L’enquête qu’il faudra quand même…

Dans la filière "Tous pourris" de la SRC


Il fallait s'attendre au rejet de la motion des partis d'opposition pour la tenue d'une commission d'enquête sur l'industrie de la construction et ses liens avec le financement des partis politiques. Le gouvernement Charest pourrait maintenant être tenté de penser qu'il n'a plus trop à se préoccuper de cette question, en espérant qu'elle s'éteigne doucement dans l'opinion publique cet été.

Sauf que le même gouvernement disait exactement la même chose l'automne dernier : il pensait que s'il pouvait faire le dos rond et survivre jusqu'à l'ajournement des Fêtes, il finirait par s'en tirer.

On a vu que ce ne fut pas le cas, et ce ne sera toujours pas le cas cet été. Parce que l'expérience nous montre que chaque fois qu'un observateur neutre se penche sur la question, il pose de nouvelles questions sur des situations inquiétantes ou carrément inadmissibles.

Ces derniers jours, c'est le vérificateur général de la Ville de Montréal — que l'on ne saurait soupçonner de partialité dans les débats qui se déroulent à Québec — qui se disait troublé par les contrats de construction donnés par certains arrondissements. Dans un cas, tous les contrats étaient allés à la même société. Dans plusieurs autres, une même société obtenait une part tout à fait disproportionnée des contrats.

Voilà qui est, effectivement, fort troublant et qui pourrait justifier la tenue d'une enquête. Si on ne peut plus avoir confiance dans le système de soumissions publiques, les citoyens ont le droit de craindre qu'il y ait collusion et augmentation artificielle des prix.

La collecte de Pauline Marois

Le gouvernement Charest n'a pas voulu tenir compte du rapport du vérificateur général de Montréal parce qu'il a cru tenir, enfin, la façon de contre-attaquer. Il fut révélé par nos collègues de La Presse que la chef péquiste, Pauline Marois, avait, elle aussi, envoyé ses collecteurs de fonds auprès des entreprises de génie-conseil lors de sa course à la direction.

Elle a ainsi recueilli 123 000 $ en quelques jours, dont 80 000 $ auprès de firmes de génie-conseil. La moyenne des 62 dons individuels était donc de plus de 2000 $ — ce qui était assez pour s'attendre à un retour d'ascenseur, disaient les péquistes quelques jours plus tôt en parlant des dons à la caisse électorale libérale.

Notons que Mme Marois n'a rien fait d'illégal, qu'elle a suivi volontairement les règles prévues par la loi, y compris la divulgation, alors qu'elle ne s'applique pas aux courses à la direction et que les montants en cause n'ont rien de comparable aux six millions de dollars que reçoit chaque année le PLQ.

Mais Mme Marois a fait quelque chose de beaucoup plus grave sur le plan des perceptions. Elle a été prise en flagrant délit de « Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais », ce qui est toujours une faute majeure en politique.

En fait, ce que l'on reproche à Mme Marois constitue une raison de plus de tenir une enquête sur les liens entre le monde de la construction et le financement politique.

Quand Mme Marois a eu besoin d'argent rapidement — le début d'une course à la direction est toujours déterminant — dans la course qui n'a pas eu lieu contre Gilles Duceppe, elle s'est tout de suite tournée vers les firmes de génie-conseil. Au municipal, dans des circonstances similaires, Benoît Labonté s'était tourné vers un entrepreneur en construction.

Ce qui laisse la désagréable impression que ces firmes qui reçoivent d'importants contrats du provincial ou du municipal sont, en quelque sorte, les guichets automatiques du monde politique. Quand on a besoin d'argent rapidement, on n'a qu'à y aller...

Pas étonnant, non plus, que ce soit auprès de ces firmes que le directeur général des élections fasse enquête pour essayer de percer un système de prête-noms qui permettrait à ces sociétés de donner beaucoup d'argent en le faisant transiter au nom de ses employés.

Il y a là suffisamment d'éléments troublants qui justifient encore une commission d'enquête. Pas seulement sur l'industrie de la construction, mais aussi sur ses liens avec le financement politique — parce que c'est le lien entre les deux qui fait en sorte qu'au bout du compte, les citoyens n'y trouvent pas leur compte et sont les victimes de cette collusion et de cette corruption.

Si on veut empêcher que cela recommence, il faut savoir comment fonctionne le système et on ne peut se contenter des enquêtes d'une simple escouade policière. Il faut savoir comment on contourne la loi, et pas seulement attraper ceux qui le font.


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