CHRONIQUE

La démission tranquille

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Bien plus un effacement progressif en voie d'accélération






Il est un peu décourageant de penser qu’on en est rendus à devoir s’adresser aux tribunaux pour forcer le gouvernement à faire appliquer une loi adoptée à l’unanimité il y a quinze ans pour faire en sorte que l’État utilise uniquement le français dans ses communications avec les autres gouvernements et les personnes morales établies au Québec.


 

La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJB) ne se fait sûrement aucune illusion sur les suites que le gouvernement Couillard donnera à la mise en demeure qu’elle a adressée vendredi dernier au premier ministre lui-même, au ministre responsable de la Protection et de la Promotion de la langue française, Luc Fortin, et à la procureure générale du Québec, Stéphanie Vallée.


 

S’il est vrai que l’intention du législateur était manifestement de limiter le plus possible le bilinguisme dans les communications écrites de l’État québécois avec les entreprises et les gouvernements étrangers, la date d’entrée en vigueur des dispositions prévues était laissée entièrement à la discrétion du gouvernement.


 

La fin de non-recevoir de M. Fortin était d’autant plus prévisible que les gouvernements péquistes précédents, que ce soit celui de Bernard Landry ou celui de Pauline Marois, s’étaient gardé la même « marge de manoeuvre » que revendique le ministre, même si les délégués au dernier congrès du PQ ont résolu que les communications avec les entreprises implantées au Québec doivent se faire « uniquement » en français.




 

L’article de la loi 104 dont la SSJB réclame la mise en vigueur n’est pourtant pas si contraignant, puisqu’il prévoit aussi que « le gouvernement peut déterminer par règlement, les cas, les conditions ou les circonstances où une autre langue peut être utilisée en plus de la langue officielle ». Évidemment, il est plus simple de se laisser la possibilité d’utiliser l’anglais n’importe où, n’importe quand.


 

Une politique linguistique n’est pas simplement une superposition de mesures, mais un tout à la cohérence duquel chacune des parties contribue. Comment convaincre une entreprise de s’engager sérieusement à faire du français la langue de travail si elle-même peut continuer à faire affaire en anglais quand vient le temps de payer ses impôts ?


 

On ne peut pas dire que M. Fortin s’est signalé par sa férocité dans la défense du français depuis qu’il est responsable de la loi 101. Il est vrai qu’à partir du moment où le premier ministre a décidé que tout va pour le mieux, le message à son ministre est clair : pas de zèle.


 

Le Plan d’action qu’il rendra public prochainement prévoit pourtant de « s’assurer que des actions soient posées pour faire en sorte que les dispositions de la Charte de la langue française (CLF) qui s’appliquent à l’Administration soient mises en oeuvre de manière optimale ». À cet égard, on peut difficilement imaginer mieux que la mise en vigueur de la loi 104.


 

La dizaine d’organismes regroupés dans les « Partenaires pour un Québec français » ont manifesté leur déception dans un texte publié lundi dans Le Devoir. « Le gouvernement pourrait agir maintenant. Malheureusement, il a choisi de faire seulement des études. Rien ne lui aurait interdit de faire les deux en même temps ». Encore faudrait-il le vouloir.


 

M. Fortin entend confier au Conseil supérieur de la langue française (CSLF) le mandat d’analyser l’ensemble du phénomène du bilinguisme institutionnel. Les « Partenaires pour le français » souhaitent que la langue de correspondance entre l’État et les entreprises établies au Québec fasse partie de l’étude.




 

Cette rediffusion périodique du même vieux film devient franchement désespérante. En 2008, le CSLF avait déjà fait le tour de la question et transmis ses recommandations au gouvernement Charest.


 
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