La faute d’Ottawa

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L'humiliation de demeurer au Canada : se faire imposer la légalisation du cannabis par Trudeau fils

Si les parlements s’abstenaient de légiférer à moins d’avoir la certitude que leurs lois ne seront pas contestées devant les tribunaux, les députés seraient en chômage la plus grande partie de l’année.



Comme dans le cas de la loi 62 sur la neutralité religieuse, qu’il savait incompatible avec les chartes canadienne et québécoise des droits, le gouvernement Couillard est certainement conscient que l’interdiction de cultiver du cannabis à domicile va à l’encontre du projet de loi C-45 et que ce dernier aura en fin de compte préséance.



Peu importe, il lui fallait envoyer aux nombreux électeurs qui appréhendent les effets de la légalisation de la marijuana le message qu’il tâchera de limiter les dégâts, même s’il n’a pas d’autre choix que de suivre le cortège. Il a également fait en sorte que l’on comprenne qu’il aurait préféré avoir plus de temps, mais que le gouvernement Trudeau, anxieux de réaliser au moins une de ses grandes promesses, a fait passer ses intérêts politiques avant ceux de la population en fixant la date fatidique au 1er juillet 2018. « Je n’ai pas demandé à avoir ça dans mon mandat de gouvernement », a rappelé M. Couillard. Bref, s’il y a des conséquences fâcheuses, ce sera la faute d’Ottawa.



Ce n’est pas la mécanique de la commercialisation du cannabis qui pose problème. La SAQ ne devrait pas avoir trop de mal à mettre une filiale sur pied dans les délais requis, d’autant plus que le nombre de succursales sera passablement limité au départ.



C’est une fois sorti du magasin que les choses se compliquent. Le concept de tolérance zéro envers les conducteurs ne signifie pas grand-chose si la présence de cannabis dans l’organisme ne peut pas être détectée. Le projet de loi 157 interdit également la consommation dans les milieux de travail, mais rien n’empêche d’aller fumer son joint à l’extérieur.



La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante aurait souhaité plus de précisions sur « l’encadrement et la gestion de ces nouveaux risques pour les travailleurs, les employeurs et la population ». Il ne faut se faire aucune illusion : qu’il s’agisse de la consommation ou de la culture du cannabis, la loi sera très difficile à appliquer.



Il aurait certainement été préférable que le projet de loi fasse l’objet d’audiences publiques exhaustives plutôt que de « consultations particulières », nettement plus limitées, mais on ne voulait pas courir le risque de manquer de temps pour le faire adopter avant l’ajournement de la mi-juin.



À la veille d’une élection générale, la tentation de placer le gouvernement dans l’embarras peut devenir irrésistible pour les partis d’opposition. Les préoccupations de la CAQ, qui désapprouvait au départ l’idée de légaliser et de commercialiser le cannabis, sont sans doute légitimes, mais elles ont surtout le mérite d’être largement partagées par l’électorat qu’elle courtise.



La ministre déléguée à la Santé publique, Lucie Charlebois, était la première à réclamer plus de temps. Dans les circonstances, il faut reconnaître qu’elle a réussi à trouver un bon équilibre entre les éléments qu’elle pouvait contrôler. Quand le gouvernement libéral et Québec solidaire tombent d’accord, c’est généralement bon signe.



Les municipalités, les établissements d’enseignement et tous ceux qui devront assurer la gestion quotidienne des conséquences de la légalisation sont toutefois en droit d’exiger qu’on leur en donne les moyens, comme les provinces le réclament elles-mêmes du gouvernement fédéral.



Une nouvelle source de revenus attise inévitablement la convoitise. Le projet de loi 157 prévoit que « la majorité des revenus » provenant de la vente du cannabis serviront à la recherche, la prévention et la « lutte contre les méfaits qui s’y rapportent », mais le gouvernement pourra disposer des « surplus » à sa guise.



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