Les députés belges membres de la commission de l'intérieur de la Chambre ont adopté, mercredi 31 mars, une proposition qui bannit - sans les nommer - la burqa et le niqab de l'espace public. Il prévoit des amendes de 15 à 25 euros et/ou une peine de prison d'un à sept jours pour toutes les personnes qui se présenteraient "le visage masqué ou dissimulé" dans l'espace public. A savoir, les bâtiments des services publics, les trottoirs, les terrains de sport, les jardins publics, les aires de jeux, les bâtiments à vocation culturelle, etc.
Le texte sera voté en séance publique à la mi-avril. Déposé par les cinq partis de la majorité, il a rallié les suffrages de l'opposition, malgré des critiques de l'extrême droite xénophobe flamande et des écologistes francophones. La première réclamait un engagement clair de la ministre de l'intérieur quant à l'application des sanctions prévues, les seconds voulaient consulter le Conseil d'Etat pour éviter les risques ultérieurs d'invalidation, tant par les juridictions administratives que par la Cour constitutionnelle ou la Cour européenne des droits de l'homme. Le parti chrétien-démocrate flamand CD & V du premier ministre Yves Leterme a, quant à lui, obtenu qu'en cas de refus de poursuite par le parquet, les municipalités puissent infliger des amendes administratives.
Officiellement motivé par la nécessité d'assurer la sécurité publique et d'empêcher le port de "tout vêtement cachant totalement ou de manière principale le visage", le texte traduit surtout la volonté des parlementaires de condamner la "radicalisation identitaire". "Il faut bannir les signes de soumission et d'inégalité", estime Eric Thiébaut (PS). "Bannir la burqa, c'est donner un signal éthique, se montrer solidaire de toutes celles qui sont forcées de la porter, faire respecter la dignité de la femme", explique Bart Somers (libéral flamand).
Les références au débat français ont été nombreuses. S'appuyant sur le récent avis du Conseil d'Etat, Zoé Genot, écologiste francophone, a souligné les "fortes incertitudes" quant à la pertinence des mesures à prendre et quant aux véritables risques que représente le port du voile intégral. Denis Ducarme (libéral francophone) évoque, lui, son "grand respect" pour le Conseil d'Etat français mais estime qu'il appartient au monde politique de "prendre ses responsabilités". M. Ducarme a dès lors évoqué sa "fierté" d'être un élu du "premier pays européen qui ose faire une telle démarche".
Avant le vote, des représentants des cultes avaient tenté de mettre en garde les députés contre toute mesure d'interdiction de signes religieux. Invoquant le respect de "droits fondamentaux", Isabelle Praille, vice-présidente de l'exécutif des musulmans, a parlé d'un "texte liberticide" et de "violence faite aux femmes". Selon Mme Praille, le port du voile résulte généralement d'un choix et d'éventuels cas de contraintes ne peuvent justifier une interdiction générale. Mgr Guy Harpigny, évêque de Tournai, s'est demandé quant à lui si l'Etat avait "réellement le droit" de réguler les signes de convictions religieuses.
Ces prises de position confirment les difficultés que rencontreront les élus pour légiférer sur le port du foulard islamique, comme le réclament des associations et des syndicats. Des parlementaires entendent désormais aborder cette question qui empoisonne depuis plusieurs années le débat public. Des problèmes récurrents se posent notamment dans les écoles où, faute d'une législation claire, les directions se trouvent contraintes de réagir au coup par coup. Certaines prohibent le port de tout signe religieux, d'autres les tolèrent. Divisés, y compris en leur sein, les principaux partis politiques tardent à prendre position.
La polémique a été relancée récemment par un arrêt de la cour d'appel de Mons, qui a autorisé une enseignante du réseau public à porter le voile durant ses cours, dans un établissement de Charleroi. Le conseil municipal a réagi, lundi 29 mars, en adoptant un règlement qui interdit le port du voile à tout enseignant. La séance a été perturbée par la présence, dans l'assemblée, d'une femme vêtue d'une... burqa.
Jean-Pierre Stroobants
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