L’avocat, historien et ex-bâtonnier J. Michel Doyon est récemment devenu le 29e lieutenant-gouverneur du Québec. L’homme, qui a présidé le comité du Barreau du Québec sur le thème «Mourir dans la dignité» compte être très actif et revaloriser l’engagement politique chez les jeunes. Alors que Lise Thibaut a été condamnée pour sa gourmandise, M. Doyon a payé de sa poche pour son cocktail d’assermentation. Entretien avec Le Journal.
Comment le «processus d’embauche» s’est-il déroulé?
En juin, j’ai reçu l’appel d’un confrère à Montréal. Il a suggéré mon nom pour devenir LG. Je lui ai dit: allez-y, mais moi je ne ferai rien. À un certain âge [M. Doyon est âgé de 72 ans], lorsque vous soumettez une candidature et que vous n’êtes pas pris, vous êtes déçu. Finalement, une cinquantaine de CV ont été étudiés.
Un mois plus tard, on m’a contacté pour faire une enquête de sécurité. On m’a ensuite invité à Ottawa pour rencontrer le premier ministre, Stephen Harper, qui veut me poser des questions. En fin de compte, il m’a tout simplement félicité d’avoir accepté le poste. Une dame m’a dit: vous devriez appeler votre femme et vos enfants avant qu’ils l’apprennent dans les journaux.
Le comportement de votre prédécesseure Lise Thibault a-t-il entaché l’institution?
Je pense que le tribunal de l’opinion publique fait en sorte que cette personne a peut-être un peu, peut-être beaucoup, fait souffrir l’institution. Mais ce n’est pas à moi de juger, les tribunaux sont là pour ça. Mais il faut distinguer l’institution politique, la fonction et la personne. La fonction est noble, même si la personne peut se comporter avec moins de noblesse.
Allez-vous être transparent et permettre une meilleure reddition de compte des dépenses de votre bureau, qui sont de 750 000 $?
Je suis ouvert à ça. Une réception à la Citadelle de Québec a suivi mon assermentation. Je l’ai payée de ma poche. C’était un petit cocktail dînatoire. Ce n’est pas l’État qui va débourser ça. Je paierai de ma poche les réceptions privées. Je n’y dérogerai pas. Et si j’agis dans le rôle de l’État, ce n’est pas pareil. Mais si c’est moi qui décide de le faire, c’est à moi d’assumer. Je n’ai rien à cacher. Notre bureau est très frugal. Il faut débourser pour le loyer et le personnel. On reçoit aussi des invitations un peu partout. On doit répondre aux demandes, on doit avoir de la sécurité. Tout notre budget passe là-dedans.
Vous avez affirmé récemment que votre rôle n’était pas symbolique et que vous déteniez de vastes pouvoirs, dont celui de ne pas sanctionner une loi jugée antidémocratique. Allez-vous l’utiliser?
Ce pouvoir doit être employé avec tellement de circonspection que, dans les faits, on ne l’emploie plus. À moins d’une exception extraordinaire. Mais je ne ferai pas des hypothèses. Il n’est pas utilisé, mais il n’est pas pour autant révolu. Il y a eu un jugement de la Cour suprême qui dit que ces pouvoirs existent toujours.
Le lieutenant-gouverneur a-t-il d’autres pouvoirs?
Il doit s’assurer que la démocratie est toujours présente. Si un gouvernement tombe par exemple. On a vu le cas de Michaëlle Jean à Ottawa. Lorsque le gouvernement minoritaire de Stephen Harper a été renversé, elle aurait pu demander à Stéphane Dion de former un gouvernement de coalition. Mais elle a décidé de déclencher des élections. C’est un pouvoir important. Le LG pourrait aussi gracier un condamné. C’est un pouvoir qui est très grand. Mais je ne connais pas un lieutenant-gouverneur qui irait gracier quelqu’un qui a été condamné par une Cour de justice. On vit dans une société de droit. On a des juges et on doit respecter la décision des tribunaux. Mais ce sont des pouvoirs qui existent.
Vous représentez la Couronne, mais vous n’êtes pas élu démocratiquement. C’est le premier ministre du Canada qui vous a choisi.
Il faut connaître le régime parlementaire britannique. C’est le choix que nos aïeuls ont fait. Le monarque n’est pas élu. Il s’assure simplement que le système parlementaire fonctionne. Ce sont de grands principes constitutionnels. L’expliquer aux gens, c’est compliqué. La divisibilité de la reine, c’est comme le Saint-Esprit. On peut ne pas aimer l’institution, mais tant et aussi longtemps qu’on n’aura pas modifié la constitution, il faut la respecter.
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