Après le New-York Times

Le Devoir pour la légalisation et mieux, l'étatisation du cannabis et sa vente en SAQ et pharmacies

Un devoir d'urgence

Tribune libre

Dans sa série de six articles percutants (1) depuis samedi dernier, l’équipe éditoriale du New-York Times prône maintenant la légalisation de la marijuana. J’appelle l'influent journal Le Devoir à en faire autant. Cette fois en visant le premier ministre Couillard et mieux, une étatisation. L’ex-ministre de la Santé se réfugiant toujours dans l’attente de nouvelles études démontrant plutôt la méconnaissance et l’inculture de son parti sur le sujet.

Pourtant, le Québec est le mieux positionné pour revendiquer haut et fort une pleine application du Code criminel canadien, si ce n’est pour des raisons de santé publique. Le meilleur exemple étant cet autre jugement unanime (2) de la Cour suprême du Canada qui autorisait une province comme la Colombie-Britannique à continuer, sans risque de poursuites, d’opérer un site d’injection supervisé (SIS) à Vancouver. Un total rapatriement par le Québec rejoindrait à la fois une proposition passée de l’opposition péquiste. Il serait, à tout le moins, un symbole fort de fédéralisme renouvelé tant désiré par le Dr. Couillard... applicable avant même les 150 ans du Canada en 2017. Infaisable me direz-vous? Non. Chacun des 50 états des États-Unis applique différemment(3) son propre Code pénal - peine de mort, mariage de conjoints de même sexe, avortement - et ce, dans un fédéralisme typiquement US !

Il est impératif pour l'influent Devoir de se prononcer, spécialement avant la réunion annuelle du Conseil de la Fédération prévue à la fin d’août à Charlottetown. Pour éviter d’agir seul (et avant l'indépendance du Québec aussi profitable au ROC), cette tribune de premiers ministres m’apparaît actuellement la plus rassembleuse pour le Québec et sa majorité libérale pour faire alliance avec d’autres provinces, spécialement représentées des nouvelles cheffes Libérales de l’Ontario et de Colombie-Britannique aux prises également semble-t-il avec des budgets d’austérité, de rigueur et dettes publiques. Ces trois États représentent 75 % de la population du Canada. En plus et sans surprises, lors de sondages successifs (4), les plus forts taux d’acceptabilité sociale de la légalisation du cannabis se retrouvent constamment dans ces trois provinces.

Étatiser au Québec, comme en 1960 pour l'hydroélectricité, alors aux mains d'entreprises étrangères , sinon mafieuses

D’abord, par une production et une récolte de qualité contrôlée, priorisant les serriculteurs et coops agricoles certifiées des régions. Aidés, à titre expérimental, par nos surplus d’électricité, la formule serait gagnante pour toute la filière (et les Québécois), comme elle l’a été pour attirer les alumineries. Les coopératives comme AGROPUR - l’un des plus gros employeurs du Québec - sont reconnues également pour créer les emplois les plus durables. En lien, aussi, avec l’Union des producteurs agricoles (UPA) (5) et les 12 CEGEPS et universités qui offrent une formation spécialisée en gestion agricole; on a là un réseau parmi les mieux organisés pour surpasser toute crise économique potentielle, selon divers articles et un cahier spécial récent du Devoir (6).


Le Québec ne posséderait-il pas aussi une structure unique de vente du cannabis psycho récréatif avec les 403 succursales de la Société des alcools du Québec (SAQ)? L’addition de jeunes surnuméraires aux 7 500 employés et conseillers actuels pourraient plus facilement combler les revenus manquants au Fonds consolidé de la province, particulièrement ceux provenant des casinos, loteries et pokers virtuels actuels. Une légalisation qui générerait entre 220 $ à 350 $ millions récurrents par année à l’État du Québec, si l’on compare aux données de 2005 de Jeffrey Miron, Ph. D. professeur-invité à l’Université Harvard, étude (7) appuyée déjà par plus de 500 économistes américains et cinq Prix Nobel.


Pour leur part, les pharmaciens-cliniciens pourraient prendre le relais pour le cannabis médical prescrit par tout médecin, sous présentation de la carte Soleil pour ainsi désengorger, en partie, les hôpitaux. Le Collège des médecins a demandé (8) depuis plusieurs années, de statuer sur les propriétés médicales du cannabis sativa; bien que l’usage libre de ce produit autochtone millénaire n’a entraîné, à ce jour, aucun cas documenté scientifiquement de mortalité (9). Pourtant, chaque année en Amérique, plus de 7 000 personnes meurent d’une surconsommation de médicaments aussi banals que l’Advil, le Tylenol ou l’Aspirine!


Il faut agir rapidement dans l'unique but de déstabiliser les réseaux et bandes de motards comme ceux qui ont de plus en plus leurs plantations de pot en forêt et menacent, armes au poing, la sécurité des travailleurs agro-forestiers, sans compter les fusillades survenues (10) avec des policiers signalées dans plusieurs comtés, y compris dans Roberval du PM Couillard qui a aussi fait de l’emploi forestier un engagement électoral ferme.

D’ailleurs, selon le plus récent rapport d’ONU Drogues, ce sont les caïds des mafias de connivence avec les clubs de motards qui, au Canada, contrôlent tout le marché des drogues dures et douces. Parmi toutes celles-ci, 70 % est du cannabis qui transite par des portes d’entrée comme le sont le Port de Montréal et l’Aéroport de Dorval. Il est encore plus urgent de passer à l’action; le PM Harper refuse même de participer au Conseil de la Fédération: il est en perpétuel mode électoral et vise plus que jamais des victoires électorales au Québec…

L’occasion est tellement propice que Jean-Marc Fournier, le conseiller électoral no. 1 du premier ministre Couillard est un ex-ministre de la Justice, maintenant responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes. Ce dernier rappelait déjà (11) aux Conservateurs et députés du Comité permanent de la Justice et de la Sécurité de la Chambre des communes que « la Terre est ronde », réitérant ainsi au Sénateur Pierre-Hugues Boisvenu la ferme opposition du Québec à des projets de lois "omnibus" et « mammouths », incluant ce projet de loi C-10 sur les jeunes contrevenants. Cette loi revancharde et hyper coûteuse criminalise toujours plus les jeunes pour simple possession de petits joints. Elle ne fait que remplir les prisons du Québec comme celles de Saint-Jérôme dans le comté du péquiste Pierre-Karl Péladeau ou d'Orsainville dans le comté du caquiste Deltell; là et ailleurs, où motards criminels, avec ou sans cellulaire, emprisonnés ou pas, trouvent d’importants moyens pour s’évader y compris par hélicoptères et ce, au vu et au su du monde entier, de CNN à RFI (12) en France au New-York Times.


Cette guerre inutile à la drogue - avec ou sans frégates militaires qui coulent sous le prix ou ces F-35 aux coûts inégalés et inestimables - est reconnue, de surcroît, comme un véritable échec de même que le plus vaste détournement de fonds publics du dernier siècle. Une guerre qui exige plutôt une nécessaire concertation continentale dans les Amériques selon une Commission internationale (13) qui a réunit, en 2013, différents grands noms de la scène mondiale politique, juridique et économique dont Sir Richard Branson, fondateur de Virgin Mobile et Louise Arbour (14), ex Haut-commissaire aux droits de l'homme de l’ONU et ex-Juge à la Cour suprême du Canada.

Références:

(1) "The Opinion Pages: High Times An Editorial Series on Legalization of Marijuana - Repeal Prohibition again", 6 artcles, par le bureau éditorial du journal The New-York Times, New-York (U.S.A.), le samedi 28 juillet 2014:
http://www.nytimes.com/interactive/2014/07/27/opinion/sunday/high-time-marijuana-legalization.html?op-nav

(2) "La Cour suprême se range derrière les centres d'injection supervisés", par La Presse canadienne dans le journal Le Devoir, Montréal le 30 septembre 2011:
http://www.ledevoir.com/societe/justice/332615/la-cour-supreme-se-range-derriere-les-centres-d-injection-de-drogue-supervisee


(3) "Projet de loi C-10: le PQ réclame de rapatrier le Code criminel", par Antoine Robitaille, journal Le Devoir, Montréal, le 24 novembre 2011: http://www.ledevoir.com/politique/canada/336810/projet-de-loi-c-10-le-pq-reclame-de-rapatrier-le-droit-criminel

(4) "Sondage: vent de sympathie pour l'usage de cannabis", par Agence QMI et TVA Nouvelles, Montréal, le 4 août 2010:
http://tvanouvelles.ca/lcn/infos/national/archives/2010/08/20100804-063202.html

(5) "Le Québec n'est pas le Colorado, Pauline Marois", par Yvon Laprade, revue La Terre de Chez-nous, Longueuil, le 18 mars 2014:
http://www.laterre.ca/politique/le-quebec-nest-pas-le-colorado-pauline-marois/

(6) "Il est possible de remettre l'économie sur les rails: les coopératives dans le monde ont créé plus d'emplois que les multinationales" par Marie J. Bouchard, Directrice de la Chaire de recherche sur l'économie sociale, Université du Québec à Montréal (UQAM), cahier spécial "Société", Année internationale des coopératives, journal Le Devoir, Montréal, les samedi et dimanche 31 mars et 1er avril 2012:
http://www.ledevoir.com/documents/cahier_special/pdf/18f718d2a160d485837c3a988376d035bac7ff39.pdf

(7) "Budgetary Implications of Marijuana Prohibitions in the United States; Milton Friedman + 500 Économists Call for Regulation Debate", rapport complet par le Pr. Jeffrey Miron, professeur-invité en économie, Université Harvard et le Marijuana Policy Projet, Washington (D.C.), USA, juin 2005:
http://www.prohibitioncosts.org/mironreport/

