Nos aînés gardent habituellement un souvenir nostalgique des traditions qui jadis remplissaient la période des fêtes : la messe de minuit précédant le déballage des cadeaux, les échanges de cartes de vœux, la crèche de Noël, les réceptions festives se prolongeant jusqu’aux petites heures matinales, dans une ambiance conviviale de danse et de musique folkloriques.
Au fil des ans, certaines coutumes quasi séculaires ont perdu de leur éclat. D’autres sont carrément volatilisées, relayées par l’idéologie commerciale et remplacées par les nouvelles mœurs de la modernité. Le temps des fêtes se résume de nos jours à des boustifailles entre proches et amis, à des soirées de bureau bien arrosées et à des orgies de cadeaux. Pour certains, il s’agit d’un congé comme les autres qui permet de s’évader vers des destinations ensoleillées.
Or le phénomène qui retient ici mon attention a trait à une autre pratique en vogue qui atteint son apogée en cette période préhivernale : celle de la générosité et du bénévolat. Elle découle essentiellement de la prolifération phénoménale des demandes en biens essentiels de la part des plus démunis. Au Québec, 310 000 demandes de paniers de provisions ont été effectuées l’an dernier, un nombre record. Par comparaison, on a enregistré 868 000 demandes au Canada la même année.
La période des fêtes sous le signe du partage
On comprend donc qu’à l’approche du long congé des fêtes, le milieu caritatif vit d’intenses moments d’effervescence. Des efforts titanesques sont déployés pour recruter l’armée des bénévoles dont les organismes communautaires ont besoin pour satisfaire les besoins criants des laissés-pour-compte.
Ils sont sollicités tous azimuts pour recueillir les dons du public, en espèce, vêtements ou denrées alimentaires, pour organiser le souper de Noël des sans-abri, pour rendre visite aux malades, pour divertir les personnes âgées esseulées et pour agir comme accompagnateur dans le cadre de l’Opération Nez rouge.
Heureusement, les Québécois sont foncièrement généreux, davantage par compassion et solidarité que pour soulager leur conscience à l’égard de la misère. Leur altruisme légendaire ne se dément pas, en dépit d’un léger recul des contributions attribuable à la lenteur de la reprise économique. Ils demeurent fidèles au rendez-vous des grandes campagnes de collecte de fonds, comme donateur ou bénévole.
Tous mettent donc la main à la pâte à l’occasion de cette célébration du partage, y compris le milieu des affaires qui parraine des organismes tels que Banques alimentaires Québec, Moisson et la Grande guignolée des médias (124 000 $ a été récolté à Sherbrooke le 2 décembre dernier).
Le réflexe solidaire : un gage d’avenir dans un Québec indépendant
Voilà qui est de bon augure pour l’avenir. Cette solidarité citoyenne s’inscrit parfaitement dans la perspective de la construction d’un nouveau projet de société. Car pour répondre à nos aspirations, le Québec de l’avenir aura pour tâche d’articuler les finalités politiques aux finalités sociales. Ce qui signifie qu’une fois son identité conquise, une fois sa langue affirmée et protégée, une fois son destin économique maîtrisé, un Québec indépendant, égalitaire et progressiste devra assurer l’égalité entre les hommes et les femmes, veiller à l’inclusion de tous ses membres et à l’éradication de la pauvreté.
L’extraordinaire mouvance de solidarité citoyenne à laquelle nous assistons actuellement est donc fort précieuse, car en plus de cimenter nos liens et de favoriser l’intégration des plus défavorisés, elle indique la voie à suivre. Le réflexe est donc acquis : au lieu d’abandonner les plus démunis dans le labyrinthe de l’exclusion sociale, on leur tend la main.
Travailler au Québec n’est plus un antidote à la pauvreté
Pourquoi ce formidable appui du public à l’endroit des personnes défavorisées est-il devenu à ce point incontournable ?
D’une part, parce que l’État s’est partiellement désengagé de sa mission première de pourvoyeur. Il semble à bout de souffle, à court de ressources, en panne d’action, évaluant mal ses priorités et tenant peu ses promesses.
