L'interculturalisme n'est que le multiculturalisme à la québécoise

Interculturalisme - subversion furtive, déniée (le progressisme a ses contraintes...)

Il est étonnant de voir avec quelle ardeur Gérard Bouchard tient aux
distinctions entre multiculturalisme et interculturalisme dans son article
publié dans Le Devoir du 12 janvier ([À propos d’un faux procès et d’autres
procédés douteux->25039]). Si, sur le plan théorique, le discours qui cherche à
établir de savantes distinctions entre ces deux termes peut avoir un
certain fondement, tout s'évapore dans la pratique, ces deux approches
conduisant aux mêmes résultats.
Les différences généralement établies entre les deux termes insistent sur
le caractère intégrateur de l'interculturalisme qui cherche à concilier la
diversité ethnoculturelle avec le maintien d'une culture commune, le tout
dans une interaction hamonieuse, comparativement au multiculturalisme qui,
selon le rapport Bouchard-Taylor, se réduit à une «promotion de la
diversité ethnique» plaçant toutes les cultures sur le même pied.
Mais peut-on raisonnablement penser que les relations entre les groupes
ethniques sont marquées par l’intégration totale à Montréal et par le
cloisonnement strict à Toronto ou à Vancouver? Peut-on penser qu'il n'y a
pas de visées assimilatrices face aux minorités au Québec et qu'il n'y a
pas de désir d'intégration des minorités ailleurs au Canada? Les
descriptions théoriques de ces modèle présentent les choses comme si elles
étaient pures, soit blanches pour l'interculturalisme et noires pour le
multiculturalisme, alors que dans les faits nous sommes dans le gris. Et
rien ne ressemble plus à un gris qu'un autre gris.
Pour arriver à établir des différences tranchées, le rapport
Bouchard-Taylor présente une vision volontairement réductionniste et
péjorative du multiculturalisme. L'interculturalisme fait en revanche
l'objet de longues et très belles descriptions résumées ainsi : «On dira
que l’interculturalisme québécois a) institue le français comme langue
commune des rapports interculturels ; b) cultive une orientation
pluraliste, soucieuse de la protection des droits ; c) préserve la
nécessaire tension créatrice entre, d’une part, la diversité et, d’autre
part, la continuité du noyau francophone et le lien social ; d) met un
accent particulier sur l’intégration et la participation ; et e) préconise
la pratique des interactions» (p. 121).
La protection de la langue ne fait pas partie des descriptions du
multiculturalisme canadien, américain ou britannique parce que l'anglais,
dans ces pays, n'a pas besoin d'être protégé et soutenu. Si cet élément est
un aspect central de toute approche culturelle québécoise, ce
n'est pas parce qu'il est une caractéristique de l'interculturalisme mais
parce que la survie du français est précaire. Tout le reste de la
définition de l’interculturalisme pourrait faire partie du
multiculturalisme.
Si on lit la définition que présente la Loi canadienne sur le
multiculturalisme, on s'aperçoit que l'aspect d'interaction et d'échange
que l'on dit être propre à l'interculturalisme y est présent. Selon cette
loi, le multiculturalisme vise entre autres «à promouvoir la participation
entière et équitable des individus et des collectivités de toutes origines
à l'évolution de la nation et au façonnement de tous les secteurs de la
société ; [...] à promouvoir la compréhension entre individus et
collectivités d'origines différentes et la créativité qui résulte des
échanges entre eux».
Les différences ne résident pas dans l'approche mais dans les intérêts
politiques et culturels défendus par le gouvernement du Canada et par celui
du Québec.
La meilleure démonstration que ces deux notions conduisent aux mêmes
résultats nous est donnée par la pratique des accommodements raisonnables:
rien ne distingue la pratique préconisée par le rapport Bouchard-Taylor,
qui se fonde pourtant sur une approche dite interculturelle, de ce qui se
pratique dans ce domaine ailleurs au Canada au nom du multiculturalisme. On
peut d'ailleurs lire dans le rapport Bouchard-Taylor que «les quelques
jugements rendus par la Cour suprême en matière d’accommodement religieux
auraient pu tout aussi bien s’appuyer sur la charte québécoise et sur
l’interculturalisme» (p.281). Autrement dit, c'est bonnet blanc, blanc
bonnet.
La même démonstration est faite par l'instauration du cours Éthique et
culture religieuse. Les idéateurs de ce cours défendu par le rapport
Bouchard-Taylor toujours au nom de l'interculturalisme sont convaincus
d'avoir réalisé le nec plus ultra de l'interculturalisme, alors que Mathieu
Bock-Côté et Joëlle Quérin ont soutenu chacun de leur côté des analyses
montrant que ce programme concorde en tous points avec l'approche
multiculturelle trudeauiste.
Dans l'ouvrage collectif Questions d’équité en éducation et formation,
(Éditions Nouvelles, 2007), Fasal Kanouté, professeure au Département de
psychopédagogie et d’andragogie à l'Université de Montréal et spécialiste
de l’éducation interculturelle, écrivait: «La littérature anglophone parle
d’éducation multiculturelle au même titre que la littérature francophone
parle d’éducation interculturelle. [...] Nous sommes d’avis que les uns et
les autres disent la même chose sur la prise en compte de la diversité
ethnoculturelle par l’école.»
Dans les milieux de la recherche en éducation, me confiait-elle en
entrevue, «la distinction entre multiculturalisme et interculturalisme est
dépassée». La même observation pourrait valoir dans les autres secteurs.
Gérard Bouchard termine son article en se disant ouvert «à toute
proposition claire et raisonnable». Plusieurs groupes et individus ont déjà
proposé l'approche républicaine pour gérer le pluralisme culturel et
religieux, mais cette approche a été catégoriquement rejetée dans le
rapport de la commission que Gérard Bouchard a codirigée. Nous prenons bonne
note de sa nouvelle ouverture.
Daniel Baril, anthropologue et journaliste
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --

