Foi et patriotisme

Le long cheminement du Québec

D’où venons nous, où en sommes-nous et où allons-nous?

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Tribune libre

Il était une fois un peuple courageux et fier qui a conquis l’Amérique en s’alliant aux Amérindiens. Quel est le secret de ce passé glorieux? Qu’en reste-t’il aujourd’hui? Quelles sont les conditions pour renouer avec cette culture civilisationnelle?


 


Le passé


Le Québec français s’est bâti par les exploits des héros qui ont peuplé son histoire. Ces héros étaient animés par la foi et le patriotisme, deux notions apparemment désuètes de nos jours. Pourtant elles allaient de soi à cette époque.


Le philosophe Jean Grondin explique ainsi cette vision qui a forgé notre civilisation mais qui nous paraît maintenant étrangère sous l’influence du nominalisme[i] :



«Pour le nominalisme n'existent que des réalités individuelles, matérielles, donc perceptibles dans l'espace et dans le temps.


Ainsi, pour le nominalisme, les tables et les pommes existent mais les licornes ou le père Noël n'existent pas, ce sont des «fictions». Pour lui, les notions universelles n'existent pas non plus, ce ne sont que des noms (d'où l'appellation de «nominalisme»), des inventions servant à désigner un ensemble d'individus possédant telle ou telle caractéristique commune, individuellement perceptible.


Il est au moins une autre conception de l'être qui est plus ancienne et contre laquelle la conception nominaliste s'est patiemment élaborée. Au vu de la conception moderne et nominaliste, c'est une conception qui paraîtra bizarre au possible, a fortiori à notre époque.


C'est la conception qui comprend l'être non pas comme existence individuelle mais comme manifestation de l'essence, dont l'évidence est première.»



Ainsi la foi est l’expression d’une évidence. Il s’agit de l’expérience première de l’être par laquelle nous participons à l’essence divine. Le mythe divin sert ici à désigner le mystère de l’être, proprement miraculeux, comme une réalité essentielle et permanente dont les individus sont des manifestations passagères. Le sens biblique de la foi est de «se tenir» dans cette évidence. Cette vision de l’univers fait que les individus sont les acteurs d’un destin collectif fabuleux et grandiose. Il en découle des sentiments d’appartenance, confiance, altruisme, solidarité et patriotisme.


Le philosophe Fernand Couturier ajoute que les mythes personnifiés par les dieux sont des paroles de vérité (le logos) qui servent à révéler le mystère de l’être[ii]. Ces paroles inspirées par la magnificence de la nature nous mènent vers les idéaux du Vrai, du Beau et du Bien. Elles sont le fondement du droit naturel.


Les grandes religions ont constitué leur pouvoir en figeant les mythes religieux dans le dogme et le récit «historique» et en se posant comme les seuls interprètes de ce dogme. Elles ont ainsi détourné le sens premier des mythes. Mais elles se justifient en défendant leur rôle de pouvoir au service de la Parole de Vérité. C’est davantage ce rôle qui les distinguent plutôt que ce qu’elles prétendent être. C’est au nom de cet idéal que le christianisme a accompli son œuvre de civilisation.


La juriste Valérie Bugault décrit ainsi le rôle de contre-pouvoir de l’Église catholique romaine[iii]:



«A la suite de l’effondrement de l’empire romain, le droit s’est développé, d’une façon générale en Europe, autour de la double hélice du pouvoir temporel d’une part et du pouvoir spirituel d’autre part. Par pouvoir temporel, il faut comprendre l’aristocratie organisée autour du Roi compris comme le premier d’entre ses pairs ( Primus inter pares ). Par pouvoir spirituel, il faut comprendre le catholicisme romain organisé à Rome (avec quelques exceptions historiques) autour du pape.»



 


Le présent


Ce bel équilibre n’a jamais cessé de se détériorer depuis. Valérie Bugault poursuit[iv] :



«L’Angleterre a, au XVIème siècle (plus précisément en 1531), fait sécession vis-à-vis de cette organisation socio-politique continentale lorsque le Roi Henri VIII, représentant de l’ordre temporel, décida de prendre le pas sur le pouvoir spirituel en le soumettant à sa propre volonté.