D’autre part, parce que la fraction du revenu des ménages consacrée aux besoins essentiels poursuit son ascension. On sait pourquoi. Même si le taux de chômage s’est stabilisé au sortir du creux de la récession, on ne compte plus les travailleurs précaires, sous-rémunérés, à temps partiel ou qui se sont enlisés dans l’endettement. Une nouvelle pauvreté a surgi depuis que le rouleau compresseur de la crise économique a cessé d’épargner la classe moyenne. Parmi ceux occupant un emploi, 10 % sont des utilisateurs de banques alimentaires, tandis que 6,5 % sont propriétaires d'une résidence!
Voilà sans douce qui explique pourquoi la clientèle du dépannage alimentaire a augmenté de 38 % au Québec en deux ans. Et uniquement à Montréal, la demande de sacs de provisions a connu une hausse de 64% depuis un an! On assiste même à l’explosion du nombre de bénéficiaires au sein de la population âgée que l’on croyait pourtant à l’abri des intempéries de l’économie.
S’agissant de la grande région de l’Estrie, point étonnant si l’argent et les biens amassés ne suffisent plus à combler les besoins de Moisson-Estrie, de la Fondation Rock Guertin et des banques alimentaires.
Sortir du gouffre de l’appauvrissement
Sans verser dans l’alarmisme, force est d’admettre que la misère sévit presque partout et à longueur d'année, dans une société pourtant développée. Elle touche sans distinction les enfants, les adultes et les personnes âgées. À force d’étendre ses tentacules, la tragédie de la pauvreté menace de précipiter toute la collectivité québécoise dans un abîme.
Sans mettre en doute la nécessité de l’intervention caritative, il faut se rendre à l’évidence et reconnaître qu’elle frise les limites de son efficacité. Dès lors, le temps n’est-il pas venu d’envisager des solutions plus musclées, audacieuses et courageuses, capables d’enrayer ou d’atténuer ce fléau endémique qu’est la pauvreté ?
Voici quelques pistes à explorer pour amorcer le débat. 1. La création d’un Observatoire sur la précarisation et l’exclusion sociale pour traquer l’évolution de la pauvreté et repérer les groupes à risque.
2. La tenue d’États généraux sur l’accès aux droits fondamentaux en vue d’explorer des stratégies novatrices aptes à prévenir et combattre la pauvreté.
3. L’instauration d’un Fonds national de la solidarité pour secourir les plus démunis et soutenir des projets d’intervention communautaire. Son financement pourrait être assuré à partir des bénéfices nets de Loto Québec (1,36 $ milliard) et de la SAQ (867 $ millions). Un prélèvement combiné de 20 % dégagerait une somme de 450 $ millions à injecter dans un tel fonds.
4. Une tarification allégée de l’électricité au profit des plus démunis (au lieu d’appliquer la politique actuelle du harcèlement envers ceux dont le compte est en souffrance).
5. Finalement, comme notre compréhension de la pauvreté demeure statique et parcellaire, je suggère une cinquième mesure, soit la mise en chantier d’une vaste étude longitudinale pour examiner notamment les facteurs d’entrée et de sortie de l’indigence économique, son mode de transmission et ses impacts sur la famille et la santé.
Comme on peut le constater, pendant la période des fêtes les occasions ne manquent pas de nous mettre à table!
Richard Lefrançois, professeur associé
_ Université de Sherbrooke
http://tribune-age.over-blog.com
Un panier d’espoir et d’idées en vue d’éradiquer la pauvreté
La générosité : un incontournable dans un Québec indépendant et solidaire
Le réflexe solidaire : un gage d’avenir dans un Québec indépendant
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
8 commentaires
Richard Lefrançois Répondre
15 décembre 2010MOnsieur Tellier,
À la fin de votre dernier commentaire, vous avancez sans ambages : «la solution C'EST le revenu annuel garanti». Je vous envie d'avoir trouvé la clef à ce problème millénaire et de l'afficher haut et fort. Quant à moi, formé à la rigueur scientifique et à la prudence méthodologique, je n'ai pas la prétention d'avoir trouvé LA solution, et encore moins d'avoir identifié une solution UNIQUE et universelle, apte à résister à toute critique. Je ne puis que proposer des pistes de solutions. Au lecteur avisé et averti d'en juger!
