Le commerce des petites âmes

Laïcité — débat québécois


Imaginez, on vient à peine de sortir la religion des écoles publiques et voilà qu’elle réapparaît dans les Centres de la petite enfance (CPE) et les garderies subventionnées. Elle nous revient sans surprise comme les vivaces mais en plus coriace. Pas moyen de s’en débarrasser. Opiniâtre, elle repousse tout le temps, cherchant la moindre ouverture tels les brins d’herbe dans le ciment. On appelle cela du prosélytisme.
Certaines garderies appartiennent ou sont dirigées par des leaders ou des organismes religieux ultra-orthodoxes, juifs, islamiques, les catholiques venant en queue de peloton. Il y a tout un marché à conquérir avec une clientèle en sucre d’orge. Le recrutement sacré bat son plein. Qui de Yahvé, de Dieu ou d’Allah lave plus blanc? Oubliez le père Noël et la fée des Étoiles, les religieux brassent des affaires et blanchissent leur propagande dans les garderies publiques. Aux frais des contribuables. On appelle cela de la fraude.
En 2005, le gouvernement du Québec adoptait la loi 95 qui abolissait la dérogation qui accordait aux catholiques et aux protestants des privilèges eu égard aux autres confessions et mettait fin à l’enseignement religieux dans les programmes primaires et secondaires en plus de modifier l’article 41 de la Charte québécoise des droits de la personne qui ne reconnaît dorénavant aux parents le droit d’assurer l’éducation religieuse ou morale de leurs enfants qu’EN DEHORS DE L’ÉCOLE PUBLIQUE.
Un État totalitaire, vraiment?
Cette loi est restée dans la gorge de bien des parents catholiques qui auraient souhaité et souhaitent toujours que l’école publique continue d’offrir à leurs enfants un enseignement religieux confessionnel financé par l’État. C’est là que le bât blesse et pas ailleurs. Mais pour mieux camoufler cette vérité un peu gênante, ils accusent haut et fort l’État de totalitarisme quasi stalinien.
Écoutons, dans une déclaration récente à propos des garderies, Jean Morse-Chevrier, présidente de l’Association des parents catholiques du Québec : «On se croirait dans un état totalitaire puisque nos représentants élus s’arrogent le droit de décider à la place des parents du mode d’éducation des enfants. Le Québec vire de plus en plus vers la répression religieuse et la discrimination contre les croyants de toutes religions.» Comme hypocrisie, on peut difficilement faire mieux.
L’État n’interdit pas les garderies confessionnelles qui sont d’ailleurs protégées par l’article 41 de la Charte. Il dit simplement qu’il ne paiera pas pour cela. Le principe est fort simple : l’argent public est pour le bien public. Collecté chez tous les citoyens, il doit être destiné à tous les citoyens. C’est du totalitarisme cela? Allons donc!
Les croyants ont cette prétention de considérer comme légitime d’utiliser l’argent public pour financer leurs croyances particulières. Libres à vous chers parents d’organiser vos propres garderies et d’inviter vos curés, rabbins et imams mais ne demandez pas à l’État totalitaire de payer pour cela!
C’est indécent de votre part et irrespectueux vis-à-vis le bien public. Que dirions-nous si des parents souhaitaient avoir une garderie humaniste athée qui soit financée par l’État? Non! Et pourquoi faudrait-il qu’il en soit autrement avec les religions?
Le totalitarisme des religions
Les croyants sont exemplaires lorsqu’il s’agit de liberté religieuse, mais ils font semblant d’oublier qu’il est une liberté encore plus fondamentale que la liberté religieuse et c’est la liberté de conscience.
Une liberté qui est celle d’avoir ou non une religion, d’en changer ou d’y renoncer. C’est la liberté préalable, celle qui rend possible toutes les autres, car avant de réclamer la liberté religieuse, il faut pouvoir choisir si on veut ou non une religion et si oui laquelle?
C’est simple, sans liberté de conscience, pas de liberté religieuse. Alors, dites-moi ce que font les religions dans les garderies avec des enfants encore trop jeunes pour la maternelle? Même dans le Faust de Goethe, le diable a la décence de demander la permission à Faust avant de lui acheter son âme!
