La <i>Realpolitik</i>... pour rêver

L'indépendance : entre pessimisme et optimisme

Tribune libre

Les experts en droit international ne peuvent pas tout prédire concernant la « Reconnaissance » d’un Québec souverain, pour la simple raison qu’une déclaration d’indépendance n’est pas seulement une reconnaissance du droit, mais la reconnaissance éminemment politique d’un nouveau droit.
Quand bien même le président Sarkozy affirmerait solennellement, quotidiennement s’il le veut, que le monde n’a pas besoin de nouveaux pays, laissant même entendre, en 2009 puis en 2010, et jusqu’à la fin de sa présidence, que la souveraineté du Québec est une affaire dépassée et sans importance, c’est son affirmation qui est sans importance, parce que cela est une déclaration convenue, prévisible et sans intérêt.
Les indépendantistes ne se laissent pas distraire par une parade, et ne brûleront pas leur drapeau.
Le président français est dans la realpolitik. Il ne peut pas, le moindrement, mécontenter les alliés de la France, dont le Canada : question du droit, des pratiques et des bonnes manières en matière de non-intervention, toutes choses qui délimitent la zone de confort des intérêts réciproques, des états jusqu’aux ensembles économiques.
Quelle qu’elle soit, la présidence française n’a aucun intérêt politique à seulement entrouvrir la porte à l’idée de la souveraineté du Québec. Au plan domestique, celui de la France, cela pourrait mener la présidence bien plus loin qu’elle ne le voudrait : aussi loin qu’en Corse notamment, et peut-être plus loin encore, la France ayant des intérêts sur tous les continents.
Le président Sarkozy est donc dans la réalité. Comme les chefs d’états le sont généralement. Il n’a pas, et nul d’ailleurs n’aura de sitôt, la stature politique du grand général De Gaulle, qui avait déjà sauvé l’honneur de la France, en Mai 40, puis en Juin, et qui pouvait se payer le luxe politique de rêver.
Le président Sarkozy ne rêve pas. Il reste dans la realpolitik. Il a raison : pourquoi risquer de briser si facilement, si inutilement peut-être, des amitiés précieuses à la France ? Si de telles choses existent, que l’amitié internationale et la « famille », que viendrait faire maintenant la France, amie et parente du Québec, en faveur d’un combat souverainiste strictement québécois qui, en prime, ne pourrait lui valoir que des inimitiés ? La France ne manque pas d’ennemis, quelque fois même parmi ses amis !
Et puis, les indépendantistes québécois ne se sont jamais beaucoup cherché ni d’amis ni d’alliés ailleurs au Canada….Alors pourquoi en France, si ce n’est pour la « Reconnaissance » ?
La réponse tient au fait que les souverainistes sont eux aussi dans la realpolitik. ET C’EST TANT MIEUX.
Si demain l’Assemblée Nationale déclarait l’indépendance du Québec, suite ou non à un référendum, suite ou non à une élection décisionnelle, comme Nous seuls en avons le secret, il vaudrait bien mieux que ceux qui proposeraient aux Tremblay d’Amérique d’ici de faire du « Droit »,nouveau, souverain et indépendant, puissent compter en France sur des amis. Mais cela étant acquis déjà, c’est au nom même de la realpolitik que le gouvernement français serait enclin à procéder en faveur de la Reconnaissance du nouvel état québécois, sa propre opinion publique y veillant. Cet appui serait déterminant.
L’occasion serait grande de réconcilier enfin les Québécois. Tous les Tremblay d’Amérique aussi. Et l’occasion serait belle de Nous réconcilier aussi, enfin, avec la France.
Et même, allez savoir, si ce n’était pas même l’occasion de réconcilier les français eux-mêmes avec la France elle-même…Pour une bonne fois, mais toute une, la Grandeur et l’Honneur de la République française passant par Québec.
La porte serait grande ouverte à de sacrées retrouvailles !



