Le Grand Débarquement

Intégration économique continentale<br>5e Sommet des Amériques - 2009 - à Port d'Espagne à Trinité-et-Tobago

En quelques semaines de pouvoir, Barack Obama a peut-être fait davantage pour abattre le mur d'incompréhension, d'hostilité ou d'indifférence qui s'est érigé au fil des décennies entre les États-Unis et leurs voisins latinos que les cinq ou dix présidents qui l'ont précédé.
Pendant l'extraordinaire semaine qui vient de s'écouler, les digues de la guerre froide ont sérieusement commencé à craquer, 20 ans après la chute du Mur de Berlin, et 47 après l'embargo total décrété contre Cuba par John F. Kennedy.
Ipso facto, l'ensemble des rapports de Washington avec ce qu'on appelait «l'arrière-cour» s'en trouve affecté. Lors de son voyage à Mexico, puis à Port of Spain pour un «Sommet des Amériques» enfin sorti de l'insignifiance, Obama a effectué son Grand Débarquement d'Amérique latine... avec pour armes principales : le sourire et la main tendue.
Cela avait commencé, lundi, par l'annonce de l'autorisation sans restrictions des voyages à Cuba pour les Cubano-Américains. S'y ajoutait une levée -- encore que très partielle -- de l'embargo en vigueur, en ce qui concerne les investissements américains... dans les télécommunications cubaines.
Le choix par Washington de ce secteur -- comme «test» d'une libéralisation à la fois commerciale et humanitaire -- n'est pas innocent. Les Cubains souffrent cruellement d'un manque de communications libres et modernes, d'abord entre eux, mais aussi entre membres de cette familia cubana qui chevauche le détroit de Floride. Il sera intéressant d'observer si La Havane autorisera de tels investissements... que les «durs» du régime pourraient aisément voir comme un cheval de Troie impérialiste.
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Jeudi, le président s'est rendu au Mexique, où il a repris l'analyse -- pleine d'humilité et de réalisme -- esquissée en mars par la secrétaire d'État Hillary Clinton, sur le trafic de drogue et d'armes à la frontière: à savoir que NON, l'origine du problème ne se trouve pas uniquement dans les champs de coca du Pérou et de la Bolivie, ou parmi les chefs de cartels mexicains. Et que OUI, elle se trouve également parmi les consommateurs de New York et de San Francisco, et parmi les vendeurs d'armes du Texas et de l'Arizona.
Donc «oui, le problème se trouve aussi chez nous»... et ce problème appelle une solution concertée. Attitude nouvelle, voire révolutionnaire de la part d'officiels américains, qui consiste (1) à cesser de dicter aux autres ce qui est bien ou mal et ce qu'ils devraient faire, et (2) à laisser échapper, en présence d'étrangers et dans des situations diplomatiques officielles, quelques éléments d'une véritable autocritique de la politique étrangère américaine, présente ou passée.
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Le lendemain, vendredi, Barack Obama se rendait à Trinité-et-Tobago, où il a instantanément constaté l'effet de sa nouvelle approche : coqueluche du Sommet des Amériques, il sourit à Hugo Chavez, lui serre la main et se laisse photographier. Et les autres leaders d'applaudir, étranglant un sanglot devant l'Histoire en marche... Chavez qui, la veille à Caracas, avait reçu un Raul Castro jouant, lui aussi, l'ouverture : «Nous sommes prêts à discuter de tout, tout, tout, les prisonniers politiques, la liberté de presse, etc.»
La banquise tropicale craque... et on se trouve peut-être sur ce seuil à partir duquel « le style » et «l'atmosphère»... deviennent soudain «la substance». Mais de la parole aux actes, il y a encore une distance.
Hier à Port of Spain, on n'a pas obtenu d'unanimité -- habituelle dans ce genre d'occasion -- sur une déclaration finale du Sommet. Les États-Unis ne voulaient pas inscrire immédiatement la levée de l'embargo honni, d'où le refus de signer de Chavez et de son petit groupe radical (cinq pays sur 34). Ça ne fait rien, tout le monde avait quand même le sourire...
Pour Obama, «le peuple cubain n'est pas libre [...] et Cuba a les moyens de prouver qu'il est déterminé à imposer de véritables changements». Pour son porte-parole, «les poignées de mains, les sourires sont importants, mais pas suffisants. Les actions parlent plus que les paroles».
On pourrait toujours renvoyer la remarque à M. Obama, en soutenant qu'il n'est qu'un habile charmeur tacticien. Mais non, non: il y a plus que ça. Entre les États-Unis et leurs voisins du Sud, ça sent le virage historique.
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François Brousseau est chroniqueur d'information internationale à Radio-Canada. On peut l'entendre tous les jours à l'émission Désautels à la Première Chaîne radio et lire ses carnets dans www.radio-canada.ca/nouvelles/carnets.
francobrousso@hotmail.com

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François Brousseau est chroniqueur et affectateur responsable de l'information internationale à la radio de Radio-Canada.





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