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Daniel Baril46 articles

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Anthropologue de formation, ex-rédacteur à l’hebdomadaire Forum de l’Université de Montréal, administrateur au Mouvement laïque québécois et à l’Association humaniste du Québec.

Auteur de Aux sources de l’anthropomorphisme et de l’idée de Dieu et codirecteur des ouvrages collectifs Heureux sans Dieu et Pour une reconnaissance de la laïcité au Québec.





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8 commentaires

  • Georges-Étienne Cartier Répondre

    23 janvier 2010

    On perd son temps et son énergie avec Gérard Bouchard : c est une personnalité narcissique de première grandeur et tout ce qui ne lui réflète pas fidèlememt sa propre image et sa propre pensée `( Ah le "miroir" des Bouchards...! Quelle posture !) sera tenu par lui a priori pour " non raisonnable".
    Et de ce fait,, mais oui. exclus et rejeté.
    L`interculturalisme est sur le plan socio-culturel , une "doctine" cancéreuse
    On ne négocie pas ce q`on doit faire face à un cancer ..
    Le Devoir, confit de "crainte révérentielle," a refusé de publier cette opinion au motif , entre autre , candidement explicite suivant: " parce que le ton (y ) tend à être impoli envers les Bouchards...".Me reste, for heureusement, notre Vigile ...

  • Archives de Vigile Répondre

    19 janvier 2010

    Guy Le Vasseur* :
    « M. Taylor idéalise même la Turquie en comparaison au Québec ! »
    Mais quelle est cette lubie sinon cette folie de comparer à tout propos le Québec à un pays dûment reconnu par la communauté internationale !?
    Même si je rêve et me bats pour que « mon pays », le Québec, accède dans les plus brefs délais au statut de nation parmi toutes celles membres de l'ONU, tel n'est actuellement pas le cas. Et pourquoi nous engageons-nous dans cette lutte, sinon précisément parce que le Québec, sa langue, sa culture, etc., sont en danger d'extinction.
    Tant et aussi longtemps que le Québec ne sera pas un pays au même titre que les autres reconnus dans toutes les instances internationales; tant que le peuple québécois ne se dotera pas, entre autres, de tous les pouvoirs en matière de politique d'immigration, le Québec doit être comparé avec ses semblables comme, par exemple, la Catalogne, le Pays Basque, l'Irlande du Nord occupée et toutes les autres nations en lutte.
    ---
    * Monsieur Le Vasseur, vous aurez compris que ma critique ne s'adresse ici nullement à vous.

