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PRÉSENTATION
Notre correspondant que nous nommons Parfondor a commencé par étudier la manière et la maîtrise de l'agir par soi collectif dans un premier article (*) ; pour le deuxième (**) , il s'est demandé s'il valait mieux de demeurer province au sein d'une nation indépendante, en l'occurrence le Canada ; cette semaine, il s'interroge sur la place des Anglo-Québécois par rapport à la population québécoise et canadienne-française. Trois angles de réflexion qui nous permettent de dépasser bien des discours creux sur l'indépendance collective des Québécois.
L'indépendance n'est pas dans la manière d'agir, mais dans la maîtrise de son agir collectif. Elle n'a pas grand chose à voir avec la liberté individuelle. En continuité avec cette idée, Parfondor dégonfle le ballon de l'indépendance possible à deux sur un même territoire. Il refuse de croire que cette collaboration est la voie royale qui nous conduira à notre indépendance comme patrie, comme pays et comme nation. Enfin, il aborde la délicate question de la présence, de l'influence et du statut spécial des Anglo-Québécois principalement concentrés dans la grande région montréalaise. Il nous demande de ne pas nous méprendre sur notre supériorité de parlants français en tant que majorité démographique, car comme il l'écrit : « ...les Anglo-Québécois sont ceux par qui le Québec est canadian dans les faits, ceux par qui il est une province comme les autres ». Un très beau sujet de réflexion pour les péquistes et les bloquistes, y compris les adéquistes et tous les gauchistes et syndicalistes du Québec.
Bruno Deshaies
* * *
Voici donc ce qu'écrit notre correspondant :
Notre réflexion nationale, par ailleurs si prompte à identifier l'adversaire à Ottawa ou dans les provinces de langue anglaise, mésestime l'importance de la communauté anglo-québécoise établie ici depuis 1760.
Son importance n'est point d'ordre quantitatif mais qualitatif : le nombre n'a pas à intervenir pour justifier ce que lui doit le gouvernement québécois. En effet, il est normal que dans une province britannique puis canadian, la primauté aille à ceux qui, ethniquement, le sont et que tout droit collectif autre que celui des Anglo-Québécois doive lui céder le pas.
Cette préséance ne doit pas se concevoir en termes de pouvoir uniquement : elle se rapporte surtout à une échelle de valeurs où cette communauté anglo-québécoise l'emporte sur les autres. Car, s'il est indéniable qu'au Québec, les anglophones sont subordonnés à une majorité francophone, ils ne le sont qu'à UN PALIER SUBALTERNE occupant un rang moindre tandis qu'AU PALIER SUPÉRIEUR de dernière instance, à Ottawa, ils sont servis par un État véritablement souverain qui ne se fait pas faute d'intervenir lorsqu'une loi québécoise leur porte atteinte. Cette prédilection s'explique puisque les Anglo-Québécois sont ceux par qui le Québec est canadian dans les faits, ceux par qui il est une province comme les autres. Étant les seuls à jouir de l'appui d'un État national, ils sont, par là même, les seuls Québécois réellement souverains...
Quel joli thème à méditer pour quiconque se contente de n'être que... souverainiste.
Parfondor
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UN PEU D'HISTOIRE
NAISSANCE DU CANADA-ANGLAIS (1763-1774)
Force des colons-marchands anglais}} (***)
Venus des autres colonies britanniques ou de Grande-Bretagne, quelques centaines de britanniques, marchands et anciens soldats, s'établissent immédiatement dans la nouvelle colonie anglaise. Plusieurs de ces marchands, malgré les calomnies dont ils ont été victimes, sont des gens fort respectables. Les uns s'établissent à Québec pour pratiquer le commerce du blé et de la farine ; les autres se concentrent à Montréal pour accaparer le secteur le plus dynamique du commerce, sous l'Empire français, le grand commerce des fourrures.
Ces marchands ne forment qu'un petit groupe, mais leurs forces résident dans leurs contacts avec la métropole anglaise. Commandités par les marchands de Grande-Bretagne, ils ont accès aux capitaux et aux marchandises nécessaires au commerce des fourrures. Ils bénéficient également d'une connaissance des rouages du commerce extérieur : la Marine marchande britannique. Les débouchés londoniens et impériaux leur sont des éléments familiers.