(...)


Historiquement mis au service du seul pouvoir temporel, le « droit » anglo-saxon s’est peu à peu, à la mesure de la prise du pouvoir politique par les puissances d’argent, mis au service des principaux détenteurs de capitaux.


Le Nouvel Ordre Mondial , qui est le résultat de la longue évolution décrite ci-dessus, appelé de leurs vœux par les tenanciers du système économique global, s’apparente à l’anéantissement complet de ce que l’on entendait traditionnellement par le terme de « civilisation » , qui suppose un développement collectif et repose, fondamentalement, sur un équilibre des forces et des pouvoirs.


Rappelons incidemment que l’ultra-individualisme, revendiqué par des mouvements comme les « LGBT » , les « droits de l’enfant » , « l’éducation sexuelle dès le plus jeune âge » , est l’aboutissement logique de la domination politique absolue des principaux détenteurs de capitaux : ces derniers utilisant à leur avantage exclusif le principe de bonne politique consistant à « diviser pour mieux régner » .


En effet, cette méthode d’asservissement appelée « diviser pour mieux régner » n’est pas seulement utilisée, de manière géopolitique, pour diviser les peuples et les nations mais également, de façon beaucoup plus sournoise et dangereuse, d’un point de vue politique pour faire de chaque humain une entité instable dépourvue de tout supports émotionnels et affectifs stables ; l’humain devenant dès lors un atome aisément manipulable, analogue à un « objet » qu’il convient d’utiliser.»



Ce constat rejoint celui de Jean Grondin[v]:



«On parle depuis peu d'«identité» pour tenter de sauver ces solidarités plus universelles, mais il va de soi, pour le nominalisme ambiant, qu'elles sont secondes et improbables. Il s'agit en fait d'un diaphane souvenir de l'essence qui semble irrémédiablement perdue.»



Voilà où en est la société d’aujourd’hui. La Vérité est remplacée par une perception subjective. Est-ce surprenant que l’école forme des ignorants illettrés? Le Beau fait place à un étalage d’émotions débridées et tapageuses. Et le Bien est devenu tout aussi subjectif de sorte que la loi du fort s’impose. Le savoir-faire et l’expérience de vie des aînés ne se transmettent plus et sont remplacés par le consumérisme.


L’individu coupé de ses racines et de ses repères est traité comme une quantité négligeable et jetable. Il est sommé de se conformer aux modes et au prêt-à-penser pour éviter d’être marginalisé.


Le pouvoir politique et économique est subverti. Valérie Bugault explique[vi] :



«Alors que le terme de « politique » suppose un pouvoir identifié qui va, en conséquence, de pair avec une responsabilité identifiée, les financiers à la manœuvre dans le processus de globalisation mondiale ont instauré, par le double mécanisme :



  • du parlementarisme anglais dominé par des « partis politiques »

  • et des « banques centrales indépendantes » ,


un système permettant, au sein de chaque État, l’irresponsabilité politique totale des véritables donneurs d’ordre, qui sont les « tenanciers du système économique » .


(...)


Ce prétendu modèle démocratique est fondé sur une imposture institutionnelle dont l’objectif est d’éclater le pouvoir politique de façon à le transférer, en coulisse, à des entités non clairement identifiées par les institutions.


(...)


Le « libre-échange » est en réalité la promesse de disparition de toutes les petites et moyennes entreprises, c’est-à-dire, la promesse de concentration des entreprises et des capitaux, ce qui est, du point de vue économique, l’exact contraire de la liberté.»



Libéraux et conservateurs défendent surtout les groupes d’intérêts dominants qu’ils servent : ce qu’ils appellent les «vraies affaires».


Les sociaux-démocrates, dont le Parti québécois soucieux de plaire à tout le monde[vii], défendent les minorités victimisées contre la majorité plutôt que l’émancipation de la majorité. Ce faisant, ils ne servent que les pouvoirs dominants.


