Justices et religions

Laïcité — débat québécois




C'est une bien étrange décision que vient de rendre la Cour de cassation italienne. Les plus hauts magistrats transalpins ont en effet confirmé l'acquittement des parents et du frère d'une adolescente musulmane qui avaient battu et séquestré cette dernière pour mettre fin à son comportement, jugé trop occidentalisé. Selon les juges, les sévices subis par cette jeune fille ont été commis "non pas pour des motifs vexatoires ou par mépris", mais "pour son bien". Confirmant une décision de la cour d'appel, les juges ont estimé que Fatima avait eu tort d'avoir "un style de vie non conforme à leur culture".
Un homme doit se réjouir de cette décision : le père pakistanais qui, en 2006, a égorgé sa fille, Hina Salem, pour qu'elle ne fréquente pas les Italiens, et dont le procès doit s'ouvrir en septembre à Brescia. Dans un pays où, en 2006, selon l'Association des femmes musulmanes, au moins neuf musulmanes ont été tuées, victimes de brutalités familiales, on ne peut que déplorer le silence quasi général de la classe politique sur ce sujet et espérer qu'une loi vienne prochainement reconnaître les droits pleins et entiers des femmes immigrées, comme l'a annoncé la ministre de l'égalité des droits.
L'Italie n'est malheureusement pas un cas isolé. Aux Pays-Bas, les tribunaux ont longtemps considéré que, dans les cas avérés de crimes d'honneur, il fallait tenir compte du "contexte culturel" dans lequel les violences faites aux femmes survenaient. En Allemagne, la communauté turque vit très mal une loi sur le regroupement familial, adoptée en juillet, qui vise essentiellement à lutter contre les mariages forcés, prohibés par la législation. Au Canada, il a fallu que l'opinion publique se mobilise, en 2004 et 2005, pour que la province de l'Ontario renonce à reconnaître la validité de décisions rendues par des tribunaux islamiques, qui entendaient régler les différends familiaux survenus dans leurs communautés. Là encore, comme en Italie, ce sont surtout les musulmanes qui ont tiré le signal d'alarme.
Les relations entre les Etats et les religions sont complexes. Les débats apparus dans plusieurs pays autour du foulard islamique le prouvent. Si le respect de la pluralité des convictions religieuses - mais aussi agnostiques - s'impose, "l'autonomie de l'Etat implique la dissociation de la loi civile et des normes religieuses ou philosophiques particulières", rappelle la Déclaration universelle sur la laïcité au XXIe siècle, rédigée en 2005 par 212 universitaires venus de 29 pays. Selon ce document, officiellement présenté devant le Sénat français le 9 décembre 2005, "l'égalité doit se traduire dans la pratique politique par une vigilance constante pour qu'aucune discrimination ne soit exercée contre des êtres humains dans l'exercice de leurs droits".
Un principe que l'on aimerait voir appliquer dans l'Union européenne. Et au-delà.


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