Dans les pages du Devoir, le 26 juillet dernier, l'anthropologue Claude Bariteau s'en prenait à la proposition du Parti québécois dévoilée le 19 juin dernier en vue du XVIe Congrès national du Parti québécois.
Si l'analyse de l'intellectuel est intéressante et découle sans doute d'une volonté sincère de faire avancer l'option, elle ne colle pas à la réalité ni à l'essence de ladite proposition du parti souverainiste.
M. Bariteau expose de façon séduisante la dichotomie entre deux approches nationalistes, et ce, depuis la Conquête. D'abord, l'approche affirmative est celle du Parti patriote de 1834-1838 et du RIN, ainsi que la tangente du Parti québécois sous Jacques Parizeau en 1995. Dans cette dynamique de confrontation, il faut rallier, peu importe l'appartenance identitaire.
Ensuite, l'approche autonomiste, qui est celle de l'Acte de Québec (1774) et de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique (1867). On pourrait également ajouter à cette analyse de l'anthropologue la tentative du lac Meech, ou du moins sa première mouture, résolument autonomiste. Cette dynamique, que l'on qualifie de réformiste, s'appuie, il est vrai, sur l'identité canadienne-française, puis québécoise, et est menée par des élites locales.
Nourrir la flamme
Pour M. Bariteau, la stratégie du PQ est autonomiste. Il s'appuie, pour avancer ce propos, sur le fait que ce parti propose un assortiment de réformes nationales et lance une offensive identitaire et linguistique sans proposer de mécanisme d'accession à l'indépendance. Parizeau, lui, aurait plutôt tenté de rallier les communautés culturelles et de préparer un plan par étapes pour se rendre à l'indépendance.
Seulement, malgré la rigueur de son raisonnement, Bariteau qualifie mal l'approche préconisée par le Parti québécois. Celle-ci, à sa face même, ne vise en rien le renouvellement du fédéralisme.
La stratégie du «Plan Marois», ou la gouvernance souverainiste, vise plus à nourrir la flamme qu'à mettre le couvercle sur la marmite. Je doute fort de l'éveil des Patriotes sans les 92 résolutions et l'obstination d'alors du gouverneur d'invalider les lois du peuple et de dissoudre la Chambre à sa guise. Je doute fort également de la mobilisation des Québécois au début des années 1990, menant au deuxième référendum, sans le blocage de l'accord du lac Meech.
L'approche affirmative et l'approche autonomiste ne sont pas deux doctrines séparées entre lesquelles les nationalistes doivent nécessairement faire un choix. Il s'agit plutôt de deux courants évoluant ensemble, s'entrecroisant et se propulsant l'un et l'autre dans l'histoire de notre nation. Si, lors de la Révolution tranquille, les historiens, dans un courant marxiste, ont romancé l'apport des Patriotes, ceux d'aujourd'hui pondèrent et rétablissent les réformistes comme Étienne Parent et Louis-Hippolyte Lafontaine.
Soulignons aussi un fait d'importance: bien que les deux approches décrites par M. Bariteau fédèrent à elles deux l'écrasante majorité du peuple québécois, elles ont toutes deux été mises en échec par une minorité infime de tenants d'un fédéralisme centralisé et prédateur, à la plus grande satisfaction des Trudeau, Chrétien et Dion. Comment? Justement en divisant entre eux ceux qui ont la nation québécoise pour seule loyauté. La dichotomie mise de l'avant par M. Bariteau, malgré la bonne foi de ce dernier et de ceux qui la diffusent, ne peut avoir d'autres effets que de faire, encore une fois, le jeu des fédéralistes.
Au-delà de la mécanique
Depuis la défaite de 1995, où l'on a touché le pays du bout du doigt, le Parti québécois a fait l'erreur de revoir sans cesse la mécanique référendaire. Comme s'il suffisait de refaire maintenant ce qui n'a pas marché alors... mais dans un contexte moins favorable! Depuis ce temps, on télégraphie notre stratégie à nos adversaires et on occupe nos militants à formuler correctement la question du troisième référendum. Il est temps de rompre avec ce piétinement qui nous confine à l'attentisme.
Pour penser gagner un prochain référendum, il faut non pas travailler sur sa mécanique, mais sur l'adhésion des Québécois à l'idée nationale. C'est ce que les trudeauistes ont fait pour le Canada et c'est surtout ce qu'ils ont désespérément tenté de nous interdire.
La confiance et le nationalisme restent les éléments déterminants pour tout peuple engagé dans sa libération. Ces éléments sont la cause du succès et des échecs de la rébellion des Patriotes et des deux référendums. C'est pour cette raison que la proposition du 19 juin met de l'avant plusieurs politiques courageuses telles une Constitution, une citoyenneté québécoise, la valorisation du patrimoine culturel, la prédominance du français et plusieurs autres. Jamais le PQ n'a été aussi audacieux sur ces enjeux.
De même, le retour d'un nationalisme senti et structurant au sein du Parti québécois n'écarte en rien l'ouverture sincère qu'il manifeste depuis des années aux nouveaux arrivants et son désir d'implanter les meilleures mesures d'intégration possible. Quand les Québécois d'autres origines partageront un engouement commun pour le Québec et ses succès, c'est à ce moment qu'ils voudront en faire un pays. Pour tendre la main à l'autre, il faut commencer par être sûr de soi-même.
Objectif clair
Il faut être aveugle pour le nier: l'objectif du Parti québécois, c'est de faire du Québec un pays. Les Québécois le savent. Nos adversaires fédéralistes le répètent constamment, avec la fierté de celui qui prétend avoir inventé l'eau chaude.
Voilà là où l'analyse de Claude Bariteau ne tient plus la route: le PQ n'est pas à la recherche d'un bon deal, un Meech version améliorée. La gouvernance souverainiste n'est pas non plus une doctrine, mais plutôt une simple stratégie, celle de tous les moyens, de tous les possibles et de toutes les victoires. Elle va bien au-delà d'une dichotomie divisée entre «affirmationnisme» et «autonomisme».
Viendra un moment où il sera peut-être nécessaire de discuter de la mécanique. D'ici là, toutefois, ce n'est pas ainsi que l'on gagnera une plus grande adhésion à notre option. Pour tous ceux, dont je suis, qui partagent la hâte de M. Bariteau, c'est le chemin le plus direct vers l'indépendance.
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Alexandre Thériault-Marois, Président du Comité national des jeunes du Parti québécois (CNJPQ)
Réplique à Claude Bariteau
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