Les écologistes, aveuglés par leur idéologie, participent à la fumisterie qui consiste à culpabiliser la majorité pour le réchauffement climatique alors que les classes dominantes polluent copieusement la planète avec la destruction des milieux naturels, les déversements en tout genre, les pesticides, les manipulations génétiques, les virus, les drogues, le nucléaire, les champs électromagnétiques, et les armes climatiques.


Pendant que les citoyens se distraient à suivre le théâtre politique, les financiers à la manœuvre préparent la prochaine catastrophe afin de consolider leur pouvoir. Après avoir inondé les marchés de crédits bon marché, voilà qu’ils vont crever la bulle et provoquer une récession sans précédent[viii][ix].


 


L’avenir


La reprise en main de notre destin suppose une prise de conscience individuelle et collective. Il faut renouer avec la culture qui a fait notre grandeur passée. Sans tomber dans la religiosité ou l’hypocrisie puritaine, il y a moyen de raviver les normes d’humanisme hérités de la culture chrétienne.


Mais la dérive actuelle dépasse les frontières et requiert des changements radicaux. Valérie Bugault propose cinq conditions sine qua non[x] :



«Pour éviter le sombre avenir organisé par quelques dominants qui mettra, à la mode anglaise, la plus grande majorité de l’humanité en esclavage, les solutions existent.»




  1. L’abolition des parlements représentatifs et des partis politiques car ils sont le jouet de pouvoirs occultes.

  2. La reprise par l’État du contrôle de la monnaie en circulation sur son territoire; le remplacement de son rôle de réserve de valeur favorisant l’accaparement par un rôle de moyen d’échange et d’unité de mesure favorisant les échanges; l’abolition des banques centrales.

  3. La fin de l’anonymat des organisations capitalistes, du contrôle occulte des gouvernements et des paradis fiscaux contrôlés depuis la City of London.

  4. La fin de la suprématie du droit anglais dans les relations internes aux États autant que dans les relations internationales; la fin du «soft law», des «guidelines» et des modèles de traités internationaux de l’OCDE et de l’OMC.

  5. Que la justice retrouve ses lettres de noblesse[xi] :



«La justice ne saurait être conçue comme un moyen technique pour imposer un rapport de force, celui des multinationales sur les individus et les États. Ajoutons que le concept de « justice » , en tant que recherche de la vérité dans les rapports individuels et collectif dépend, pour sa mise en œuvre, des valeurs propres à chaque type de Société, lesquelles sont véhiculées par sa culture et ses expériences historiques.»



 


Conclusion


Le passé glorieux du Québec s’est bâti sur la foi et le patriotisme. Ces notions procèdent d’une vision où l’individu est une manifestation de l’être dont la nature universelle et permanente est symbolisée par le divin. Le libéralisme que nous connaissons aujourd’hui est un racket généralisé basé sur la prédation systématique. Le but du système est la mise en esclavage de l’humanité sous des apparences de libertés individuelles et de droits de l’homme. Il est possible de revenir aux valeurs qui faisaient notre force si les citoyens en affirment la volonté. Mais il faudra un sérieux coup de barre. Ceci implique de mettre un terme aux institutions héritées du colonialisme anglo-saxon et le retour au droit naturel.


 


Références




iiMythes Religions Laïcité, - Une aire de liberté, Essai, Fernand Couturier, Fondation littéraire Fleur de Lys,


Lévis, Québec, 2016, 244 pages, Édition PDF gratuite. Cité par Michel Matte, Noël déconstruit, Vigile.Québec, 23 décembre 2017.





ivValérie Bugault, article cité.




vJean Grondin, oeuvre citée.





viiSur l'ndépendance, le populisme, et la rectitude politique | Vigile.Québec, par Mathieu Bock-Côté dans un interview de Richard Gervais, 27 mars 2019.





ixSi l'empire états-unien tombe, nous serons tous victimes, MétéoPolitique, par Pål Steigan, 21 octobre 2017.




xValérie Bugault, article cité.




xiValérie Bugault, article cité.




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