec de vrais colonisés comme on en retrouve dans ses films sur Elvis Graton, l'archétype du Québécois content de son sort de looser et respectueux de toutes les autorités.
Je n'étais pas ce qu'on peut appeler un ami intime de Pierre, mis j'avais toujours grand plaisir à le rencontrer et il me faisait sentir que c'était réciproque. Nous nous rappelions l'époque du RIN et des premières bombes du FLQ et il m'avouait toute son admiration pour les jeunes, dont j'étais, qui avaient décidé, en 1963, de faire subir au Québec un électrochoc de première classe.
Il m'avait même avoué qu'il était venu au tribunal suivre nos péripéties face aux représentants de la Couronne britannique.
Depuis cette époque, Falardeau est demeuré un militant exemplaire qui, au fil des années les plus sombres de la lutte de libération nationale, il n'a jamais baissé les bras comme l'ont fait tant de ses contemporains défaitistes, fatigués, usés et abattus.
Non, il était un homme de conviction profonde et ce n'est pas parce que le vent changeait de direction qu'il allait renier ses convictions. Même si ça lui coûtait souvent très cher car les cinéastes qui ne reçoivent pas de subventions de Québec et d'Ottawa peuvent difficilement faire fleurir leurs oeuvres.
On a dit de lui qu'il était un enragé parce qu'il tenait souvent des propos publics radicaux. Mais quand on le rencontrait dans des réunions privées, il avait toujours le sourire aux lèvres.
On peut très bien être radical et enragé contre le système dans lequel nous sommes piégés, sans être pour autant en colère contre tout le monde.
Tenace. Fidèle à lui-même. Généreux. Déterminé. Fier. Optimiste. Ce sont toutes des qualités qu'on peut accoler au grand personnage qui vient de nous quitter.
Il était aussi une voix, une parole qui dérange, qui secoue, qui bouscule, qui ne laisse personne indifférent. Il était la voix des sans-voix. De tous ceux qui ont envie de crier "Crisse c'est assez !", mais qui n'osent pas.
Le Québec lui doit beaucoup. Et la meilleure façon de lui rendre hommage, c'est de poursuivre le combat pour le pays du Québec, pour la République.
Repose-toi bien, fier combattant. D'autres vont reprendre les armes. Et nous allons poursuivre le combat.
Ton camarade,
Pierre Schneider


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