L’autre doigt d’honneur de Boulet

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Couillard ne parvient pas à garder son équipe

Contre toute attente, un autre membre du conseil des ministres, Julie Boulet, quitte le navire libéral.


«La motivation et l'énergie ne sont plus au rendez-vous», a confié la pharmacienne et ministre du Tourisme. N’est-ce pas un peu tard, à cinq mois d’une élection annoncée depuis quatre ans, pour en arriver à cette conclusion?


Ce sont des choses qui arrivent, me répondrez-vous. Elle a évoqué des problèmes de santé (mais rien de grave). Certes, mais dans le cas de MmeBoulet, la surprise est double : elle venait de remporter une bataille épique contre son voisin de comté Pierre Giguère afin d’obtenir le droit d’être de nouveau candidate en 2018 dans la circonscription unique et fusionnée Laviolette-Saint-Maurice.


En raison du réaménagement de la carte électorale, la Mauricie perd en effet un comté à l’élection qui vient. Il fallait donc choisir entre Boulet et Giguère.


Le premier ministre a tranché en février : c’est l’ancienne ministre des Transports de Jean Charest, dont une partie du témoignage à la commission Charbonneau avait été qualifiée de «peu crédible» dans le rapport final, qui serait candidate. Une politicienne qui n’avait l’air de rien, mais qui pouvait se défendre de manière véhémente : pensons à son célèbre doigt d’honneur au péquiste Stéphane Bergeron en 2014.


De l’élection en 2014 à janvier 2016, Mme Boulet portait bien son nom... Elle n’avait donc pas été admise au conseil des ministres. À partir de 2016, puisqu’elle ne fut pas blâmée par Charbonneau, elle accéda une dernière fois au saint des saints.


En février 2018, choisir Julie Boulet contre Pierre Giguère permettait entre autres à Philippe Couillard de racheter une grave «distraction» à l’égard de la Mauricie : sa promotion, en novembre 2017, d’un monorail (voire un hyperloop!) sur la rive sud, au détriment du projet de Train à grande fréquence (TGF) de VIA Rail, qui circulerait sur la rive nord et avantagerait la région.


Couillard absent


À l’ère Charest, on avait l’habitude, lors du départ d’un ministre important, à ce que le chef se présente aux côtés du ou de la démissionnaire : Couillard lui-même en 2008, Jérôme-Forget en 2009, Normandeau en 2011, entre autres, eurent droit à un chaleureux hommage, prononcé par Jean Charest, à leurs côtés.


À l’ère Couillard, le premier ministre laisse seuls les ministres qui partent. (Pire encore : David Heurtel a choisi les médias sociaux. «C’est comme laisser une blonde sur Facebook!» m’a dit un libéral. Ce départ «sec» suscite bien des interrogations, voire des théories...).


Bien sûr, si Couillard décidait d’imiter Charest, il n’en finirait plus! Car après les Fournier, Vallée, Coiteux, Heurtel et Boulet, les Lessard et Kelley risquent d’annoncer leur départ. Le premier ministre a autre chose à faire en ces mois préélectoraux que d’aller accompagner d’ex-ouailles dans leurs adieux.


N’empêche, il y a là un contraste entre les deux chefs : l’un champion des relations humaines. L’autre, qui raffole des slogans contenant le mot «ensemble», mais qui — paradoxe — a toujours eu du mal à garder son caucus soudé derrière lui.


Sans cet ingrédient, la fatigue se ressent peut-être un peu plus intensément. Surtout quand on est élu depuis 2001, comme Mme Boulet. Et qu’on aime faire des doigts d’honneur.