Parler en français, dans une école francophone, et au Québec de surcroît, où le français est la langue officielle et commune. Cela ne devrait-il pas couler de source? Dans la réalité, le naturel a du fil à retordre. Et pour la plus grosse commission scolaire de la province, située au carrefour migratoire que constitue Montréal et dont 53 % des élèves n'ont pas le français comme langue maternelle, le défi est colossal.
Voilà pourquoi la Commission scolaire de Montréal a prévenu que dès septembre, ses écoles inscriront dans leur code de vie l'obligation pour les élèves de communiquer en français en tout temps et partout. Si la mode est au français en déroute, du banc de l'entraîneur-chef du Canadien jusqu'aux hautes sphères de la Caisse de dépôt, on peut deviner en effet que cette faillite n'épargne pas les cours d'école.
La CSDM brandit donc une nouvelle mouture de sa Politique de la langue comme si elle s'apprêtait à gagner une guerre; mais sa stratégie de sensibilisation-coercition camoufle un échec. Pas celui de la commission scolaire à elle seule, ce qui serait franchement trop lourd à faire porter, mais celui d'une société qui, en dépit d'une loi 101 au succès indéniable, n'a pas réussi à faire de l'usage de sa langue une évidence, un atout, un plaisir. Avant l'avènement de la Charte de la langue française, 80 % des enfants des nouveaux arrivants fréquentaient le réseau scolaire anglophone, alors qu'ils sont aujourd'hui plus de 90 % à passer directement dans les écoles francophones.
Malgré cela, les discussions de corridor, de cafétéria et de cour de récré ne se font pas en français, ce qui est un évident objet de désolation. Sans jouer la «police de la langue», on veut imposer le français en dehors des classes, comme on a interdit les bretelles spaghetti! On apprend avec stupeur que la politique s'adresse aussi au personnel, ce qui sous-entend que lui non plus ne s'adonne pas au français de la façon la plus naturelle! Une chose est sûre: rien ne garantira l'élan du coeur pour une langue emballée d'une camisole de force.
La faillite du français procède d'un ensemble, qui ne retrouvera pas sa force avec ce type d'inflexibilité. D'ailleurs, ces détournements d'usage naturel du français à l'école sont-ils le seul fait des allophones? Du côté des élèves ayant le français comme langue maternelle, un passage à l'école confirme que la jasette en anglais est chose fréquente en dehors des classes. Voilà un phénomène qui concerne l'envoûtement exercé par l'anglais sur nos troupes enfantines là où elles le croisent — pour ainsi dire, partout!
Cet échec du français fort et fier s'étend bien au-delà des cours d'école, et attaque bien plus que la CSDM. Celle-ci, au moins, ne succombe pas à l'indifférence généralisée, et elle s'agite. Mais elle le fait avec maladresse, en ne montrant qu'une facette d'un problème et en s'accrochant à l'utopique et à l'impraticable pour l'enrayer.
L'école 100 % en français
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