Ces marchands britanniques s'empareront très facilement des positions clés de la vie économique de la Province of Quebec et seront nécessairement appelés à jouer un grand rôle politique . Peu nombreux, ils peuvent n'impressionner que faiblement les Canadiens de l'époque. Ceux-ci auront tendance parfois à mépriser cette minorité. Mais, on sait que ces gens sont en position pour l'emporter. Ces premiers CANADIANS pèseront lourd dans l'histoire de la vallée du Saint-Laurent. Ils ont conscience de leur importance. Avant-garde d'une colonisation s'appuyant sur les richesses de l'empire, ils se savent chez eux, Britanniques dans une colonie britannique, et ils entendront se faire respecter du gouvernement colonial anglais comme du gouvernement métropolitain.
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(*) [LA MANIÈRE D'AGIR OU LA MAÎTRISE DE L'AGIR COLLECTIF ?->1865]
Qu'est-ce qui est mieux ?
(**) DES CONTRADICTIONS DE LA PENSÉE POLITIQUE CANADIENNE-FRANÇAISE
Le dilemme des Québécois : est-il mieux de demeurer une province au sein d'une autre nation indépendante ou de devenir lui-même un pays indépendant ?
(***) Maurice Séguin, Histoire de deux nationalismes au Canada (Montréal, Guérin, 1997), Leçon II : « Début du Canada-Anglais 1763-1774 ». Voir le paragraphe no 7 : « Force des colons-marchands anglais » (p. 41-42). Le présent texte tient compte de la version de 1973 destinée aux Éditions du Burin dans la collection intitulée « L'humanité en marche » (tome X : Le Québec) et de l'édition de 1995 chez Guérin dans la collection « Bibliothèque d'histoire » sous la direction d'André Lefebvre de Une histoire du Québec. Vision d'un prophète (p. 21). Il constitue une troisième variante du texte publié dans Histoire de deux nationalismes au Canada.
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2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
26 avril 2007Le point de vue de Trudeau est celui d'un anglo-québécois qui affiche une pensée franglaise à Ottawa, mais qui est dans les faits un canadian.
26 avril 2007 Bruno Deshaies
Notre réponse à Linkeus ou Lyncos se trouve dans l'hyperlien qui suit à la fin de ce message.
Pour plus d'information historique, nous invitons nos lecteurs et lectrices à consulter le travail d'historien de monsieur André Lefebvre dans sa thèse de doctorat consacrée à « La MONTREAL GAZETTE et le nationalisme canadien (1835-1842) » qui a été publiée chez Guérin Éditeur (Montréal) en 1970. Il faut lire les trois conclusions des trois premiers chapitres de l'ouvrage. L'auteur nous fait remarquer sans complaisance le fait suivant :
«Les peuples peuvent disparaître par génocide ou par assimilation, mais ils ne démissonnent jamais volontairement, spontanément. Au contraire, un désir naturel, nécessaire, les pousse à rechercher la maîtrise de leur vie collective, à se délivrer de l'oppression qu'exerce sur eux le vainqueur même le plus juste, le plus attentif à leurs besoins, le mieux intentionné.(p. 48) »
Nous pouvons ici constater toute l'actualité du passé.
Archives de Vigile Répondre
21 septembre 2006La capsule de Parfondor soulève de bonnes questions, compte tenu du « small uproar » qui déferle actuellement dans le grand village. Je me demande si la perception que les Anglo-québécois ont de leur propre identité, relayée aujourd'hui par le grand frère de Toronto, est aussi nettement orientée vers le passé que le suggère son texte. En avril 1962, Trudeau citait ce texte de Mason Wade à propos des premiers Loyalistes qui sont venus s'établir à Montréal : « They were badly scared men, who had lived through one revolution in America and dreaded another in Canada ». Comme si ce n'était pas assez, plus loin Trudeau en remet : « j'avoue quand même que la trouille des politiciens et des hommes d'affaires de langue anglaise est drôle à voir. Elle témoigne certainement de leur mauvaise conscience de nationalistes agresseurs. Mais cela aura ses contrecoups : il n'est rien de plus mesquin que le poltron revenu de sa peur. Et j'aimerais qu'alors le Canada français puisse s'appuyer sur une jeune génération nantie de quelques connaissances plus valables que la passion nationaliste. » Lynkeus