L’année 2008 aurait dû être l’occasion de célébrer à la grandeur du Québec
le 400e anniversaire de la naissance de notre Nation. Nous avons plutôt été
témoins d’un véritable exercice de révisionnisme historique piloté par
Ottawa avec notre propre argent. Ainsi, en fondant le premier établissement
permanent français en Amérique du Nord à Québec en 1608, Champlain aurait
été le premier gouverneur général du Canada. Le Premier ministre canadien
Harper l’a dit : la gouverneure générale Michaelle Jean, représentante de
Sa Majesté la Reine d’Angleterre, est le digne successeur de Champlain. À
croire que nous avons toujours été des fidèles sujets de la couronne
britannique.
De 1608 à 1759, nos ancêtres ne construisaient donc pas l’Amérique
française et notre État-Nation en devenir, mais bien une colonie anglaise
qui allait devenir le « plus meilleur pays au monde », le Canada.
Maintenant, en cette année 2009, ce beau Canada, par l’entremise de la
Commission des champs de bataille nationaux (CCBN), organisme fondé par
Ottawa lors du 300e anniversaire de Québec, veut reconstituer cet été, dans
un esprit festif, la célèbre bataille des plaines d’Abraham du 13 septembre
1759 qui a vu les troupes britanniques de Wolfe battre celles de Montcalm
et de nos ancêtres. Ne vous inquiétez pas, comme le souligne le président
de la CCBN, un bon Québécois, cette reconstitution est apolitique. Une
chance! Pouvez-vous imaginer si Ottawa, à travers cette reconstitution,
visait des buts politiques?
De toute façon, comme le soulignent les André Pratte de ce monde, la
Conquête a été bénéfique pour notre peuple, même si elle a coûté la vie au
septième de nos ancêtres, même si leurs terres leur ont été volées, même si
leurs fermes ont été brûlées, même si leurs femmes ont été violées, même si
… notre pays en devenir nous a été volé. On ne peut quand même pas refaire
l’histoire! Dans le fond, cette défaite a tourné à notre avantage. Regardez
le pays que nous avons construit grâce à l’aide des Anglais. Ce pays qui a
vu de bons Québécois en devenir le Premier ministre. Ce pays qui fait
l’envie du monde entier, le Canada.
Les conquérants britanniques n’ont jamais été tyrans. L’Acte de Québec de
1774 en témoigne! Ils nous ont permis de garder notre langue, notre
religion et notre code civil. Ne nous dites surtout pas que cet acte était
intéressé et visait à ce que nous ne rejoignions pas les Américains afin
d’expulser les loyalistes britanniques de l’Amérique du Nord. Ne nous
parlez pas de la révolte des Patriotes, de la pendaison du Chevalier De
Lorimier et de ses camarades qui se battaient pour la liberté politique et
de l’Annexion forcée pour nous minoriser de 1840. Durham n’a jamais dit que
nous étions un peuple sans histoire et sans culture et que notre
assimilation nous permettrait d’aspirer au bonheur! N’avons-nous pas
participé à l’élaboration et à l’adoption de l’Acte de l’Amérique du Nord
britannique de 1867 en tant que peuple fondateur, même si dans les faits,
le peuple n’a jamais été consulté afin d’approuver cette constitution?
L’abolition des écoles françaises en Ontario et ailleurs ne visait qu’à
rendre nos frères meilleurs.
Voyons, le Canada ne s’est pas construit sur l’assimilation progressive
des nôtres! Le multiculturalisme et le bilinguisme officiel canadiens ne
servent pas à angliciser le Québec et à nous louisianiser, et l’immigration
massive non-francophone, qui majoritairement ne s’intègre pas à nous, non
plus. Dans tous les cas, surtout pas à Montréal! La Charte canadienne des
droits, enchâssée dans la Constitution canadienne lors de son rapatriement
unilatéral de 1982 à la suite de la Nuit des longs couteaux, n’a pas servi
au charcutage de la Loi 101 opéré par le gouvernement des juges de la Cour
suprême du Canada. Ottawa n’a pas volé le référendum de 1995 en dépensant
des dizaines et des dizaines de millions de dollars en violation de notre
Loi sur les consultations populaires et en naturalisant au moins 50 000
immigrants en mode accéléré. Ce n’est pas vrai que 200 000 personnes ont
exercé leur droit de vote le 30 octobre 1995 sans même détenir de carte
soleil. Quant au scandale d’Option Canada, organisateur du fameux Love-in
de Montréal, et au scandale des commandites, Ottawa ne dépensait notre
argent que pour notre bien. On doit lui être reconnaissant de nous rappeler
que nous, les Québécois, sommes de bons Canadiens.
Donc, comment pouvons-nous croire qu’Ottawa, par l’entremise de sa CCBN,
entretienne des buts politiques en participant à l’organisation de la
reconstitution de la bataille des plaines? Cet événement ne doit pas être
vu autrement que comme étant festif. Demandez-le au maire Labeaume de
Québec. C’est de l’ « entertainment » et rien d’autre. Il ne sert pas à
nous rappeler notre condition de peuple conquis, annexé de force et enfermé
dans un régime qui travaille depuis 250 ans à notre assimilation. Quant aux
allégations de domination des Anglais sur notre Nation depuis la Conquête,
c’est de la pure fabulation. Ils n’ont que de bons sentiments à notre égard
et ne recherchent que leur bien à travers le nôtre. Ils sont même prêts à
nous faire travailler dans leur langue pour que l’on puisse améliorer notre
sort chez nous.
Si Ottawa avait vraiment voulu chercher la bisbille, il ne se serait pas
contenté de participer à l’organisation de la reconstitution de la bataille
des plaines d’Abraham, il aurait aussi organisé la reconstitution de la
pendaison du Chevalier De Lorimier et de ses frères d’armes au
Pied-du-Courant pour en commémorer le 170e anniversaire et transformé
Jacques Cartier en envoyé du Roi d’Angleterre en cette année du 475e de
l’arrivée de l’explorateur à Gaspé. Pensez-y bien, là on aurait pu crier à
l’insulte, à la provocation et au scandale. Quant à ce qui s’est produit il
y a 250 ans sur nos plaines, c’est la naissance de notre beau grand Canada
« from coast to coast ». Pas de quoi s’affoler. De toute façon, notre
destin de peuple conquis puis annexé de force n’est-il pas justement de
célébrer jusqu’à notre disparition la victoire de l’Anglais?
Bon, pour les Québécois qui n’auraient toujours pas compris l’œuvre
civilisatrice anglo-canadienne, qui seraient toujours attachés à leurs
racines, à leur identité, à leur langue française et à leur culture, et
pour qui les notions de fierté, d’honneur et de dignité demeurent modernes,
nous les appelons à se joindre à nous afin d’exiger l’annulation du projet
de reconstitution de la bataille des plaines d’Abraham. Nos représentants
élus de notre Assemblée nationale doivent voter unanimement une motion
demandant à Ottawa et à sa Commission des champs de bataille nationaux
l’annulation pure et simple de ce projet odieux. Le Bloc doit lui aussi
déposer une motion similaire au Parlement d’Ottawa.
Il est temps pour nous, Nation québécoise, de reconquérir nos plaines
d’Abraham et de prendre notre liberté!
Éric Tremblay
Chef du Parti indépendantiste
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --