Le débat des chefs, comme d'habitude, passera à côté de l'essentiel

Débat des chefs - Québec 2007

Nous connaissons maintenant les cinq thèmes retenus pour le débat des
chefs le 13 mars prochain. Il est quand même assez extraordinaire de
constater qu’encore une fois, nos leaders politiques passeront à côté de
l’essentiel : la qualité de la démocratie québécoise.
Depuis au moins vingt ans maintenant, tous les sondages, toutes les
études, toutes les analyses répètent qu’il existe une perte de foi
grandissante des électeurs face aux élus. Et cela jusqu’au cynisme. Et
spécialement chez les jeunes. Dans son rapport en tant que président du
Comité directeur des États généraux sur la réforme des institutions
démocratiques, Claude Béland disait : « Un profond sentiment de
désabusement à l’égard de la politique traverse le Québec. La frustration
du citoyen est palpable devant son impuissance à influer, comme il le
voudrait, sur les décisions qui ont un impact sur sa vie et sur celle de
ses pairs. (…) Le citoyen répète à satiété ne pas avoir le sentiment de
participer activement et réellement aux destinées politiques, économiques
et sociales du Québec. »
Nos supposés leaders vont traiter, entre eux, de grandes questions
techniques qui les intéressent eux et qui sont le choix des médias. On ne
parlera pas « des » citoyens. On va parler « aux » citoyens. Pourtant,
c’est devenu une farce, mais pas très drôle, de constater que le taux de
popularité des élus est inférieur à celui des vendeurs d’autos usagées.
Dans son rapport au Président de l’Assemblée nationale, l’Amicale des
Anciens Parlementaires exigeait que les députés cessent d’être des «
plantes vertes ». Le sondeur, Jean-Marc Léger, dans les journaux du 2 mars
2007, nous dit que les électeurs s’apprêtent à voter, le 26 mars, « par
dépit ». « Ce n’est par un choix par passion, mais par dépit. On vote par
élimination : les gens sont insatisfaits du gouvernement, ils ne veulent
pas d’André Boisclair et ils se disent pourquoi pas l’ADQ ». On aura un
gouvernement par dépit ! Belle démocratie !
En Angleterre, la loi électorale s’appelle : « the Representation of the
People’s Act ». Ici, on tient des élections comme si le but était de tenir
des élections. En démocratie, le but d’une élection est d’abord d’entendre
la volonté populaire. Or le 26 mars, comme à toutes les élections qui ont
précédé, la volonté populaire sera profondément distordue. Le gouvernement
aura sans doute la majorité des sièges à l’Assemblée nationale, mais ce
sera un gouvernement minoritaire chez les électeurs. Ça n’empêchera pas le
parti gagnant d’affirmer qu’il détient un « mandat clair » ! La majorité
des députés seront élus malgré le fait qu’un plus grand nombre de leurs
électeurs auront voté contre eux que pour eux. Les partis seront
représentés à l’Assemblée nationale dans des proportions qui n’auront que
peu de ressemblance à la proportion de votes qu’ils auront obtenus.
Mais le pire, c’est que le 27 mars, on continuera d’ignorer les attentes
démocratiques fondamentales des citoyens. Depuis des années, on attend que
les élections se tiennent à date fixe, que le mode de scrutin respecte la
volonté des électeurs, que les députés soient libérés de la discipline de
parti, qu’il y ait une claire séparation entre le pouvoir abusif de
l’exécutif et le pouvoir lilliputien du législatif, que les électeurs
aient un choix de Premier ministre plus large que le choix chétif que nous
imposent présentement les partis politiques, que les régions obtiennent enfin
le moyen de décider elles-mêmes de leur développement.
Au lieu de cela, d’ici au 26 mars, on continuera à assister, impuissants,
au festival des promesses dans lesquelles strictement personne ne croit.
On devra endurer ce duel oratoire où on se traite de « menteur » et d’ «
irresponsable ». On sera harcelés par un autre duel, celui des grandes
maisons de communications qui excellent dans le harcèlement par clips. On
restera ébahis devant la valse des milliards qui ferait rougir, pour ne pas
rugir, le Vérificateur général s’il pouvait nous donner son opinion. En
somme, une élection, appelée par un gouvernement dont 60% des électeurs
sont insatisfaits, coûtera 75 millions au Directeur des élections et au
moins un autre 10 millions par les vieux partis traditionnels.
Comme quelqu’un disait récemment, l’aspect le plus déprimant dans la
démocratie représentative au Québec est le service après vente… Le 27
mars, les vieux petits n’auront plus rien à nous dire. Pourtant ce que les
électeurs auraient à leur dire est l’essentiel : place aux citoyens !
André Larocque

Ex-sous ministre à la réforme des institutions démocratiques
Candidat du Parti vert dans Louis Hébert
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/spip/) --


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