Immigration : une stratégie digne de Lord Durham

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« Les propositions d’Initiative du siècle constituent ni plus ni moins qu’un nouveau rapport Durham »

La Presse canadienne rapportait en fin de semaine dernière que le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a écrit au premier ministre Legault. Il lui a offert de l’aider afin de faire pression sur les fédéraux dans le dossier de l’immigration. Le PQ a raison d’être inquiet et de vouloir aider notre premier ministre. Trudeau veut recevoir 431 000 immigrants en 2022 et prévoit d'augmenter encore la cadence par la suite. La politique immigrationniste d’Ottawa constitue une menace pour le poids politique du Québec dans le Canada et pour la survie du français.


L’approche des fédéraux nous place en fait dans une situation impossible. La première solution est d'augmenter nos seuils d’immigration en proportion de ceux du fédéral pour conserver notre poids démographique dans le Canada. Sauf que, si nous suivons la cadence, ce que veut faire la CAQ, nous accélérons le déclin du français à l’intérieur même du Québec. La principale cause du recul de notre langue est l’arrivée importante chez nous de nouveaux venus qui ne parlent pas français et ne s’intègrent pas à la majorité francophone.



L’autre solution, la moins mauvaise, consiste à réduire l’immigration. Cela implique un recul de notre de notre poids politique. Plus nous serons minoritaires, moins nous serons capables de défendre nos droits linguistiques, c’est aussi simple que ça.


Dans ce dossier, il faut comprendre que la politique fédérale est inspirée par un groupe appelé «Initiative du siècle». Il s’agit d’un think tank communiant au multiculturalisme canadien et proche du Parti libéral. Il milite pour une croissance exponentielle de l’immigration et veut hausser à 100 millions d’habitants la population du Canada d’ici 2100.


Selon mes recherches, au moins une trentaine de membres de cette organisation sont des contributeurs du PLC. Initiative du siècle a une grande influence à Ottawa. Sur le site du groupe, on retrouve tous les arguments spécieux qui militeraient en faveur d’une hausse constante de l’immigration. Cela inclut le vieillissement de la population, sur lequel l’immigration a peu d’impact, ou encore la pénurie de main-d’œuvre, problème qui ne se résorbe aucunement avec l’arrivée d’étrangers, sans compter la croissance économique, qui n’a rien à voir avec la présence ou pas d’immigrants.



La véritable raison qui pousse les multiculturalistes canadiens à augmenter l’immigration est idéologique. Elle tient à leur désir de créer un pays postnational dans lequel la nation québécoise cesserait d’exister. Les propositions d’Initiative du siècle constituent ni plus ni moins qu’un nouveau rapport Durham, du nom de l’ancien gouverneur qui, en 1839, avait proposé l’assimilation des Canadiens français, ce peuple sans histoire et sans littérature selon son célèbre rapport.


L’immigration britannique devait jouer un rôle important à cette fin. L’afflux migratoire allait nous mettre en minorité et nous enlever du pouvoir politique. Couplé à d’autres mesures, il devait mener à l’extinction de notre culture. Aux yeux de Durham, cela ferait accéder le peuple de demeurés que nous étions aux lumières de l’Empire britannique. N’eût été notre extraordinaire taux de natalité, les autorités coloniales auraient réussi leur coup.


Aujourd’hui, Justin Trudeau veut créer un État postnational, d’où l’idée d’augmenter constamment l’immigration, ce qui fera du Canada une terre sainte diversitaire. La nation québécoise n’existera plus, mais nos descendants vivront enfin dans un genre de paradis terrestre de la tolérance, unilingue anglais et multiculturel. Ce projet, ainsi que les moyens mis en œuvre pour y parvenir, ressemble à s’y méprendre à celui de nos conquérants d’hier.


J’écrivais dans le titre que cette stratégie est digne de Lord Durham. En fait, j’aurais dû écrire qu’elle est pire. Au cours des dernières années, le gouvernement Trudeau a multiplié les beaux discours et les promesses qui prouveraient sa préoccupation pour la survie du français au Canada, même au Québec. Malgré tout le mal que nous pouvons penser de Lord Durham, il était clair dans ses intentions. Ce n’était pas un hypocrite comme Justin Trudeau, qui dit une chose publiquement et fait exactement l’inverse par la suite.

 


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Frédéric Bastien167 articles

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Titulaire d'un doctorat en relations internationales de l'Institut universitaire des hautes études internationales de Genève, Frédéric Bastien se spécialise dans l'histoire et la politique internationale. Chargé de cours au département d'histoire de l'Université du Québec à Montréal, il est l'auteur de Relations particulières, la France face au Québec après de Gaulle et collabore avec plusieurs médias tels que l'Agence France Presse, L'actualité, Le Devoir et La Presse à titre de journaliste. Depuis 2004, il poursuit aussi des recherches sur le développement des relations internationales de la Ville de Montréal en plus d'être chercheur affilié à la Chaire Hector-Fabre en histoire du Québec.