DANIEL BRETON

Le «choc électrique» de l’environnementaliste

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Bilan d'une expérience difficile

On l’imaginait meurtri. Blessé, même. Que son passage en politique, fort mouvementé, et sa défaite dans son comté, l’avait anéanti. Mais deux mois après la débâcle du Parti québécois, l’environnementaliste et fondateur du mouvement Maîtres chez nous au 21e siècle Daniel Breton a passé au travers, même si ça a été difficile.
On le retrouve donc, teint hâlé et serein. «Je reviens de faire du surf», nous dit-il en arrivant avec sa Chevrolet Volt à l’entrevue.
L’ancien ministre du Développement durable a voulu aller à la Biosphère pour sa première entrevue depuis le 7 avril. Un symbole montréalais, vestige de l’Expo 67, mais qui incarne encore aujourd’hui le futur, croit-il. Car c’est de ça qu’il veut parler, de l’avenir. Et surtout, celui des véhicules électriques, un domaine qu’il connaît sur le bout des doigts.
«C’est vraiment une passion chez moi. J’ai eu la chance de travailler à l’électrification des transports dans le gouvernement de Mme Marois et je veux continuer», dit-il. D’ailleurs, l’ex-député de Sainte-Marie-Saint-Jacques a actuellement des discussions avec des joueurs dans ce domaine.
«Vous savez, les transports électriques, ça a été initié depuis plus de 100 ans. Henry Ford avait déjà développé un modèle électrique. Sa femme se promenait d’ailleurs avec une telle voiture», dit celui qui a été le premier élu à brancher sa voiture électrique à l’Assemblée nationale.
En entrevue, Breton ne tarit pas d’éloge envers notre «nation de patenteux» qui va pouvoir tirer profit des transports électriques, le prochain grand projet du Québec qui verra naître une grappe d’entreprises dans ce secteur.
«Je vous dirais que nous sommes dans le top 3 mondial derrière le Japon et les Américains. On a un bassin d’ingénieurs, de penseurs, de patenteux. Il y a des Joseph Armand Bombardier du 21e siècle ici. Je pense notamment à un gars comme Jean-Pierre Legris de Lito Green motion. Il a développé sa moto dans un garage à Longueuil!», lance-t-il, enthousiaste.
Un nouvel épisode comme à Lac-Mégantic?
Le député revient aussi sur le dossier du pétrole. Il a notamment été critiqué pour sa position sur l’exploration du pétrole sur l’île d’Anticosti. Certains y ont vu un changement d’opinion. En entrevue, il persiste et il signe: il faut aller voir le potentiel.
«Il y a des gens qui disent que ce sera la manne, on va avoir notre indépendance énergétique, on va pouvoir se payer nos services publiques, etc. C’est possible, mais ce n’est pas sûr. Il faut donc le savoir. Et si on le fait, il faut que ça soit viable économiquement et que ce soit fait de manière environnementale», dit-il.
Chaque année, le Québec importe plus de 12 milliards $ en pétrole étranger, rappelle-t-il. «D’ici 30 ans, il n’y aura plus de pétrole. En attendant, il faut s’approvisionner quelque part. Il faut être réaliste. (…) Mais idéalement, le Québec doit avoir un plan de sortie du pétrole», croit-il.
L’ex-député est toutefois assez pessimiste sur le transport du pétrole, que ce soit par train, par pipeline ou par bateau. Un épisode tragique comme celui à Lac-Mégantic est à craindre, selon lui.
«Dans la prochaine année en Amérique du Nord, on sera confronté à cela. Il va y avoir des déversements, des déraillements, des explosions. C’est pour cela que je crois tant à l’électrification des transports», dit-il.
C’est notamment pour cette raison qu’il n’a jamais appuyé le projet d’inversement du pipeline d’Enbridge. «J’avais des questions en ce qui a trait au plan de contingence. Et je n’ai toujours pas eu de réponses. (…) Il ne faut pas oublier que le fédéral a baissé ses normes pour le transport par train, mais aussi par pipeline», dit-il.
Un fonds en cas de déversement
L’accident de Lac-Mégantic devrait donner l’impulsion au gouvernement du Québec de mettre en place un fonds qui serait utilisé en cas de déversement de pétrole, croit Daniel Breton.
«On le voit très bien avec la MMA. L’entreprise ne va pas payer, car elle n’a pas les moyens. Mais il y a des compagnies qui les ont et qui ne veulent toujours pas payer. Prenez le déversement de l’Exxon Valdez en 1989. L’entreprise avait eu une importante amende à ce moment-là, mais c’est allé en appel et ça a duré 20 ans», affirme M. Breton.
Selon lui, le Québec devrait copier le modèle américain. L’Environmental Protection Agency (EPA, équivalent du ministère de l’Environnement) a mis en place un «superfund» qui est utilisé en cas de déversement majeur.
«Donc les entreprises gazières, pétrolières, celles qui évoluent dans le secteur minier ou chimique mettent de l’argent dans un pot, comme on dit en bon québécois. Donc, on a l’assurance d’avoir des fonds en cas de problèmes», assure-t-il.
«Je suis très favorable à cela et j’espère qu’un jour qu’on le mettra en place», conclut-il.
Questions et réponses
Question: On sent un retour du gaz de schiste avec la levée du moratoire… Qu’en pensez-vous ?
J’ai de très gros doutes face à une exploitation. Car je regarde le marché mondial, le prix du gaz est tellement bas que les entreprises se retirent du marché. C’est la première fois que le prix du gaz et du pétrole ont décroché. Donc, je n’y crois pas. Je serais étonné que l’on continue à investir dans ce secteur.
Lors de votre arrivée comme ministre de l’Environnement, vous avez dit que les verts étaient au pouvoir. Avec du recul, est-ce bien vrai?
On a eu plus de pouvoir qu’on n’a jamais eu dans l’histoire du Québec. On a quand même fait énormément de choses. On a mis fin à Gentilly-2, l’exploitation de l’amiante, on a fait un moratoire et un BAPE générique sur l’uranium, etc.
Que pensez-vous des projets de minicentrales et du développement de l’éolien? Sur ce dernier secteur, vous êtes en faveur d’une filière davantage québécoise?
Oui. D’ailleurs, Martine Ouellet (ex-ministre des Ressources naturelles) et moi, on a poussé pour qu’il y ait une nouvelle stratégie énergétique. Donc il faut repenser tout le portefeuille énergétique. C’est une discussion qui a été amorcée. Cela dit, il est faux de dire que l’éolienne augmente la facture d’électricité des Québécois. Quand tu as une capacité électrique au-dessus de 40 000 MWh et que tu installes des éoliennes qui produisent à peu près 2000 MWh à 10 cents le kWh, ça n’a pas beaucoup d’impact sur le prix moyen. Pour ce qui est des minicentrales, je crois que le gouvernement libéral fait une erreur.


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