Martin Pelchat -
Des journalistes qui réfléchissent à des offres de partis tout en continuant leur couverture, Jean-François Lisée en a vu beaucoup à l'époque où il conseillait Jacques Parizeau et Lucien Bouchard.
Dans un cas porté à sa connaissance, il s'agissait d'un journaliste affecté quotidiennement à la couverture politique. Lui-même ex-reporter, il a aussi su pour des journalistes connus.
«Il y a beaucoup de journalistes en exercice qui ont été approchés par des partis au cours des ans, qui ont réfléchi pendant des jours, des fois une semaine ou deux, tout en continuant à faire leur travail, et qui ont dit non, relate-t-il. Et personne ne l'a jamais su, sauf les partis.»
Une fois admis que chacun a le droit de devenir candidat, dit-il, il est clair que le journaliste sollicité est dans une situation particulière. Et s'il couvre quotidiennement la politique, il est dans la situation «la plus épineuse qui soit». «Il doit régler avec sa conscience l'honnêteté professionnelle dont il fait usage pendant la période de réflexion.» Et prendre sa décision très rapidement, dit-il.
Dans le cas de Bernard Drainville, poursuit celui qui dirige aujourd'hui un centre de recherche universitaire, «la bonne foi se présume». «Il n'y a rien dans son passé qui peut nous indiquer que c'est quelqu'un qui n'est pas crédible.»
Jean-François Lisée rappelle que Pierre Nadeau a raconté dans ses mémoires avoir été souvent approché, par tous les partis. Il évoque aussi le cas de Claude Ryan. «Quand on l'a approché pour diriger le Parti libéral, il est resté à la tête du Devoir pendant une période de plusieurs semaines, où il était à la fois commentateur et acteur potentiel.»
M. Lisée a proposé ses services au PQ après avoir écrit comme journaliste deux bouquins accusateurs sur Robert Bourassa, Le Tricheur et Le Naufrageur. Dans les mois qui avaient précédé la publication du premier, il avait été approché, tant par des fédéralistes que des souverainistes, et avait refusé. Mais plus tard, il a ressenti le besoin de ne plus être «spectateur mais acteur». Il a alors offert à Jacques Parizeau d'être conseiller s'il prenait le pouvoir.
«À partir du moment où j'ai eu la conversation avec M. Parizeau, j'ai pris la décision de ne pas avoir d'activité journalistique jusqu'à l'élection. Mais c'était plus facile pour moi, je n'étais pas à la colline parlementaire.»
Il a été attaqué férocement par les libéraux dès l'annonce de son embauche, après la victoire péquiste de 1994. «On est en droit de se demander qui a écrit les livres ou choisi les titres», avait lancé le chef libéral Daniel Johnson. «J'avais eu l'honnêteté dans les livres de dire que j'étais souverainiste, insiste Jean-François Lisée. C'est un genre de baptême du feu que M. Drainville est en train de vivre aussi.»
Un fédéraliste à la défense de Drainville
Luc Lavoie, un autre ex-journaliste qui a touché à la politique, mais dans le camp fédéraliste, se porte lui aussi à la défense de Bernard Drainville. «Ça m'indigne le traitement qu'on lui fait», lance le vice-président de Quebecor, qui avait quitté son poste de correspondant parlementaire à TVA pour travailler au cabinet de Brian Mulroney.
Personne n'avait fait de «procès d'intention» à René Lévesque après qu'il eut abandonné son émission Point de mire pour joindre les libéraux, insiste M. Lavoie. «Est-ce qu'on est allé dire à René Lévesque : «Quand vous avez fait votre émission, il y a trois mois, et vous avez posé la question...»
«On ne me soupçonnera pas d'être un péquiste, poursuit-il. Il y a une chose qui est sûre, dans le cas de Bernard Drainville, je ne voterai pas pour lui, ça, c'est garanti. Mais ceci étant dit, ça ne sera pas parce que je ne respecte pas le geste qu'il a posé. Au contraire, je l'admire. Moi, le courage de ceux qui plongent, je respecte ça et je le respecterai toujours.»
BERNARD DRAINVILLE AU PQ
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