La violence éclate au Caire: un militaire est tué

Géopolitique — Proche-Orient

Agence France-Presse - Le Caire - Un militaire a été tué dans les affrontements violents qui ont opposé mercredi partisans du président égyptien Hosni Moubarak aux manifestants qui réclament son départ dans le centre du Caire, a indiqué la télévision d'État. Les heurts ont aussi fait au moins 500 blessés, alors que l'opposition a maintenu un appel à une mobilisation massive vendredi pour exiger le départ immédiat du président.

«Rien qu'ici, il y a eu au moins 500 blessés», a affirmé à l'AFP un médecin dans une mosquée transformée en hôpital de campagne tout près de la place Tahrir, en estimant que le bilan total des blessés pourrait être plus lourd car «d'autres blessés ont été transférés vers des hôpitaux ailleurs».Ce chiffre a été confirmé à l'AFP par deux autres médecins sur place.Des blessés, dont beaucoup étaient atteints à la tête, faisaient leur entrée à tout instant dans la mosquée, où régnait un grand désordre.

Place Tahrir, épicentre de la contestation depuis neuf jours, l'armée est intervenue en milieu d'après-midi avec des tirs de semonce pour tenter de mettre fin aux accrochages entre manifestants.

Plus tôt, des pro-Moubarak ont chargé les manifestants à dos de cheval et de chameau, avant d'être encerclés. Au moins six personnes ont été jetées à bas de leur monture, frappées à coups de bâtons et traînées au sol, le visage en sang.

Dans la matinée, plusieurs centaines de manifestants pro-Moubarak avaient marché sur la place Tahrir, dont les accès sont gardés par des chars de l'armée. Après un face à face tendu, les manifestants se sont jeté des pierres et battus à coups de poings et de bâtons autour des chars.

Selon l'opposition, des policiers en civil se trouvaient parmi les pro-Moubarak.

Les militaires ne se sont pas interposés. Certains, debout sur leur char, ont appelé au calme, tandis que d'autres ont surtout cherché à s'abriter. Mais quand la bataille s'est déplacée près du Musée égyptien tout proche, des soldats ont formé une chaîne pour protéger l'établissement.

Les journalistes de l'AFP sur place ont vu des dizaines de blessés.

Selon Aïcha Hussein, une infirmière, des dizaines de personnes, souffrant de contusions, de fractures ou de plaies, étaient soignées dans la mosquée Ibad al-Rahmane, près de la place Tahrir, où un hôpital de campagne a été installé.

«Ce qu'on voit devant nous n'est jamais arrivé auparavant. Des accrochages entre Egyptiens, c'est la guerre civile», a déploré Mohamed Sayed Mostafa, 26 ans, sur la place Tahrir.

Peu auparavant, l'armée égyptienne avait appelé les manifestants à rentrer chez eux, dans un communiqué lu à la télévision d'État, au lendemain d'un discours solennel du président annonçant qu'il ne se représenterait pas à la présidentielle, prévue en septembre.

«Votre message est arrivé, vos revendications ont été entendues», a déclaré un porte-parole de l'armée à la télévision publique. L'armée a appelé les manifestants à rentrer chez eux pour que «la sécurité et la stabilité» soient rétablies.

M. Moubarak, au pouvoir depuis près de 30 ans, a annoncé mardi soir qu'il ne briguerait pas de nouveau mandat en septembre et s'est engagé à préparer une transition pacifique. Mais cette annonce n'a pas apaisé ses opposants.

Les Frères musulmans, principale force d'opposition dans le pays, ont rejeté «toutes les mesures partielles proposées» par le président et refusé qu'il reste en poste jusqu'à la fin de son mandat.

Des milliers de manifestants anti-gouvernementaux ont à nouveau passé la nuit sur la place et repris dès leur réveil les slogans anti-Moubarak: «Allez, Hosni dehors». Et deux grandes banderoles étaient toujours déployées sur la place, l'une en anglais disant «le peuple veut la chute du régime» et l'autre en arabe, adressée à Hosni Moubarak: «dégage!».

Le mouvement de contestation a appelé à une nouvelle manifestation massive vendredi, baptisée «vendredi du départ», dans laquelle elle entend réunir plus d'un million de personnes, comme pour les «marches du million» de mardi. Le mot d'ordre a été maintenu malgré l'appel au calme de l'armée.

«Nous descendons dans les rues aujourd'hui, nous descendrons demain, mais vendredi sera la journée de la mobilisation la plus massive», a affirmé une militante du mouvement du 6 avril, Racha Badaoui.

Le régime a continué à lâcher du lest mercredi. Le Parlement a suspendu ses séances jusqu'à la révision des résultats des dernières législatives, marquées par des accusations de fraude et de violences.

L'accès à internet a été partiellement rétabli en milieu de journée, après plus de cinq jours de coupure. Et le couvre-feu en vigueur depuis vendredi dans la capitale égyptienne ainsi qu'à Alexandrie (nord) et à Suez (est) a été allégé. Jusqu'à présent établi de 15H00 à 8H00, il sera désormais en vigueur de 17H00 à 7H00.

Comme de nombreux responsables à Paris, Berlin, Londres, Stockholm ou encore Madrid, la plupart des capitales européennes, la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a appelé le président égyptien à agir «le plus vite possible» pour réaliser la «transition» politique réclamée par les manifestants.

Le président américain Barack Obama a affirmé avoir dit à M. Moubarak qu'une transition politique pacifique devait débuter «maintenant».

L'Égypte a cependant rejeté ces appels, selon un communiqué du porte-parole du ministère égyptien des Affaires étrangères, Hossam Zaki, estimant qu'ils visaient «à enflammer la situation intérieure en Égypte».Selon un bilan non confirmé de l'ONU, les heurts de la première semaine de contestation ont fait au moins 300 morts, et des milliers de blessés.


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