L’autonomisme, Censeur de l’indépendance

PI - Parti indépendantiste



Quand on reste trop collé à son discours, on ne convainc que ses propres partisans. C’est le constat affligeant que font les souverainistes, médusés devant l’ardoise magique qui fait maintenant la fortune de l’ADQ. Les Péquistes qui veulent la souveraineté du Québec sans rompre avec le Canada sont de nouveau tentés de normaliser leur option, en l’assimilant au courant autonomiste traditionnel.
De leur point de vue, le parti serait justifié de recourir à une telle ruse, alors qu’il est en panne, pour hausser rapidement sa cote dans l’opinion. Que s’est-il passé, se demandent certains, pour que s’opère la substitution de leur poncif au profit de l’autonomisme de l’ADQ ? Le PQ n’aurait-il pas contribué à cet escamotage en lui mâchant la besogne ? Qu’est-ce qui explique que le vieux poncif autonomiste puisse jouir encore d’une nouvelle jeunesse ?
En 1978, devant l’Assemblée nationale, René Lévesque définissait son option en ces termes : "Entre le vieux statu quo dépendant et antiproductif du fédéralisme dans lequel on nous enferme encore et le plongeon dans une indépendance qui exclurait d’office tout dialogue et romprait tous les ponts, la thèse du gouvernement québécois constitue la vraie et la seule troisième voie : la négociation, à la place de la Constitution actuelle, d’une vraie confédération, c’est-à-dire d’une association entre deux États souverains. À cette nouvelle entente, qui s’inscrirait dans la continuité logique de notre histoire, les parties ne pourraient que trouver leur compte."
La troisième voie prônée par Mario Dumont est une option décalée par rapport à la version de René Lévesque. La formule dumontiste apparaît, aux yeux des nationalistes, comme la position-limite, l’optimum de ce que les Québécois peuvent obtenir au sein de la fédération canadienne. C’est une position mitoyenne entre le "vieux statu quo" fédéraliste et la souveraineté, telle que définie par Jacques Parizeau en 1994, et que les fondateurs de l’ADQ assimilent à l’indépendance pure. Mais le succès de Mario Dumont n’aurait pas l’ampleur qu’on lui connaît, s’il n’avait pas fait impasse sur le référendum. La position de l’entre-deux est sécurisante. Elle offre aux nationalistes une option épurée de l’angoisse qui accompagne l’option péquiste. Dumont a donc remotivé un concept longtemps refoulé, comme on fait avec un signifiant vide, au sein duquel tout un chacun peut accrocher son grelot.
S’il y a une chose qui ne manque pas non plus aux souverainistes, c’est bien les mots à défaut de la réalité, comme l’a manifesté Daniel Turp dans son ralliement à l’affirmation nationale. Cette variante de l’autonomisme, repiquée à la doctrine de Pierre-Marc Johnson, se définit aussi comme un pas de côté pour préparer la voie de la souveraineté. L’élasticité de la formule permet d’entretenir l’ambiguïté de la formulation de René Lévesque, tout en reportant sur un avenir indéterminé la relance de l’option péquiste. C’est ainsi que l’autonomisme, ce concept-substitut, est devenu au fil des ans le Censeur du rêve indépendantiste.
Mais l’indépendance, comme l’écrivait Hubert Aquin (1), "c’est le contraire politique de l’autonomie, même si, sur un plan historique, on peut la considérer comme son prolongement. Il n’y a rien de commun entre un séparatiste et un autonomiste : l’un veut la sécession du Québec, l’autre veut sa participation, plus ou moins intégrée, à la Confédération." Autrement dit, les autonomistes veulent le rempart sans la citadelle. Au fond, l’ADQ et le PQ baignent dans le relativisme constitutionnel, parce qu’ils croient que, malgré tout, le Canada peut être réformé, oui, juste assez pour permettre au Québec de se développer de façon "autonome" avec les compétences que lui reconnaît la Constitution canadienne, par ailleurs irréformable.
(1) Hubert Aquin, L’existence politique, dans Blocs erratiques.


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