La participation du recteur de l'UQTR à une messe dérange

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Le Québec demeure profondément catholique

Alors que le débat sur la laïcité revient dans l'espace public, le recteur de l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) participera la semaine prochaine à une messe aux côtés de l'évêque de Trois-Rivières, une cérémonie qui sera tenue entre les murs de l'université. La présence du recteur à cet événement religieux dérange des professeurs.



« Pourquoi croire en Jésus ? » C'est la question qui orne une affiche invitant les membres de la communauté universitaire à participer à une messe de Pâques. Les photos de l'évêque de Trois-Rivières, monseigneur Luc Bouchard, ainsi que du recteur de l'UQTR, Daniel McMahon, indiquent clairement qu'ils y seront.


La présence du recteur à cette messe gospel fait tiquer plusieurs professeurs. « Si ç'avait été une conférence sur le catholicisme aujourd'hui, sur l'histoire du catholicisme, sur la société ou la religion, ça aurait eu sa place dans une université. Mais c'est autre chose ; au lieu de parler de science, on parle de foi. C'est un peu gênant », dit Gilles Bronchti, directeur du département d'anatomie de l'UQTR.




Une messe n'est pas un débat, argue pour sa part la présidente du Mouvement laïque québécois. « C'est une pratique religieuse. Le recteur peut bien aller à la messe quand il veut, mais publiciser une messe à l'université, c'est dépasser les bornes », dit Lucie Jobin.


Que le recteur assiste à cette cérémonie dans le cadre de ses fonctions est dérangeant, ont soutenu d'autres professeurs à La Presse.


« Le recteur, comme humain, peut bien vivre sa foi dans le cadre de sa vie privée, c'est libre à lui, indique un professeur qui a refusé d'être identifié par crainte de représailles. Mais il va témoigner de sa foi comme recteur d'université avec un évêque : il n'est pas censé faire la promotion de ses croyances, mais des sciences. C'est antagoniste et ça pose un malaise très grand, d'autant plus que le gouvernement vient de déposer un projet de loi sur la laïcité », a-t-il ajouté.



Le projet de loi 21 sur la laïcité de l'État prévoit l'interdiction du port de signes religieux chez les enseignants et les directeurs des écoles primaires et secondaires du réseau public.



« C'est uniquement une messe »



Le recteur de l'UQTR reconnaît que l'affiche et son titre « dommageable » donnent à penser qu'il y prononcera une conférence sur la foi, ce qui n'est pas le cas, dit-il. Daniel McMahon avait vu l'affiche avant qu'elle soit apposée sur les murs de l'université, mais dit ne pas avoir songé qu'elle pourrait poser problème.




« Pour les étudiants internationaux, le poste de recteur est un poste prestigieux. Ils m'ont demandé [de participer à la messe], et j'ai dit que ça me ferait plaisir. Je comprends qu'ils ont fait la même invitation à monseigneur Bouchard. C'est uniquement une messe et, après la cérémonie, il y aura une mini cabane à sucre », dit Daniel McMahon, qui affirme que sa présence ne remet pas en question le caractère laïque de l'université.



Professeur au département d'éducation et se décrivant comme un « tenant de la liberté d'expression », Ghyslain Parent estime que le recteur a le droit d'afficher sa foi intra-muros. « Je défends un peu mon recteur, mais j'aurais eu une petite gêne compte tenu du débat actuel, dit-il. Si un jour j'ai à donner des conférences sur l'athéisme, j'espère que mon université saura m'accueillir de la même sorte. »



« Pas besoin d'être croyant »



Le département d'anatomie de l'UQTR organise chaque année une messe à la mémoire des gens qui ont donné leur corps à des fins d'enseignement et de recherche, messe à laquelle participe également le recteur. C'est une pratique courante dans plusieurs universités, dit Gilles Bronchti. Ce dernier croit qu'il faut la distinguer de la messe à laquelle compte participer le recteur la semaine prochaine.



« La messe qui est donnée [au département d'anatomie], c'est un remerciement pour des gens âgés en majorité catholique. Les familles viennent pour ça, ils veulent ça en mémoire de leurs proches », explique-t-il.



Depuis un an, à la demande de certaines personnes, une cérémonie laïque s'y est greffée. « Ce n'est pas là comme un service religieux, et surtout pas avec une thématique qui pose une question prosélyte », dit Gilles Bronchti.



C'est jouer sur les mots, réplique le recteur. 



« Une messe, c'est une messe. La seule différence, c'est qu'il va y avoir du chant gospel. Pas besoin d'être croyant pour apprécier un style musical. Je ne vois pas [comment] l'université se met en péril en ayant quelqu'un qui participe à cette activité. »



L'Association générale des étudiant(e)s de l'UQTR, qui représente plus de 10 000 étudiants, ne voit pas de problème à ce que le recteur participe à cette cérémonie religieuse.



« Dans une université, tout peut être matière à débat. L'objectif, c'est de confronter les idées, que chacun puisse présenter son point et débattre de manière civilisée », dit Frédérik F. Borel, responsable des relations avec les médias.




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