(8) "Pas de barrière inutile à l'accès au cannabis, dit le Collège des médecins du Québec", par Mélanie Trudel (La Tribune), journal La Presse.ca, Montréal, le 1er avril 2014:
http://www.lapresse.ca/la-tribune/sherbrooke/201404/01/01-4753597-pas-de-barriere-inutile-a-lacces-au-cannabis-dit-le-college-des-medecins.php

(9) "Pratiquement impossible de mourir d'une surdose de marijuana selon des experts québécois", par Marie-Ève Dumont, Journal de Montréal, le jeudi 6 février 2014:
http://m.journaldemontreal.com/2014/02/06/pratiquement-impossible-de-mourir-dune-surdose-de-marijuana-selon-les-experts-quebecois?fontSize=text-small&noimage=true

(10) "Drogue, fusillade: prêt à tout pour du pot - Un gardien de plantation téméraire tire des coups de feux sur des policiers d'élite", par Simon Bousquet, Journal de Montréal, le lundi 16 septembre 2013:
http://www.journaldemontreal.com/2013/09/16/pret-a-tout-pour-du-pot

(11) "Jean-Marc Fournier croit que C-10 est un pansement sur une plaie infectée", par La Presse canadienne, dans le Journal Le Devoir, Montréal, le 1er novembre 2011, 15 h 32:
http://www.ledevoir.com/politique/canada/334980/jean-marc-fournier-croit-que-c-10-est-un-pansement-sur-une-plaie-infectee

(12) "Québec: l'évasion de trois prisonniers suscite la polémique", par Radio-France Internationale, Paris (France), 14 juin 2014:
http://www.rfi.fr/ameriques/20140614-quebec-evasion-trois-prisonniers-suscite-polemique/

(13) "La guerre aux drogues", Rapport de la Commission mondiale de la politique sur les drogues, Brésil, Juin 2011 (version traduite en français en septembre 2011):
http://www.globalcommissionondrugs.org/wp-content/themes/gcdp_v1/pdf/Global_Commission_Report_French.pdf

(14) "Un comité international sur la drogue dénonce le projet de loi C-10", par Ici-Radio-Canada, Montréal, le 29 février 2012:
http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2012/02/29/001-comite-drogue-projet-loi-c-10.shtml

Squared

Gérard Briand46 articles

  • 88 146

L’auteur habite Rosemont. Détenteur d’une MBA (spécialisée en entreprises collectives) et collecteur de dons rattaché à des organisations nationales bénévoles, il est également chargé de cours en gestion philanthropique aux niveaux collégial et universitaire.





Laissez un commentaire



2 commentaires

  • Serge Jean Répondre

    4 août 2014

    Le « cannabis sativa» fait partie des plantes indigènes du Québec, du moins à l'époque où Marie Victorin parcourait les régions du Québec méridional tout particulièrement et nous pondre ultimement l'oeuvre taxonomique magistrale, la « flore laurentienne »; notre bible sur nos plantes indigènes.
    Il est tout à fait ridicule et vicieux d'avoir interdit cette plante et on peut se demander pourquoi véritablement. L'argent et l'imbécilité ont toujours fait bon ménage; c'est payant semble-t-il; en particulier pour les paresseux de luxe.
    Ceux qui ont interdit cette plante sont semblables aux ignorants qui croyaient représenter tout le canada avec la feuille d'érable à sucre, alors que cette essence est typiquement appalachienne et ne déborde pas l'Ontario à l'ouest et la Nouvelle-Écosse à l'est dans son aire de distribution naturelle; donc l'ancien Bas-Canada
    Serge Jean

  • Pierre Cloutier Répondre

    3 août 2014

    J'ai été le premier avocat au Canada à contester la criminalisation du cannabis. Ce combat de 30 ans a été long et difficile et je me suis fait de nombreux ennemis parmi ceux et celles qui ont des intérêts sonnants et trébuchants à ce que le statu quo persiste (politiciens professionnels, juges, avocats, procureurs de la poursuite, juges, gardiens de prison, policiers, producteurs de drogues récréatives comme le tabac et l'alcool, mafias, motards criminalisés, gangs de rue etc..).
    L'argument principal que j'y plaidais est simple à comprendre : ce n'est pas la consommation de cette substance qui entraîne la criminalité, mais sa prohibition. Le meilleur exemple est celui de la prohibition de l'alcool aux USA dans les années 30 et la montée de la mafia et son lot de meurtre et de violence pour le contrôle des marchés.
    Le dossier a évolué un peu : certains états américains comme le Colorado et l'État de Washington ont adopté une politique de règlementation tandis que l'Uraguay est devenu le premier État souverain a prendre le contrôle complet de la production et de la distribution de ce produit.
    Ici au Québec, je doute fort qu'un gouvernement provincial prenne cette initiative, car de toute façon, le gouvernement fédéral a mis la patte sur cette juridiction via le droit criminel alors que normalement cela devrait relever de la santé, donc de juridiction provinciale.
    Et il ne faut pas compter sur le PQ pour cela. Même le Bloc avait une position mitoyenne sur le sujet : décriminalisation de la possession seulement.