Richard Lefrançois
Archives de Vigile Répondre
14 décembre 2010La clé-solution c'est un revenu annuel garanti au-dessus du seuil de pauvreté,moyennant;
une distribution du chèque mensuel main à main,
une certaine quantité d'heures quotidiennes de travail communautaire.
Ça fait trop d'années qu'on parle dans toutes sortes de réunions.Vite le revenu annuel garanti.
Archives de Vigile Répondre
14 décembre 2010La charité coûte cher.
Pour récolter 5,3 millions en dons, la division québécoise de la Société canadienne de la sclérose en plaques a dépensé 2,5 millions pour faire ses collectes de fonds. La Société Alzheimer du Canada, 3,6 millions pour obtenir 9 millions. La division québécoise de la Société canadienne du cancer, 8,7 millions pour récolter 25,3 millions. Au total, les différentes collectes de fonds de la Fondation des maladies du coeur coûtent 80 millions et récoltent 155 millions.
Les envois postaux tous azimuts, c'est cher, impersonnel et ça fini à la poubelle.
L'Agence du revenu du Canada met un feu jaune quand le rapport entre les revenus et les dépenses liées aux activités de financement dépasse les 35%.
De son côté, Jeunesse au Soleil croit désormais davantage dans les vertus de la sollicitation ciblée.L’organisme ne veut plus dépenser des millions pour récolter des millions.
La Old Brewery Mission connaît un bon succès en faisant commanditer des soupers par des groupes et en leur offrant la possibilité aux personnes de venir servir elles-mêmes le souper aux sans-abri.
Certains organismes de charité sollicitent des fonds non pas parce qu'ils ont besoin d'argent, mais parce qu'ils en ont la capacité.Ils le garde à la banque et le font fructifier dans des placement.Ils font dormir les dons.
Attention de savoir que votre argent va vraiment à la bonne place.Si on veut faire un don pour le cancer, il y a l'organisme national, l'organisme provincial qui lui est associé, puis des organismes complètement différents, avec des états financiers propres, qui récoltent des fonds pour le cancer du sein, de la prostate, etc.
Centraide, dont la mission est notamment d'aider les démunis, n'aide aucun des refuges pour sans-abris.
Source ; Louise Leduc,La Presse,3/12/2010
Richard Lefrançois Répondre
14 décembre 2010Vous avez raison Monsieur Tellier, c'est ce que je rapporte moi aussi dans mon article, d'où la nécessité de mesures plus musclées pour combattre la pauvreté. Je donne quelques pistes en fin de texte
Bonne journée
Richard Lefrançois
Archives de Vigile Répondre
13 décembre 2010Les dons baissent - S'en va-t-on vers une crise de la charité ?
Selon Statistique Canada, les donateurs qui appuient les œuvres de charité se font plus âgés et moins nombreux.
Globalement, le nombre des donateurs a baissé et, depuis trois ans, le total des dons a décliné d'une année à l'autre.
Depuis deux ans, les dons ont chuté de près d'un milliard de dollars.
Suite de l’histoire
http://www.ledevoir.com/societe/ethique-et-religion/312893/les-dons-baissent-s-en-va-t-on-vers-une-crise-de-la-charite
Richard Lefrançois Répondre
12 décembre 2010Monsieur Tellier,
Je suis d'accord avec vous dans une certaine mesure, mais sur un aspect pointu qui nous éloigne de l'essence de mon message et du débat, notamment en ce qui regarde l'assistance alimentaire. En insistant sur la malbouffe et autres, vous semblez oublier que je saisissais une opportunité (ce qui se déroule actuellement en matière de bénévolat et d'aide aux plus démunis) pour aborder la problématique de la pauvreté afin de pousser plus loin la réflexion et surtout de proposer des pistes d'action.
Vous connaissez sans doute comme moi l'adage : si tu veux nourrir un homme un jour donne-lui un poisson. Si tu veux nourrir un homme pour toujours montre-lui à pêcher. Je n'ai pas voulu entrer dans ce genre de discussion.
