Le fédéralisme rentable

Pour désigner ce phénomène qu’il fait remonter aux années 1840, le sociologue Stéphane Kelly a parlé de la petite loterie

Péréquation - Fédéralisme rentable au bout de ses promesses


L’article du Maclean’s à propos de la corruption au Québec fait jaser. Moins pour les faits qu’il énumère que pour l’interprétation qu’il en donne. Selon cette revue, c’est parce que les gouvernements québécois seraient hypnotisés par la question nationale qu’ils ne pourraient bien gouverner. Sans les souverainistes, le Québec rattraperait enfin les standards de la démocratie canadienne.
Cette explication n’est pas seulement déconcertante. Elle déforme la réalité. [Plusieurs l’ont noté ->30977]en rappelant que les scandales des dernières années étaient d’abord et avant tout des scandales fédéralistes. La chose n’est pas neuve. Elle trouve son explication dans l’histoire du Canada, marquée par le conflit entre les deux peuples fondateurs.
Pour des raisons évidentes, le fédéralisme a historiquement connu un déficit de légitimité chez les francophones qui reportent naturellement leur allégeance vers le Québec. Le sentiment national des francophones est québécois plutôt que canadien. Ils ont naturellement tendance à se méfier du Canada et ont plus d’une fois envisagé de s’en séparer.
Le Canada ne veut pas de ça. Et pour gagner la fidélité d’une fraction significative de l’élite francophone, il a été obligé de la monnayer. Pour désigner ce phénomène qu’il fait remonter aux années 1840, le sociologue Stéphane Kelly a parlé de la petite loterie. Le scandale des commandites a rappelé que ce système était encore d’actualité. Le fédéralisme est devenu une bonne affaire pour une partie de notre élite dont la prospérité repose partiellement sur sa capacité à nous faire accepter notre subordination. Cette élite qui a trouvé dans notre abaissement le moyen de s’élever s’est installée dans les institutions fédérales et les entreprises qui en bénéficient. Elle gravite principalement autour des deux partis libéraux. C’est peut-être cela que Robert Bourassa appelait le fédéralisme rentable.
Il ne s’agit évidemment pas de dire que les fédéralistes sont individuellement corrompus. Cela n’aurait aucun sens. On trouve au Québec des défenseurs sincères du Canada qui méritent notre respect. Mais même eux devraient reconnaître que le fédéralisme canadien n’est pas étranger à certains scandales qui ont choqué les Québécois.
Cela nous ramène au Canada anglais. Avant de nous faire la leçon en spéculant sur le sous-développement de la culture démocratique québécoise dont les souverainistes seraient coupables, une idée ridicule dans la patrie de René Lévesque, il devrait se demander si le fédéralisme qu’il s’acharne à lui imposer n’est pas à l’origine de certains des problèmes qu’il s’imagine devoir lui reprocher.


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