Laissez un commentaire



4 commentaires

  • Marcel Haché Répondre

    7 février 2010

    @ m.Presseault
    De Mai 40 à Juin, le soldat De Gaule était devenu la France. Il ne fut pas traité comme tel immédiatement, mais, par fidélité, cela finit par s’imposer.
    Les évènements seuls ne font pas les grands chefs, mais révèlent ceux qui en ont l’aptitude. Le rôle des soldats n’est donc pas négligeable : ce sont les soldats qui peuvent changer le cours des choses.
    En son temps, Pierre Bourgault fut un redoutable soldat. Et tous les premiers ministres du Québec, que vous nommez, chacun sa façon, furent de grands soldats. Mais aucun ne parvint jamais à être le Québec. Ce qui aurait été bien différent.
    Mon propos est qu’il est futile aux indépendantistes d’espérer des appuis extérieurs. C’est du peuple québécois, souverain, qu’ils doivent rechercher l’appui. J’ai souvent écrit ici que l’indépendance du Québec, ce n’était pas seulement l’indépendance « du Québec », mais l’indépendance des québécois.
    En Juin 40, le grand général ne s’était pas adressé à la France. S’était adressé aux français et aux françaises qui avaient encore de l’honneur.
    Il y a au Québec un peuple québécois. Il faut seulement remarquer qu’il n’y a pas seulement un peuple québécois. Que beaucoup parmi nous ne se réclament pas de Nous…

  • Élie Presseault Répondre

    7 février 2010

    «Le président Sarkozy est donc dans la réalité.»
    La réalité de Power Corporation?
    «nul d’ailleurs n’aura de sitôt, la stature politique du grand général De Gaulle, qui avait déjà sauvé l’honneur de la France, en Mai 40, puis en Juin, et qui pouvait se payer le luxe politique de rêver.»
    Je crois qu'il est avant tout question de destin. Le Québec n'a peut-être pas encore eu son chef indépendantiste de grande stature mais en revanche, il a pu compter sur de valeureux soldats.
    Que nous soyons dans la lucidité pure et simple du courage politique, à leur manière, les Daniel Johnson Sr, René Lévesque et François Aquin ont tous eu leur grandeur en tant que politiques. Avoir tant de hauteur de vues et soupeser le pour et le contre de prises de position, même en pleine tempête, c'est le propre de ce qui fait la grandeur des circonstances politiques. D'autre part, Jacques Parizeau n'a point manqué de témérité et d'abnégation face à l'adversité. Enfin, Bourgault fut notre plus grand tribun dans tous les sens du terme. Réclamer la démission de René Lévesque aux lendemains du premier référendum, pour citer un exemple, il n'y avait qu'un seul tribun qui pouvait se permettre la liberté d'une telle assurance de vues : Pierre Bourgault.
    La realpolitik, ce n'est non seulement l'acte qui, à court terme, portera ses coups. C'est également la capacité de s'imposer face au jugement de l'Histoire. Ce n'est pas tant la finalité, d'une parole, de gestes et d'actions combinés qui permettent à la realpolitik d'agir sur le cours des événements. C'est également le pouvoir de persuader, d'insuffler le rêve. Ceci, plus qu'autre considération, prime sur la realpolitik.

  • Marcel Haché Répondre

    5 février 2010

    @ M. Bousquet.
    Merci de signifier votre désaccord d’une façon si polie.
    Mais la dynamique politique résultant de l’action indépendantiste d’un gouvernement indépendantiste, du P.Q. ou du P.I., rendu à une déclaration d’indépendance, serait d’une telle nature et d’une telle ampleur dans l’opinion publique, que personne ne se casserait les méninges avec le droit canadien (loi Dion) et autre théorie du 50%, non plus que de la souveraineté « canadienne », toutes choses faites à l’encontre de Nous.
    Nous n’aurions plus peur.
    En France, en Mai et Juin 40, ce n’était pas le « droit » qui était en cause, c’était l’Honneur.
    Au Québec, l’Honneur, ça ne passe pas par les avocats-fonctionnaires de l’indépendance. Ça passe par un gouvernement debout, déjà dans l’Honneur, capable d’assumer DÉJÀ TOUTE la légitimité, et capable ensuite de revendiquer pour Nous la légalité.
    Les français et la France comprendraient où est l’Honneur. Le nôtre et le leur tout autant. Ma conviction.

  • Gilles Bousquet Répondre

    4 février 2010

    Quel bon raisonnement et quelle belle conclusion M. Haché !
    Il reste que la France pèserait une déclaration de souveraineté du Québec à son mérite. Si c’était fait, suite à un référendum avec un OUI à 51 %, référendum dont le résultat trop serré serait probablement, comme l’a déclaré M. Chrétien refusé ou ignoré par le fédéral, la France attendrait d’autres développements.