L'art de mentir en public

Crise de leadership au PQ


Ces choses-là ne s'inventent pas, il n'y a que la vie qui soit capable de pareilles drôleries. Comment ne pas rire en voyant Bernard Landry découper André Boisclair en morceaux et dire, en même temps, exactement en même temps : «je suis un militant exemplaire».
Quand, en 1995, Jacques Parizeau a démissionné, tout le monde voyait un candidat évident pour lui succéder : Lucien Bouchard. Mais tout le monde voyait un aspirant évident : Bernard Landry. M. Landry avait eu cette déclaration mémorable, que je cite approximativement : si M. Bouchard veut se présenter comme chef du PQ, il me trouvera sur son chemin (ce qui, en français, annonce une opposition)... pour l'appuyer.
Pauline Marois, elle, avait dit publiquement à l'automne 2004 qu'elle voulait le départ de Bernard Landry, et souhaitait le remplacer. On l'a accusée de naïveté et d'impréparation. Mais elle avait le mérite de dire franchement ses ambitions. En même temps, en vraie «militante exemplaire», elle ne s'est pas lancée dans une démolition publique de «son» chef.
Bernard Landry, lui, depuis un an, se fend et se refend de déclarations à hue et à dia. C'est bien simple, il doit avoir plus de citations publiques à son actif depuis un an que le chef du PQ! Il a qualifié d'extrêmement grave sa consommation de cocaïne, il lui a attribué la déconfiture du PQ, il a déploré son sketch avec des humoristes basé sur Brokeback Mountain, il a dit qu'André Boisclair avait été mou sur les accommodements raisonnables (en fait il a été courageux), etc.
Supposons un instant que M. Landry ait raison sur toute la ligne - ce que plusieurs militants croient. Comment, du même souffle, dire sérieusement qu'on est un militant exemplaire, et ne pas dire simplement ce qui crève les yeux : je veux sa place! Comment, sinon par la trop longue fréquentation du mensonge politique, mensonge si familier qu'on ne le remarque plus, même quand on est assis sur ses genoux.
Plus comique encore, parce que totalement dépourvu de drame personnel ou d'enjeu, disons, national : la colère du bon maire Gérald Tremblay. Le président de Tourisme Montréal, Charles Lapointe, dit une vérité première : cette ville est sale et mal tenue, cela nuit au tourisme.
Horreur! dit le maire Tremblay. Voilà une déclaration qui va nuire terriblement à l'image de Montréal!
Pardon? On parle du même maire Tremblay, dont le programme officiel, en 2001, affirmait (avec raison) : «Il suffit de parcourir l'ancienne ville-centre pour se rendre compte que, dans beaucoup de secteurs, l'espace public est dans un état lamentable, souvent d'une malpropreté repoussante».
L'homme a été élu et quatre ans plus tard, il devait reconnaître que la situation ne s'était guère améliorée. En avril 2005, selon un refrain montréalais bien connu dès que la neige a fondu, le maire se disait» personnellement interpellé et exaspéré par la malpropreté « Aurait-il fallu lui dire : chhhut, M. Tremblay, c'est un secret entre nous, faut pas que ça se retrouve sur Internet!
En 2005, M. Tremblay et son équipe ont fait de la lutte contre la malpropreté et les nids-de-poule l'engagement électoral principal. Il devait bien y avoir une raison, non? «Il faut l'admettre, malgré les efforts, il y a encore des arrondissements où la malpropreté est inacceptable», disait-il le 24 octobre 2005.
Le printemps dernier, en 2006, Montréal a demandé à quelques vedettes, dont Yvon Deschamps et Luck Mervil, de participer à une campagne d'affichage où l'on voyait leur photo couverte de graffitis, et où il était écrit «Une campagne de salissage, ça vous défait une image». Cela se voulait un encouragement au civisme sur fond d'image internationale.
Et maintenant, c'est terminé, c'est réglé? Ce qui était une évidence grossière est devenu un tabou? Le responsable de Tourisme Montréal ne s'adressait pas aux agents de voyage de New York. Il parlait aux gens d'affaires montréalais. Il disait ce que tout le monde sait, voit, sent. Ces «quelques arrondissements» où il y a des problèmes sont précisément la vitrine de Montréal. Son centre d'affaires, de culture, de commerce.
Ce n'est pas pour rien, monsieur le maire, que Charles Lapointe a été accueilli par un tonnerre d'applaudissements. C'est parce qu'il a dit la vérité.
Est-ce que Gérald Tremblay a cessé de se promener en ville? Est-ce qu'il pense qu'il a réglé le problème avec cette injection, sympathique mais insuffisante, de 10 millions annuels? À moins que le problème, c'était uniquement de se faire réélire en novembre 2005, monsieur le maire?
Le monde entier savait qu'il y avait des crottes de chien à Paris et que New York était sale. Elles se sont attaquées au problème. Ces villes ont ce léger avantage, toutefois, que le monde entier s'y intéresse... Le vrai danger n'est pas qu'Internet nous fasse mauvaise réputation. C'est que ça ne se rende même pas à Cornwall, faute d'intérêt...
Quel était le slogan de Gérald Tremblay, déjà? Go! Montréal. Go, M. Tremblay, go.


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