Bien sûr, certains anthropologues maquillent cela en transmission de la culture par la religion au même titre que les arts, les sports ou l’économie. Mais la politique fait aussi partie de la culture et pourtant nous n’avons pas d’enfant de trois ans qui soit péquiste ou libéral! Mais des petits catholiques, juifs et musulmans qui portent encore la couche, cela existe dans nos garderies. Baptisez-les tous! Circoncisez-les tous! Pour que Dieu les reconnaisse. On appelle cela du viol.
Les religions sauf quelques exceptions chez certaines dénominations protestantes ont toujours bafoué la liberté de conscience, une stratégie trop risquée pour le marketing des âmes.
Pie IX avait compris cela lorsqu’il promulgua en 1864 par un Syllabus des erreurs modernes l’anathème contre la liberté de conscience en ces termes :
« ANATHÈME À QUI DIRA : Il est libre à chaque homme d’embrasser et de professer la religion qu’il aura réputée vraie d’après les lumières de sa raison.» Il faudra attendre 1962 pour que Vatican II renonce à ce totalitarisme des consciences.
Et que dire des musulmans qui se targuent d’un verset du Coran où il est écrit : «Nulle contrainte en religion». Oui, libre à vous d’entrer dans l’islam, mais défense d’en sortir. C’est le même principe qu’un piège à collet pour le lièvre. La sainte tolérance mais à sens unique. Irréversible! On protège sa part de marché.
Pour preuve, la peine de mort pour apostasie subsiste toujours en Iran et dans les pays du Golfe. Un musulman doit mourir musulman. Avec en prime que l’islam n’accorde aucun droit ni aux athées, ni aux polythéistes et un statut de dhimmi, entendez citoyen de seconde zone, aux juifs et aux chrétiens. Nulle contrainte en religion? Parlez-en aux coptes d’Égypte et aux chrétiens soudanais.
Les religions continuent sans vergogne à bafouer la liberté de conscience et les croyants n’ont aucune leçon de tolérance à donner aux laïques. Bien au contraire, c’est l’État laïque qui, en n’imposant aucune religion ni athéisme, préserve la liberté de conscience de chacun et garantit par le fait même la liberté religieuse dans la société civile.
Qu’un État décrète une religion officielle et tout cela disparaît d’un coup pour faire place à la chasse aux hérétiques, aux mécréants et aux impies. Le djihad et la sainte Inquisition. Qui croyez-vous de l’État laïque ou religieux est totalitaire? Faut vraiment être de mauvaise foi pour accuser ainsi les laïques.
L’école : le nerf de la guerre
Contrairement à la SAAQ ou à un hôpital, l’école n’est pas une institution qui dispense des services. L’école est une institution organique, stratégique qui forme les futurs citoyens en transmettant les savoirs mais aussi des valeurs.
C’est la raison pour laquelle elle a toujours constitué un enjeu important pour tous les clergés qui rivalisent d’audace pour y collecter les petites âmes. Le marché est là, jeune et naïf. Facile et malléable comme de la pâte à modeler.
Une aubaine incroyable pour les croyants, d’autant plus qu’au Québec, les écoles privées confessionnelles sont toujours financées dans une proportion de 60% à même les fonds publics. Le Québec est même la seule province canadienne à accorder encore de tels privilèges aux croyants. Ce qu’ils taisent bien évidemment, préférant plutôt se présenter en victimes d’un État terriblement totalitaire.
Écartés de l’école en 2005 par la déconfessionnalisation des écoles publiques, les croyants ont depuis ce temps trouvé une ouverture dans les garderies publiques qui sont ni plus ni moins que l’antichambre de l’école publique. Dans un souci de cohérence, les principes qui guident actuellement le gouvernement concernant ces garderies devraient également s’appliquer aux écoles. L’argent public pour le bien public.
Il est donc à espérer que notre État québécois «totalitaire» ne se contente pas de supprimer le financement de ces garderies publiques religieuses et qu’il ait le courage de faire de même avec les écoles privées confessionnelles. Qu’on laisse enfin les croyants s’organiser librement comme bon leur semble et qu’ils cessent d’insulter effrontément la main laïque qui les nourrit.


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