Gouverner à 35 % (bis)

Réforme électorale

Une coalition québécoise, pleine de vedettes politiques de tous bords, a lancé hier une nouvelle tentative de réforme électorale, assortie d'une pétition sur Internet.

Ironie de l'histoire: cette énième protestation en faveur de la proportionnelle survient alors même que le résultat des élections du 26 mars, au scrutin majoritaire honni, correspond presque exactement à ce qu'aurait donné -- avec le même vote -- une proportionnelle dotée d'un seuil à 5 % pour les petites formations!
Ma chronique de la semaine dernière («Gouverner avec 35 %»), dans laquelle je passais en revue quelques cas dans le monde de gouvernements «forts» qui tournent autour de partis ne représentant qu'un tiers de l'électorat -- m'a valu plusieurs lettres.
Cet article ne portait pas sur le système de scrutin, ni sur le caractère majoritaire ou minoritaire du gouvernement élu. Mais le fait (scandaleux pour certains) qu'en démocratie moderne, on puisse gouverner confortablement avec 35 % des voix, cela découle-t-il forcément du système électoral?
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Selon Guillaume Fortin, les «gouvernements à 35 %» -- si répandus dans le monde, et en particulier dans les régimes à représentation proportionnelle -- sont la preuve du caractère fallacieux de la démocratie représentative, une «mascarade bourgeoise». Selon lui, les vrais gagnants devraient être les 30 ou 40 % d'abstentionnistes... dont il fait fièrement partie.
Éric Maheu, lui, m'écrit du pays de Lula da Silva pour contester l'exemple brésilien que je donnais (un président à 60 %, mais avec son parti à 17 %). Il me fait observer que la véritable originalité de la nouvelle situation québécoise, ce ne sont pas les 35 % du gagnant, mais bien le caractère minoritaire du gouvernement.
Soit: l'exemple du Brésil n'était pas le mieux choisi. Mais voilà tout de même un cas extrême où -- s'appuyant sur la cohabitation avec un président fort -- un parti (le Parti des travailleurs) arrive tout de même à «mener le jeu» au Parlement, non pas avec 35 %, mais avec la moitié de ce chiffre!
Mon idée, c'était de montrer que l'hégémonie politique -- que ce soit en régime majoritaire ou proportionnel -- n'a pas forcément son seuil à 50 %. Ce seuil peut être plus bas. Souvent, obtenir le tiers des voix s'avère, dans les faits, suffisant. Grâce au jeu des «coalitions inégales», un parti peut contrôler un parlement avec 33 % des voix à lui... avec quelques petits alliés accommodants.
Quant à contrôler un parlement avec 33 % des sièges, et sans alliés -- dans ces cas bizarres qui se nomment Canada et Québec --, ça, c'est beaucoup plus rare... et plus périlleux.
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Saviez-vous que l'expression «gouvernement minoritaire», qui décrit toute l'originalité de la situation issue du 26 mars... est en fait très rarement utilisée hors du Québec ou du Canada?
J'ai mené cette semaine une petite recherche dans les journaux francophones, hispanophones et anglophones du reste du monde. Résultat: lorsque ce n'est pas pour parler de ce qui se passe ici... eh bien, cette expression -- qui nous est pourtant si familière -- paraît franchement inusitée ailleurs.
Et pour une bonne raison: c'est que la réalité elle-même (celle d'un gouvernement qui prendrait le pouvoir avec 35 % des sièges, mais SANS faire de coalition), est en fait très rare dans le monde démocratique.
Quand je parlais de la banalité, dans le monde, de gouvernants bien en selle, même s'ils n'ont obtenu que le tiers des votes, je voulais surtout parler (1) de la distorsion issue d'un mode de scrutin qui peut vous donner 55 % des sièges avec 35 % des votes (Tony Blair, Jean Chrétien), ou (2) du fait -- extrêmement courant en régime proportionnel -- que si l'on est arrivé premier avec 35 %, alors il est normal et quasi automatique que l'on aille se chercher des alliés stables (mais mineurs et dominés) pour gouverner en coalition... et en position de force.
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P.-S. Cet usage courant, ici, d'expressions peu connues ailleurs («gouvernement minoritaire», «gouvernement majoritaire») me renvoie au vocabulaire politique québécois (et aussi canadien) qui se situe, parfois, en marge du reste du monde.
Par exemple, les mots «nationaliste» et «identitaire» sont régulièrement utilisés ici de façon neutre, voire positive... Mais en France, en Pologne ou en Italie, un animal «nationaliste», ce n'est pas loin du xénophobe enragé, voire du mangeur d'enfants, tandis que ne peuvent être «identitaires» -- dans l'usage habituel -- non pas la quête et l'affirmation de soi dans son rapport aux autres (comme on l'entend ici), bien mais plutôt le «repli», la «peur» ou la «hargne»... identitaires. Comme quoi: autres pays, mêmes mots, autres sens...
Ce qui ne signifie pas, cela dit, qu'une Ségolène Royal, un Nicolas Sarkozy, tout comme des milliers de politiciens tout à fait honorables dans le monde entier, ne vont pas faire eux-mêmes du «nationalisme»... sans le mot! Car, bien entendu, ils en font tous.
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François Brousseau est chroniqueur et affectateur responsable de l'information internationale à la radio de Radio-Canada.
francobrousso@hotmail.com

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François Brousseau est chroniqueur et affectateur responsable de l'information internationale à la radio de Radio-Canada.





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