Au lieu donc de vous attacher aux paniers, il aurait fallu retenir que je mentionne aussi les dons en argent, Il aurait fallu comprendre que j'insistais surtout sur des valeurs qui nous animent, comme la solidarité et la générosité. Enfin, dans la dernière partie de l'article, je propose des solutions concrètes qui n'ont rien à voir avec les paniers.
Merci pour votre message
Richard Lefrançois.
Archives de Vigile Répondre
12 décembre 2010La charité ponctuelle du temps des Fêtes.
Entrevue entre le militant anti-pauvreté américain Joel Berg de New York et Marie-Claude Lortie de La Presse.
Joel Berg est carrément contre les paniers et autres récoltes de nourriture auprès des particuliers.Ces récoltes de denrées en boîte sont à peu près le pire moyen de lutter contre la faim liée à la pauvreté.
Si on tient à apporter une aide directe,alors donnons de l'argent aux organismes qui offrent de la nourriture aux démunis.Ils sauront beaucoup mieux quoi acheter comme aliments et ils ont de meilleurs prix,dans le gros.
Donner à un seul moment de l'année donne l'impression qu'on aide à régler le problème, mais c'est faux.La faim dure toute l'année.On devrait tous travailler à faire en sorte que ces collectes ne soient pas nécessaires.
il y a quelque chose de narcissique dans cette idée d'aller travailler dans des maisons d'accueil pour sans-abri dans le temps des Fêtes ou de débarrasser son garde-manger de ses vieilles conserves et de ses boîtes de craquelins jamais ouvertes pour aider les pauvres.Cela nous aide surtout nous, à nous sentir mieux.Ça bonne conscience au côté religieux de notre personnalité .
Il y a un lien entre pauvreté et consommation de malbouffe. Les légumes frais coûtent cher. Pas les boissons gazeuses ni les hot-dogs de la pire qualité.Les boissons sucrées en poudre sont moins chères que le lait.
Selon M. Berg, il faut tenir compte des facteurs psychosociaux quand on analyse les problèmes alimentaires des démunis. Toute la mouvance actuelle qui prône le rejet de toute nourriture industrielle au profit du nature et du fait maison est pour le moment, essentiellement irréaliste. Voire plutôt élitiste.
Les pauvres n'ont pas le temps et l’argent pour jardiner,se mitonner de bons petits plats,ni de courir les marchés fermiers.
Quand on a deux emplois ou alors des journées de 10 heures de travail, plus 2 heures de transports en commun par jour, et des enfants à suivre de près côté école,on n'a pas le temps de manger autrement qu’industriel.
La maman pauvre qui faisait de délicieux ragoûts avec trois fois rien est un souvenir d'autrefois qui ne tient plus dans le monde urbain actuel.
L'alimentation santé ne marchera pas tant qu'elle se sera pas conviviale et abordable.Il faut tenir compte de la réalité terre-à-terre de la vie des démunis.
L'obésité, en fait, n'est pas qu'un problème d'alimentation ni de santé. C'est, avec la pauvreté, un des morceaux d'un vaste puzzle économique et social déréglé. Comme ce grand trou affamé et triste qu'on cherche à combler avec nos paniers de Noël.
Source ; Marie-Claude Lortie,La Presse,11/12/2010
Archives de Vigile Répondre
12 décembre 2010Remplacées par les nouvelles mœurs de la modernité !?
Quelles moeurs modernes ? Vous voulez dire sans doute l'éradication des moeurs !
Voilà où nous a mené le judéo-christianisme ! Une contradiction dévastatrice.
Le cancer de cette démoralisation est l'USURE des banques, et la spéculation. Des systèmes de corruption judaïques que Jésus à condamné vigoureusement en expulsant les vendeurs de change (banquiers) du temple à coup de fouet !
Le christianisme et l'islam sont CONTRE l'usure et ont comme loi le don de 10% des revenus alloués à la charité.
Pas étonnant que les corrompus dépensent tant d'efforts à diviser chrétiens et musulmans !
Le véritable esprit de Noël se partage avec les chrétiens et musulmans. La main gauche et la main droite d'un même corps.