La laïcité, le nouvel ennemi

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La décomposition politique et intellectuelle

L'universitaire Alban Ketelbuters le regrette : "Alors que la religion ne peut plus faire l’objet de la moindre critique, la laïcité est aujourd’hui continuellement présentée comme une idée poussiéreuse, un instrument de domination ou un dogme liberticide." Et il s'interroge : "Depuis quand la République est-elle à ce point haïe ?"

La laïcité est l’un des principes républicains les plus détestés et rejetés, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières. Il n’est pas une journée sans que la montée en puissance du sentiment religieux en France, en Europe et dans le monde ne conduise une partie du personnel politique, médiatique et universitaire à remettre en cause ce que nous considérions jadis comme un idéal universaliste et progressiste. Alors que la religion ne peut plus faire l’objet de la moindre critique, la laïcité – qui nous a été léguée par les Lumières – est aujourd’hui continuellement présentée comme une idée poussiéreuse, un instrument de domination ou un dogme liberticide. En somme, la singularité française de trop.


En dépit du moment de fraternité du 11 janvier, les récents attentats commis contre l’esprit voltairien, contre le libre examen, contre une certaine idée du pluralisme, contre le blasphème et contre la laïcité, c’est-à-dire contre l’identité française, n’ont entrainé aucun sursaut significatif. Au contraire, au lieu de clamer que la France n’est pas négociable, celle-ci se voit quotidiennement remise en cause, accusée de tous les maux. Les programmes d’histoire prévus pour la rentrée 2016 sont symptomatiques de cet état d’esprit. Comme l’a souligné Pierre Nora, ils « portent à l’évidence la marque de l’époque : une forme de culpabilité nationale qui fait la part belle à l’Islam, aux traites négrières, à l’esclavage et qui tend à réinterpréter l’ensemble du développement de l’Occident et de la France à travers le prisme du colonialisme et de ses crimes. Faire de l’humanisme et des Lumières un thème facultatif, alors qu’il est central, est à cet égard très significatif ». Dans son dernier essai, Emmanuel Todd défend quant à lui l’idée selon laquelle « blasphémer de manière répétitive et systématique sur Mahomet, personnage central de la religion d’un groupe faible et dominé, devrait être qualifié d’incitation à la haine. »


C’est dans ce contexte de décomposition politique et intellectuelle que la laïcité s’est vue, une fois de plus, ridiculisée. Celle-ci s’en prendrait désormais aux jupes des musulmanes, les malheureuses étant déjà sommées de retirer leur voile avant de pénétrer dans leur collège. Indépendamment du fait que des adolescentes de quinze ans portent – déjà ! – le voile dans ce pays, ce qui devrait provoquer une indignation générale, le traitement de ce fait divers illustre à quel point les médias peuvent être réceptifs à la rhétorique communautariste. Quel que soit le degré de mépris affiché, les institutions sont toujours coupables, et les coupables toujours innocents. À défaut d’avoir pu le démontrer, nombre de sociologues ont affirmé ces derniers mois que les frères Kouachi n’étaient pas ces racailles décérébrées et fanatiques mais les victimes d’un apartheid social. Quant au 11 janvier, ce n’était que le rassemblement xénophobe de quatre millions de pétainistes…


De manière moins tragique et plus anecdotique, nous assistons au même travestissement du réel avec cette misérable affaire de jupe. L’inspection et le rectorat ne manqueront pas d’être traités d’islamophobes. Quant à la jeune fille qui remet en cause les lois de la République, en l’occurrence celle de 2004, et mène des actions en groupe pour installer un rapport de forces au sein de son établissement, elle sera naturellement présentée comme une victime. « Laissons les filles tranquilles » écrivaient d’ailleurs récemment, dans les colonnes du Monde, une poignée de féministes en faveur d’une abrogation de la loi 2004.


Depuis quand la République est-elle à ce point haïe ?



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