Délibéré ou non, le tout premier rapport de la nouvelle commissaire à l’environnement et au développement durable, Julie Gelfand, met en relief l’incohérence entre les politiques environnementale, budgétaire et étrangère du gouvernement conservateur.
Le cas le plus patent est sûrement celui de l’Arctique. Le gouvernement conservateur a produit une stratégie pour la région en 2009 et une politique étrangère pour l’Arctique en 2010. Depuis qu’il est au pouvoir, le premier ministre Stephen Harper s’y rend chaque année pour parler de développement économique et s’y présenter en champion de la souveraineté canadienne. Bien qu’il évite toujours de parler des changements climatiques, ce sont ces derniers qui lui permettent de rêver d’un accès aux ressources, d’une saison des glaces plus courte et d’une période de navigation plus longue.
Dans ce contexte, ce n’est pas la découverte des bateaux échoués de Franklin (avec l’aide, soit dit en passant, d’un navire scientifique russe affrété par un des partenaires privés de Parcs Canada) qui convaincra les autres pays de nos prétentions dans le Nord. Notre capacité à faire face aux défis posés par l’ouverture prolongée des zones navigables et l’augmentation anticipée du trafic maritime pèsera beaucoup plus lourd. Or le rapport de Mme Gelfand nous montre que le gouvernement canadien peine à y parvenir.
La région est immense et le trafic y est faible comparativement aux autres côtes, mais les conditions y sont plus difficiles et l’environnement, plus fragile. Malgré cela, les levés et cartes de nombreux endroits présentant des risques élevés et où la navigation est plus intense sont inadéquates. Il n’y a pas de données hydrographiques pour un « grand nombre » des principaux couloirs de navigation. Des collectivités éloignées qui dépendent du transport maritime pour s’approvisionner n’ont pas de cartes adéquates de leur secteur.
Les moyens pour corriger ces lacunes sont limités, car le Service hydrographique du Canada (SHC) n’a pas de navires et dépend donc des occasions qui se présentent sur les navires de la Garde côtière ou de la marine. En plus, le personnel du SHC dans le Nord a diminué de 14 % en 2013-2014 par rapport à la moyenne des huit années précédentes. Le budget de tout le SHC a baissé de 4,8 %.
La Garde côtière, de son côté, ne peut garantir que ses aides à la navigation, comme les bouées et les phares, répondent aux besoins des marins. Elle dit avoir les ressources nécessaires pour assurer l’entretien du réseau existant dans l’Arctique, mais pas les moyens de l’étendre.
Elle a aussi diminué sa contribution financière à la surveillance des glaces, ce qui veut dire que le personnel d’Environnement Canada n’a pu embarquer sur ses bateaux cet été. En plus, elle a raccourci la période de déploiement de ses brise-glaces malgré le fait que, depuis 2007, des navires commerciaux arrivent plus tôt et partent plus tard que ceux de la Garde côtière.
Comme l’ont « dit assez souvent » les fonctionnaires aux vérificateurs qui les ont visités, il y a un « manque de ressources ». En somme, la réalité des compressions et de l’atteinte à tout prix de l’équilibre budgétaire avant les prochaines élections est en train de rattraper le gouvernement et de nuire à une de ses politiques phares. En fait, malgré ses prétentions, le gouvernement n’a pas une « vision stratégique à long terme pour le transport maritime dans l’Arctique », lit-on dans le rapport.
Les gestes — ou l’absence de gestes — du gouvernement pour contrer les changements climatiques sont un autre révélateur du manque de cohérence du discours conservateur en matière de politique étrangère. Même sa défense tous azimuts de l’économie se retrouve contredite par son inaction. Encore là, c’est la commissaire qui le rappelle. « Les risques environnementaux d’aujourd’hui, s’ils ne sont pas gérés, entraîneront des coûts économiques et sociaux à l’avenir. […] Tous ces coûts peuvent être colossaux et chroniques », écrit-elle.
Elle ajoute, avec inquiétude, que « si les pays ne réussissent pas à réduire leurs émissions, la gravité des problèmes environnementaux et économiques que nous léguerons à nos enfants et petits-enfants […] dépassera probablement tout effet positif potentiel, comme une période d’agriculture plus longue ».
Malheureusement, on semble destinés à payer le gros prix, car « tout indique que le Canada n’atteindra pas sa cible internationale de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020 », indique le rapport publié mardi. Mais « si le Canada n’honore pas ses engagements, il ne peut pas s’attendre à ce que d’autres pays honorent les leurs », insiste Mme Gelfand.
Depuis le début du débat sur la mission de combat en Irak, ce même gouvernement ne cesse de répéter que le Canada n’est pas un pays qui esquive, qu’il sait répondre présent quand une menace plane. Mais la plus grande menace non militaire qui pèse sur les générations futures, ce sont bel et bien les changements climatiques, et ce gouvernement refuse de faire ce qui est nécessaire. Il ne cesse de remettre à plus tard tout geste significatif. En d’autres mots, il se défile.
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