  • Archives de Vigile Répondre

    18 janvier 2010

    Écoutez à tout prix les interviews de messieurs Bouchard et Taylor la semaine
    passée à l'émission "Second Regard" de Radio-Canada.
    http://www.radio-canada.ca/emissions/second_regard/2009-2010/Entrevue.asp?idDoc=101289&autoPlay=http://www.radio-canada.ca/Medianet/2010/CBFT/SecondRegard201001171330_1.asx
    Incroyable !!!!
    Guy LeVasseur
    Rimouski
    Voir ci-bas le commentaire que j'ai laissé sur le site de Second Regard
    et qui a été retenu après pondération mais sans modifications de mon texte
    initial :
    Messieurs Bouchard et Taylor semblent baser leurs analyses hautement idéalistes sur une vision étroite, uniquement "Montréaliste" de la société Québecoise.
    Montréal avec sa diversité ethnique et religieuse fait partie de la nation Québecoise mais Montréal n'est pas la nation Québecoise.
    De plus, ces deux penseurs s'expriment dans ce reportage avec un tel dédain face aux Québecois de souche notamment envers les membres actuels de l'Assemblée Nationale que je les crois atteints tous deux de Xénophilie.
    M. Taylor idéalise même la Turquie en comparaison au Québec ! ! !
    Mais dans quel monde imaginaire vit M. Taylor.
    A t-il déja visité les prison turques ? Ou a torture y est systématisée ?
    Et que dire du sort des Kurdes vivant en Turquie.
    Je vous ai dit Xénophilie !
    Bien que peu usité, ce terme désigne paradoxalement une forme d’ethnophobie non plus à l’encontre de l’étranger, mais à l’encontre de ses propres concitoyens.
    Bien que le sens étymologique suppose que le terme désigne le fait d’« aimer les étrangers » il s’emploie uniquement dans le sens de « préférer les étrangers aux siens ».
    On observe ce phénomène dans certains pays où, pour des raisons historiques ou culturelles complexes, l’étranger est favorisé au détriment des autochtones.
    Xénophobie et Xénophilie sont finalement deux facettes d’une même forme de haine.
    Guy LeVasseur
    Rimouski

  • Archives de Vigile Répondre

    18 janvier 2010

    La clique multiculturaliste part a l`offensive pour imposer au "bon peuple ignorant" sa nouvelle expérience sociale. Il en sortira un nouveau désastre!
    Quand verra t`on enfin ces gens etre remercié de leurs emplois et mis au chomage. Dans ce pays certains sont a l`abris grace a leurs conventions collectives blindées et sont payé grassement pour simplement s`occuper a inventer des inutilités dont les cobayes sont les citoyens!
    Il faudrait fermer tout ces départements multiculturels dans les universités qui forment le nouveau clergé, les nouveaux officiers politiques(dans le sens totalitaire du terme) de la rectitude politique qui se créer des emplois inutiles au frais des citoyens du Québec!

  • Archives de Vigile Répondre

    16 janvier 2010

    Les deux marsouins vont donner une entrevue, dimanche après-midi, à l'émission religieuse de Radio-Canada
    Dans l'extrait que j'ai vu le Père Taylor s'en prend au crucifix de l'Assemblée nationale

  • Archives de Vigile Répondre

    15 janvier 2010

    Gérard Bouchard, le technocrate, n'a rien inventé.
    Comme bien d'autres avant lui, il se prête en tant qu'acteur à une image fabriquée du savant "reconnut" en déblatérant des formules compliquées et incompréhensibles pour intimider les gens simples et honnêtes afin de leur faire croire qu'elles sont ignorantes et incompétentes lorsqu'en fait elles comprennent par le simple bon sens ce qui est dans leur intérêt.
    Bouchard fut choisit comme "maître trompeur". Comme le fut son frère.
    Si Bouchard revient avec une autre commission, c'est qu'il sait qu'il n'a de valeur aux yeux de ses maîtres que s'il leur est utile à tromper les Québécois. Autrement il ne sert à rien et n'est plus qu'un classeur de fadaises sur les tablettes universitaires.
    Pourquoi d'autre Taylor a t'il reçu tous les honneurs, les prix et l'argent ?
    Parce qu'il était supérieur à Bouchard ?
    Meuhh non !
    Parce qu'il est de souche Anglaise. C'est tout.
    Les fadaises anglaises sont pas meilleurs que les fadaises françaises.
    Des fadaises c'est des faidaises.

  • Archives de Vigile Répondre

    15 janvier 2010

    Pas pour rien que le Canada a décoré M. Bouchard! Il reconnaissait chez lui un promoteur de ses propres approches, présentées de façon - enfin l'espérait-il - plus acceptable pour les Québécois.
    La nouvelle ouverture de M. Bouchard me réjouit. Lorsque M. Parizeau avait commenté le rapport Bouchard-Taylor, il avait dit, entre autres, que la commission avait omis de considérer ce qui se passait à l'échelle internationale, dans les autres pays sur le même sujet. C'était une lacune majeure, selon lui.
    On va enfin y arriver.

  • Raymond Poulin Répondre

    15 janvier 2010

    J’hésite entre deux possibilités : ou bien Gérard Bouchard s’est embrouillé dans un concept qu’il n’arrive pas à comprendre lui-même, ou bien il croit au multiculturalisme et a voulu nous l’envelopper dans un jargon pour nous l’imposer en douce. Confusion ou malhonnêteté? Comme le notait un parfois de mes anciens professeurs sur nos copies : «Pas clair, obscur»!
    Après toutes ces années de tâtonnage pour en arriver là, j'ajouterais la mention «Échec».