Les élections partielles dans les comtés de Lafontaine et d’Argenteuil n’ont pas soulevé de grandes passions. Un gain et une perte, tant du côté des Libéraux que des Péquistes. Mais gagner Argenteuil fut une victoire très grande pour les Péquistes et une défaite dès plus amères pour les Libéraux. Malheureusement les autres forces politiques n’ont pas fait de grandes percées. Pourquoi ces populations d’électeurs n’ont pas démontré leur exécration envers les vieux partis politiques? La majorité des gens chialent, mais peu nombreux sont ceux qui s’engagent autrement, socialement et politiquement.
La population québécoise en générale, sauf les groupes de pression, vit-elle en marge des enjeux de la société, indifférente à la corruption et à la désinformation des grands médias de communication? Je suis porté à croire que la population québécoise regarde le mouvement étudiant comme un fait divers, un show de boucane. Elle souhaite que le gouvernement règle le conflit une fois pour toutes. Que le gouvernement mette fin aux manifestations de trois ou quatre mille mécontents anarchiques qui prennent d’assaut les rues de Montréal, de Québec et de quelques autres villes, qui dansent, crient, invectivent, frappent sur des casseroles, cassent quelques vitrines, arrachent des haies et des arbres, ne respectent plus les injonctions des tribunaux, défient la loi 78 appelant à la désobéissance civile, qui affrontent et se mesurent aux les forces de l’ordre, etc.
Heureusement que les forces policières ont usé de discernement et n’ont pas appliqué aveuglément la loi 78, même si elles n’ont pu éviter certaines bévues ou dérives. La question que je me pose est celle-ci. Au nom de la loi et de l’ordre, glissons-nous vers un État de plus en plus policier au service des intérêts privés des élites politiques et financières? Sommes-nous fiers que le Grand Prix de Montréal ait eu lieu et qu’il fût somme toute un succès? Bravo diront certains, les forces policières ont contenu les foules. Pour d’autres, non. Sommes-nous en train d’étouffer toute agitation et désir de changement au Québec? Par exemple, pouvions-nous questionner la pertinence du Forum économique de Montréal, où Power Corporation a su démontré une fois de plus aux investisseurs son pouvoir économique (sur l’eau, le pétrole et les communications), alors que cet empire financier n’investit plus au Québec?
Des artistes sont en colère, des juristes sont frustrés et des manifestants écœurés descendent tous les soirs dans les rues. Le carré rouge est devenu un signe de protestation et de revendication. Il est loin d’être un signe de violence, car beaucoup de personnes de tous âges le portent fièrement lors des manifestations publiques. Le conflit est devenu social. Toute contestation est ambiguë en ses débuts. Les gens colonisés ont peur, car ils ne savent plus marcher par eux-mêmes, encore moins réfléchir par eux-mêmes. En effet, les parcours d’un peuple ne sont pas linéaires et définis à l’avance. Tout peuple ouvre sa voie au fur et à mesure qu’il avance et se fait confiance. Les Libéraux de Jean Charest ont démontré, jusqu’à aujourd’hui, leur incapacité à régler le conflit, même s’ils ont prétendu avoir les deux mains sur le volant aux dernières élections. Encore faut-il qu’ils sachent conduire, faisait remarquer Richard Le Hir dans un récent article. Plus d’un anticipe la Fête nationale qui approche. Le carré rouge sera-t-il de la fête?