À quand une véritable Organisation internationale de la francophonie? Autrement dit, comme l'expression l'indique, une association regroupant des pays où le français est communément utilisé?
Encore une fois, le " sommet " soi-disant francophone qui vient de se terminer à Bucarest a illustré le caractère loufoque de cette organisation, qui comprend maintenant une majorité de peuples pour qui le français est une langue totalement étrangère.
À Bucarest, dans cette Roumanie où le français fut, mais il y a fort longtemps, la langue de l'élite, on avait du mal à trouver quelqu'un qui comprenne le français. Sur les affiches bilingues, c'était l'anglais qui côtoyait le roumain. Et encore, le cas de la Roumanie est loin d'être le plus absurde, car ce pays peut quand même invoquer d'anciens liens historiques avec la civilisation française.
Passe encore, toujours au nom de l'histoire, que d'anciennes colonies françaises comme le Vietnam soient membres de l'OIF, même si les seuls francophones qu'on puisse y trouver sont des touristes ou des intellectuels de plus de 80 ans.
Mais que viennent faire, dans la " francophonie ", des pays comme l'Égypte, ancien protectorat britannique, l'Albanie, la Grèce, l'Ukraine, la Macédoine ou la Moldavie? Que viennent y faire ces nouveaux " membres associés " que sont le Ghana, ancienne colonie britannique membre du Commonwealth, et le Mozambique, ancienne colonie portugaise?
N'eût été le récent coup d'État militaire, la Thaïlande aurait fait son entrée cette année dans la francophonie, de même, n'eût été les massacres au Darfour, que le Soudan, ancienne colonie anglaise où la langue officielle est l'arabe classique et la langue seconde, l'anglais! Mais n'en doutons pas, au rythme où vont les choses, ces pays non francophones feront un jour leur entrée à l'OIF!
À ce compte-là, pourquoi ne pas admettre les États-Unis, qui comptent, proportionnellement parlant, beaucoup plus de francophones que la majorité des pays membres de l'OIF? Et si l'Égypte (2 % de francophones) en est membre, alors pourquoi pas Israël, dont près du quart de la population est de langue maternelle française? Pourquoi l'Autriche, où l'on ne parle que l'allemand et l'anglais, et pas l'Algérie, un pays où le français reste très présent? (Réponse, à cause du contentieux de la guerre d'Algérie et de la politique d'arabisation du gouvernement algérien. Quant à l'admission d'Israël, n'y comptons pas, l'OIF étant devenue une antenne du monde arabo-musulman.)
En fait, contrairement au Commonwealth, dont les membres ont une langue et des institutions en commun, l'OIF est une affaire strictement politique.
Pour les pays du tiers-monde, qui comptent pour plus de la moitié des 68 membres, l'organisation est une source d'aide financière. Pour la France, qui en est le principal bailleur de fonds (l'autre est le Canada), l'OIF est une façon de se donner l'illusion d'être encore à la tête d'un empire, tout en profitant d'une bonne affaire, car la " francophonie " lui permet d'asseoir son emprise sur des marchés intéressants.
Consolation: au moins, le prochain " sommet de la francophonie ", en 2008, se tiendra dans une ville vraiment francophone: à Québec...
Un mot sur la performance du premier ministre Harper à Bucarest, qui a été très injustement dénigrée par certains commentateurs.
Dans ce forum où la plupart des politiciens présents n'avaient aucun attachement réel au français, M. Harper a très éloquemment parlé de notre langue- la " langue fondatrice du Canada ", dit-il, en rappelant que la fondation du pays s'est faite en français, à Québec, il y a 400 ans.
Il faut être singulièrement mesquin pour ne pas apprécier ce témoignage d'un authentique francophile, à l'heure où le français, malheureusement, est en déclin dans le monde entier. De l'avis des observateurs qui étaient sur place, jamais un premier ministre canadien n'avait évoqué en termes aussi vibrants les racines du français au Canada. D'ailleurs, depuis qu'il est au pouvoir, M. Harper met en pratique ce qu'il prêchait à Bucarest en commençant tous ses messages officiels en français; le message en anglais n'arrive qu'en deuxième lieu, au grand dam de la presse anglophone que cela agace suprêmement.
On lui a aussi reproché de s'être momentanément " isolé " en faisant dérailler une proposition de dernière minute de l'Égypte, qui déplorait les morts de civils libanais en passant sous silence celles des Israéliens. M. Harper a tenu à ce que la déclaration finale (qui a finalement fait l'objet d'un compromis) évoque toutes les morts, des deux côtés de la frontière. Ce n'était que justice et bon sens.
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