Partage fiscal de la vente de cannabis: Québec toujours insatisfait

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Un partage très inéquitable compte tenu des responsabilités et des obligations respectives des deux niveaux de gouvernement

La proposition de partage des recettes fiscales de la vente légale de cannabis officialisée vendredi par le gouvernement fédéral laisse le gouvernement québécois sur sa faim.


Sans surprise, à Québec, on a réagi avec insatisfaction à l'offre de partager moitié-moitié avec Ottawa les revenus d'une taxe d'accise de 10%.


Cette proposition «ne correspond pas à la réalité des besoins des provinces», a déclaré vendredi Audrey Cloutier, l'attachée de presse du ministre des Finances, Carlos Leitao.


«Il ne s'agit pas ici de partager des profits, mais de couvrir des coûts. La grande majorité des coûts incombent aux provinces», a-t-elle précisé.


 


L'attachée de presse a ajouté qu'il était «indispensable que les provinces disposent de la juste part du champ fiscal pour couvrir ces coûts» et «gèrent elles-mêmes ce champ fiscal».


Le ministre Leitao, lui, prédit que l'enjeu fera l'objet de longues négociations lors de la rencontre fédérale-provinciale des ministres des Finances, en décembre prochain.


«Un des sujets à l'agenda, et probablement le plus important, c'est la taxation du cannabis... et on va en discuter longuement», a-t-il dit en point de presse à l'Assemblée nationale, vendredi.


«Je pense qu'on est loin d'une décision finale», a ajouté le grand argentier à Québec.


Cette réaction n'a rien d'étonnant; les premiers ministres provinciaux et territoriaux avaient déjà protesté en octobre dernier lorsque le fédéral avait mis l'offre sur la table.


Ils avaient plaidé auprès du premier ministre Justin Trudeau que ce serait eux qui hériteraient du gros du fardeau financier découlant de la légalisation du cannabis à des fins récréatives au pays.


Les municipalités du pays ont réclamé elles aussi leur part du gâteau dans une lettre envoyée cette semaine au ministre fédéral des Finances, Bill Morneau.


Consultation


Mais au gouvernement fédéral, on dit vouloir entendre également le son de cloche de «particuliers et organisations intéressées» sur cette proposition de taxe d'accise.


Ottawa a donc lancé vendredi une consultation publique qui se tiendra jusqu'au 7 décembre, en prévision de la réunion des ministres des Finances du pays, les 10 et 11 décembre prochain.


Le secrétaire parlementaire du ministre fédéral des Finances, Joël Lightbound, a promis que le gouvernement écouterait tout le monde.


Il a cependant tenu à insister sur «les frais» engagés par Ottawa dans cette aventure.


«Le gouvernement fédéral s'est déjà engagé à investir 274 millions $ pour les forces de l'ordre pour leur donner les outils (...) et la formation dont elles ont besoin», a-t-il dit en point de presse.


«À Santé Canada, on s'occupe de tout le processus pour octroyer des licences aux producteurs autorisés. (...) On a aussi investi (...) 36,4 millions $ de Santé Canada pour la sensibilisation», a poursuivi M. Lightbound.


«Donc oui, le gouvernement fédéral aussi a des frais qui sont engagés dans ce processus-là», a-t-il conclu, tout en promettant d'écouter les réclamations des municipalités et des provinces.


Le projet de loi C-45, qui légalise la consommation et la possession du cannabis, est toujours à l'étude au Parlement.


Le gouvernement de Justin Trudeau entend l'adopter à temps pour que la marijuana soit légale au Canada dès le 1er juillet prochain.


Dans son document soumis à la consultation, le ministère fédéral des Finances propose une taxe fédérale d'accise de 50 cents pour un gramme en supposant que les provinces y ajouteront 50 cents.


Une fois la TPS et la taxe provinciale harmonisée ajoutées, un gramme de marijuana légal au Canada devrait coûter au consommateur un peu plus de 10 $, selon un modèle proposé.


Le député et ancien chef de police Bill Blair a confiance qu'avec un tel prix, le gouvernement sera en mesure d'atteindre les objectifs derrière l'idée de légaliser la substance.


Le niveau de taxation «approprié» permettra à la fois de maintenir un prix «assez bas pour concurrencer le marché illicite» tout en «ne créant pas d'incitatif à la consommation», a-t-il dit.


Celui qui pilote le dossier de la légalisation a avancé que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux pourraient ensemble engranger des recettes fiscales annuelles d'environ 1 milliard $ pour quelque 400 000 kilos écoulés sur le marché légal.


Mais Bill Blair a prévenu qu'il était hasardeux se lancer dans les prédictions.


«Le marché est actuellement contrôlé à 100% par les criminels. C'est un marché illégal. Très franchement, ils ne partagent pas beaucoup de données sur la taille de leur marché», a-t-il fait remarquer.


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