La Russie est-elle l’ennemi idéal ?

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Évaluation nuancée de la puissance russe


On peut le croire car de nombreux faits concourent à ce jugement émis par certains experts. Les relations occidentales avec la Russie sont aujourd’hui sous tension et Vladimir Poutine a même été décrit comme un « killer » (« tueur ») par le président Joe Biden à la suite de la tentative d’assassinat d’Alexeï Navalny, opposant russe. Citons également la tentative d’assassinat de l’ex-membre des services secrets russes, Sergueï Skripal, perpétré à Londres par des agents du GRU (les services de renseignement militaire russes) et l’assassinat d’opposants tchétchènes à Berlin.


Ces tristes affaires surviennent après l’annexion de la Crimée en 2014, et surtout le conflit du Donbass dans l’est de l’Ukraine, qui créent des tensions très fortes avec les États-Unis et les États européens ; la Russie est accusée de masser des troupes à la frontière pour envahir le Donbass et l’annexer. Parallèlement à ces conflits territoriaux, les Occidentaux estiment que la Russie réarme et développe des capacités militaires susceptibles de lui donner une réelle supériorité sur mer et dans l’espace avec des missiles hypersoniques : le Zircon.


La Russie prépare-t-elle une agression de l’Ukraine ? Ce n’est pas certain. En Afrique, la milice russe Wagner s’active et inquiète à juste titre le gouvernement français qui met en garde les gouvernements africains comme celui du Mali qui jouent un double jeu. Ne nous trompons pas, la Russie a une volonté de monter en puissance bien réelle : Poutine est un nouveau tsar et exprime ce que ressentent de nombreux Russes : la nostalgie de la grandeur de l’empire disparu de l’Union soviétique.


Il ne s’agit pas d’embrasser Poutine et d’être naïfs en prenant pour argent comptant toutes ses actions politiques ou diplomatiques, mais les tensions avec Moscou ne peuvent être considérées comme une fatalité inéluctable, la redite des affrontements du temps de la guerre froide qui mit le monde au bord d’une guerre nucléaire, notamment lors de la crise des missiles de Cuba, en octobre 1962. La Russie fait partie de l’équilibre européen, c’est une constante de l’Europe. Vladimir Poutine n’a pas le monopole de la vérité ; pour autant, il n’est pas sans arguments contre la politique occidentale, et en particulier celle des États-Unis.


Lors de la réunification de l’Allemagne en 1990, la question de l’OTAN a été au cœur des négociations avec les Soviétiques. Les Occidentaux donnèrent à Gorbatchev l’assurance que si l’Allemagne réunifiée était dans l’OTAN, elle ne s’élargirait pas à l’Est. En 1997, après de longues négociations avec la Russie, le conseil de l’Alliance atlantique accepte les adhésions de la Pologne, de la Hongrie et de la République tchèque, qui deviennent effectives en 1999.


Le 27 mai 1997 est signé, à Paris, « l’Acte Fondateur sur les Relations, la Coopération et la Sécurité Mutuelles entre l’OTAN et la Fédération de Russie ». La Russie réaffirme avec force, en juillet 1997, que l’élargissement de l’OTAN est une « faute majeure » tout en appelant à l’application de l’Acte Fondateur. Le 29 mars 2009, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie , la Bulgarie, la Slovaquie et la Slovénie adhèrent à l’OTAN. C’est dans cette période que la Géorgie et l’Ukraine manifestent leur souhait d’adhérer à l’OTAN, un casus belli pour Moscou, tandis que la France et l’Allemagne s’opposent à leur adhésion au sommet de Strasbourg en avril 2009. Il est évident que l’extension permanente de l’OTAN à l’Est, sa volonté de devenir le gendarme du monde donnent à la Russie le sentiment d’être encerclée.


Quant à l’annexion de la Crimée, qui peut croire que la Russie y renoncera ? Elle est effectivement russe depuis des siècles et appartient à la mythologie du patrimoine russe depuis Catherine II, ce qui n’a été remis en cause ni par le traité de Paris de 1856 qui mit fin à la guerre de Crimée, ni par le rattachement administratif à l’Ukraine en 1954 au sein de l’URSS.


Les sanctions multilatérales, qui furent prises après l’annexion de la Crimée, pénalisent davantage nos entreprises que l’économie russe, il est urgent d’y mettre un terme. Au moment où l’Allemagne poursuit sans relâche la construction avec la Russie du gazoduc Nord Stream 2, la France doit reprendre l’initiative d’un dialogue de coopération politique, économique et culturelle avec la Russie, elle ne doit pas laisser ce dialogue à d’autres puissances qui ne défendent pas nos intérêts. « Oui, c’est l’Europe depuis l’Atlantique jusqu’à l’Oural, c’est l’Europe, toutes ces vielles terres où naquit, où fleurit la civilisation moderne, c’est toute l’Europe qui décidera du destin du monde » (Charles de Gaulle, discours de Strasbourg, 23 novembre 1958).