Harper et Ben Laden

Ben Laden est mort, et avec lui, ses secrets...



Maintenant que les choses sérieuses sont passées, la Sainte Flanelle ayant été éliminée en sept par Boston, on peut commencer à butiner autour de ce qui reste.
Les dernières élections, par exemple.
Le Québec, nous disait-on, en avait assez de ne pas participer au pouvoir depuis qu’il votait pour le Bloc, un parti cantonné dans l’opposition. Et qu’a-t-il fait le 2 mai, le Québec ? Il a voté NPD, un parti assuré de ne pas participer au pouvoir et cantonné lui aussi dans l’opposition.
On a parlé de vague, et même de tsunami. Pas étonnant dans les circonstances qu’on retrouve pas mal de bois mort sur la berge électorale une fois la crue retirée…
On laisse aux savants analystes le choix de déterminer s’il s’agit là de délinquance, de témérité, d’inconstance, de légèreté ou encore de réalisme. Mais une chose est sûre : comme le dirait Gérald Larose dans son français vernaculaire lourd, Layton et son parti se trouvent singulièrement éjarrés : une jambe élue dans un fédéralisme centralisateur, l’autre dans un nationalisme québécois fortement teinté d’indépendance. Ça va vous provoquer de ces flammèches dans le caucus, ça, messieurs dames !
Mais avec tous ces pas de deux électoraux et ce salto arrière collectif, Harper l’a eue, sa majorité. Pendant que le reste de la planète subit le réchauffement climatique, le Canada – et nous avec, car on n’arrive pas à s’en débarrasser – entre dans une période de glaciation.
Est-ce la preuve qu’un malheur n’arrive jamais seul ? Toujours est-il que pendant qu’ici on prenait une brosse électorale, il s’en passait de belles au Pakistan. Cette même journée du 2 mai qui nous a donné Harper, on a perdu Ben Laden !
Pas question ici de verser des larmes de crocodile sur cet illuminé attardé dans on ne sait quel siècle. Mais force est d’admettre qu’il s’agit ici d’un assassinat, commandé et perpétré par la nation la plus forte du monde.
Et qu’il y a abus de langage et détournement de sens quand on entend de dignes personnages comme Obama, Sarkozy et Harper affirmer la main sur le cœur que « justice est faite ».
Comme le précisait un spécialiste de ces questions, Alexis Bautzmann, dans une interview publiée sur le site de la revue Marianne,

« sur le plan du droit international, c’est un assassinat en règle, c’est absolument illégal. Même les nazis, les pires criminels de guerre – à part une ou deux exceptions – ont été capturés, jugés et condamnés à mort. La loi s’est imposée face à la barbarie. Là, on passe à autre chose. Et que ce soit l’appareil d’État qui commande ça dans un pays souverain qui n’est pas au courant – même si c’est le Pakistan et on sait à quel point les choses sont opaques dans ce pays. Tout ça ne semble pas poser problème au sein de l’administration américaine, et encore moins ailleurs. Si, il y a 60 ans, on avait demandé aux gens ce qu’il fallait faire des criminels nazis, ils auraient sans doute été favorables à ce qu’on ne s’encombre pas de sentiment. La différence, c’est que les démocraties allaient au-delà et la primauté du droit par rapport à l’opinion publique s’imposait. Dans ce cas précis, le droit s’adapte aux intérêts des puissances de manière assez cynique ».


Mais dans un procès, l’accusé peut parler. Ce qui aurait pu en mettre plusieurs dans de beaux draps aux USA et ailleurs quand on sait les liens de George W. Bush financé par Ben Laden dans son aventure pétrolière, entre la CIA et Ben Laden en Afghanistan, quand l’objectif était d’aider les talibans aujourd’hui maudits à bouter dehors les Soviétiques, ces communistes immondes !
Y a pas à dire, aux USA, les traditions ne se perdent pas. L’opération commando réalisée le 2 mai est de la même nature que les traques auxquelles se livraient dans le Far West les chasseurs de primes au 19e siècle. Ils finissaient toujours par pincer leur homme, les Steve McQueen et Clint Eastwood. Ça se terminait immanquablement par une balle dans la tête.
Mais pas besoin d’être juriste pour trouver la chose un peu forte de café. Mon petit-fils de 9 ans, voyant les foules étasuniennes terriblement excitées, a demandé à sa mère pourquoi le monde fêtait la mort d’une personne… Samuel n’a jamais entendu parler de Martin Luther King, je crois. Mais c’est bien King qui a écrit : « Je vais déplorer la mort de milliers de précieuses vies. Mais je ne me réjouirai pas de la mort d’une seule personne, même pas de celle d’un ennemi. »


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