Le jupon qui dérape

C-10 - "code de vie" puritain et censure


Il fallait s'attendre à ce que le jupon dépasse de temps en temps. Il était bien évident qu'avec un gouvernement conservateur, celui-ci poserait quelques gestes destinés à contenter cette partie de sa base formée de conservateurs sociaux. Mais, ces jours-ci, on dirait que le jupon ne fait plus que dépasser. Il dérape carrément.
Steven Harper avait travaillé très fort, après son élection comme chef du Parti conservateur, pour établir qu'il dirigeait un parti centriste plutôt qu'un gouvernement de droite, un peu à l'image du gouvernement qu'avait dirigé Brian Mulroney. Cela était essentiel pour convaincre les anciens «bleus» du Québec et de l'Ontario qu'il ne s'agissait plus du Parti réformiste et qu'ils pouvaient donc rentrer au bercail.
C'est ainsi qu'au dernier congrès du Parti conservateur, à Montréal en mars 2005, on avait fait adopter une résolution spécifiant qu'il n'était pas question de revenir sur la question de l'avortement ou sur le bilinguisme officiel. On voulait vraiment donner l'image que les dinosaures ne dirigeraient pas un éventuel gouvernement conservateur.
Or, depuis quelques semaines, c'est précisément l'impression qui se dégage d'Ottawa. Et ce qui est le pire, ce n'est pas les grandes orientations de l'État qui sont en train de faire mal à l'image du gouvernement, ce sont de petits dossiers qui prennent valeur de symbole.
Prenez la subvention au Festival «Black and Blue» de Montréal. Bien sûr, cette activité destinée à la communauté gaie n'a pas un caractère familial. Autant les autorités municipales de Montréal que provinciales du Québec ont choisi d'y voir une source de retombées économiques plutôt qu'un combat idéologique.
Le ministre Jean-Pierre Blackburn a même réussi à tomber dans le piège à ours que lui avait préparé le Bloc québécois, en pleine période des questions aux Communes. Le ministre a soutenu qu'il avait coupé les subventions parce que le festival était désormais une activité bien établie, alors qu'il continue pourtant d'apporter son aide au Festival de jazz et au Festival Juste pour rire, pourtant bien plus établis que lui.
Cela arrive dans le contexte d'un éventuel projet de loi sur la «protection des droits religieux», pour permettre aux officiers civils de ne pas célébrer un mariage entre personnes de même sexe, si cela est contraire à leurs principes religieux. Les églises sont déjà exemptées de cette obligation.
Puisque le gouvernement n'a pas les votes pour gagner un vote libre sur la reconsidération des mariages gais, il se trouverait à le faire en partie et indirectement, mais en créant le dangereux précédent de permettre à des officiers civils de ne pas respecter la Charte des droits quand cela fait leur affaire.
La semaine dernière, sous le couvert de compressions budgétaires, le gouvernement conservateur a coupé les vivres à toutes sortes d'organismes qui lui ont toujours déplu idéologiquement. Cela va du programme de contestations judiciaires à ceux touchant la condition féminine.
Cette semaine, c'est la ministre de l'Environnement, Rona Ambrose, qui se retrouve dans l'eau chaude à cause des propos d'extrême droite de son chef de cabinet, de ses propres déclarations sur le Québec et de son incapacité de présenter un Plan vert digne de ce nom.
Pendant un temps, il était encore acceptable que le gouvernement Harper explique combien l'ancien gouvernement parlait beaucoup du Protocole de Kyoto mais n'agissait pas et que, loin de diminuer ses émissions de gaz à effet de serre, le Canada les avait vu augmenter. Mais, maintenant, il est temps pour les conservateurs de dire ce qu'ils entendent faire.
Mais tant qu'on ne sera pas capable d'avoir une déclaration claire du gouvernement à l'effet qu'il accepte les preuves scientifiques à propos du réchauffement de la planète, il est difficile de croire qu'on aura un véritable Plan vert.
Autant sur l'environnement que sur le conservatisme social, le gouvernement conservateur donne l'impression d'avoir des intentions cachées. Au lieu d'occuper le centre et d'agir en rassembleur, il semble vouloir se camper franchement à droite. Pas étonnant que les partis d'opposition se préparent à le défaire sur le prochain budget et à obliger la tenue d'élections dès le printemps prochain.
M. Harper ferait bien de regarder ce que font les conservateurs britanniques, qui viennent justement de terminer leur congrès annuel. Leur nouveau chef, David Cameron, a averti son parti qu'il devait être «du côté de la prochaine génération».
Dans son discours de clôture du congrès, il a indiqué qu'il n'est pas question de revenir en arrière sur des questions comme le mariage gay et qu'il fallait que son parti devienne les champions de l'environnement. Les conservateurs britanniques ne rejettent pas le protocole de Kyoto, ils veulent même rencontrer leurs cibles encore plus rapidement.
Et, au cas où cela aurait échappé à M. Harper : David Cameron et ses conservateurs surfent actuellement en tête des sondages et sont largement favoris pour gagner la prochaine élection.


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