Oubliez la commission Robillard sur la révision des programmes. Oubliez ses recommandations pour 2,3 milliards de dollars en compressions. Le vrai couperet, celui qui fera mal, est ailleurs.
Le couperet est entre les mains de Martin Coiteux, l’omniscient président du Conseil du trésor. Jouissant du soutien de Philippe Couillard, il est son grand manitou de l’austérité.
Échappé hier en conférence de presse, le lapsus de M. Coiteux selon lequel il laisserait «ses» ministres procéder aux annonces allant dans ce sens, était révélateur de son influence.
Connu pour sa défense acharnée d’une réduction radicale des dépenses de l’État lorsqu’il enseignait l’économie, il disait trouver le PQ trop «socialiste et écolo-radical» et Jean Charest, trop dépensier. C’est dire ce qui attend les Québécois…
Visant le déficit zéro dès l’an prochain, le gouvernement Couillard doit couper plus de 3 milliards de dollars. Promettant même des surplus dès 2015-2016, son prochain budget s’annonce brutal.
Vos paupières sont lourdes…
Communicateur rusé, Martin Coiteux est aussi le «vendeur en chef» des compressions. Son combat pour l’opinion publique commence à peine. Exit le «dialogue social» pourtant promis.
Il avertit plutôt que le «travail» ne fait que commencer et que «rien n’est écarté». Pour amadouer l’électorat, il cultive le flou tout en l’enrobant de formules passe-partout comme «équité générationnelle», «gestes structurants», «passage nécessaire», «repositionnement» de l’État.
Dans les faits, l’opération évidente de marketing politique vise à préparer les esprits à une redéfinition majeure du rôle de l’État québécois. Loin de s’arrêter à sa débureaucratisation nécessaire, le virage risque fort de reposer sur les axes suivants.
1 Réduction du «panier» de services publics, incluant en santé. 2 Ouverture encouragée au privé pour pallier. 3 Recours accru à la tarification, modulée ou pas. 4 À quelques exceptions près, alignement du Québec sur les choix sociaux du reste du Canada. 5 Tel que promis en campagne, allocation des futurs surplus non pas aux services, mais moitié-moitié aux réductions d’impôt et à la dette.
Les banquiers de New York
En 1996, à l’aube de la première chasse au déficit zéro sous Lucien Bouchard, ce dernier disait craindre les foudres des agences américaines de notation. Philippe Couillard et Martin Coiteux justifient aujourd’hui la leur en jurant qu’il vaut mieux couper maintenant que payer des intérêts aux «banquiers de New York».
Ces «banquiers», fort peu inquiets dans les faits, ne sont toutefois pas ceux ou celles qui, au Québec, subiront l’impact des compressions.
Sous la version Marois de l’austérité, Jacques Parizeau lançait cet avertissement : «Le déficit zéro bousille tout. À partir du moment où vous fixez l’objectif zéro avec une date butoir et que ça devient une religion, vous cessez de réfléchir.»
Risque de récession
En entrevue à RDI, l’économiste Pierre Fortin soulevait même le danger d’entrer en récession si le gouvernement Couillard se presse trop.
En réponse, les manifestations anti-austérité sont appelées à se multiplier.
Face à un gouvernement déterminé à réussir là où Jean Charest avait échoué en 2003, il serait cependant étonnant qu’elles réussissent à faire reculer le nouveau grand manitou de l’austérité.
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ADDENDUM:
- Ce mardi après-midi, dans sa deuxième conférence de presse en autant de jours, Martin Coiteux poursuivait la déclinaison de son plan de communication pour «vendre» l’austérité aux Québécois.
Face à l’opposition montante et aux manifestations contre l’austérité qui se pointent à l’horizon, le président du Conseil du trésor appelait les partis d’opposition et les syndicats à l’appuyer dans ses actions alors que, dans les faits, il sait fort bien qu’ils y sont clairement opposés.
Pour tenter de convaincre les Québécois qu’ils ne seront pas les seuls à subir l’effet des compressions actuelles et à venir, M. Coiteux annonçait sa propre «rénovation» de l’État québécois.
Reprenant un grand classique lorsqu’un gouvernement cherche à convaincre les citoyens d’accepter les sacrifices qu’on s’apprête à leur imposer, M. Coiteux alignait les formules du genre «L’État doit se serrer la ceinture. Comme vous le voyez, tout le monde fera son effort.» «Cela n’a absolument rien d’idéologique», concluait-il avec insistance. Ce qui, dans le cas du président du Trésor, serait passablement étonnant…
Or, lorsqu’il dit vouloir réduire la «taille» de l’État, la réalité est plutôt que le gouvernement vise à réduire le «rôle» de l’État.
«Je vous invite à avoir foi en l’opération», lançait-il aussi aux Québécois. Bref, il vous invite à «croire» au lieu de questionner et de réfléchir. Or, en politique, l’appel à avoir «foi» en des actions gouvernementales est en fait une invitation à la population à «croire» sans exercer son sens critique. C’est pourquoi la «foi» devrait être laissée aux églises…
- Voir aussi mon billet sur «la chasse sélective aux «vaches sacrées»».
- Et comme je le prédisais ici cet été, les dissensions au sein même du conseil des ministres sur le détail des compressions annoncées ou possibles est réel et se poursuit. Ce qui ne saurait surprendre dans les circonstances, même dans un gouvernement libéral..
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